La première chose qu'il perçut fut le bourdonnement, comme un immense bourdon s'échinant contre chacun des ses tympans. Et le bruit des vagues: l'image d'un voilier blanc sur un océan infini était toujours présente quand il perdait connaissance. Toujours, absolument à chaque fois. La mer lui manqua.
Raven ouvrit péniblement les yeux à des kilomètres du plus proche rivage. La lumière du soleil, même estompée par l'air chaud et moite sous la sombre canopée du royaume des Trolls, lui écorcha les rétines comme du papier à sabler sur la chair d'un nouveau né. Des moustiques de la taille de son poing s'enfuirent en ronflant alors qu'il bougeait pour la première fois depuis... combien de temps? Il aurait aussi bien pu être un arbre, à rester immobile ainsi pendant des années. La peau des Trolls avait déjà la texture écœurante de l'écorce, de toute façon. Il détestait ça, en passant. Il faudrait qu'il se lave. Il tirait une grande fierté de s'estimer plus civilisé que la vaste majorité des siens, après tout.
Bon. Où aller, quoi y faire et pourquoi. Le Troll, qui ne se souvenait même plus de la raison de son départ, avait soif d'information. Soif tout court aussi, à bien y penser. S'engageant vers la plus proche taverne, il se souvint au moins que les nouvelles au Lorndor étaient plus faciles à trouver que la poussière sur les routes pour qui avait les poches remplies de trois années de champagne du nouvel an jamais ouvert. Après que la chaise d'une salle commune bondée sur laquelle il prit place ait raclé le sol dans la pénombre bienvenue en grinçant, il se tourna vers la foule en posant une bouteille sur sa table et d'une voix desséchée et ferme demanda:
"Quelles nouvelles du Lorndor?"
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