Forum Heroes' Chronicles

La souffrance fut si intense, si indescriptible qu'il ne parvint même pas à hurler.

Il avait en quelque sorte l'habitude de mourir.
Il se souvenait très précisément de ce que son corps avait ressenti lorsque Celdric lui avait décollé la tête des épaules avec son éternelle indifférence. Et ce premier "hôte" qui avait fini lynché, écartelé vivant par une foule de villageois, et cet autre, exécuté pour haute trahison...
La douleur et la mort étaient des concepts assez familiers pour lui.
Mais là c'était trop, même pour lui.

Instinctivement, Jillian tenta de retirer la lame qui le clouait au mur. Mais c'était pire que si elle avait été chauffée à blanc : ses gants se mirent aussitôt à fumer, à noircir...

Il n'allait plus tenir très longtemps.

Dans un suprême effort de volonté, il parvint à se concentrer sur la puissance magique qui lui restait encore. Plusieurs minces fils de mana jaillirent puis vinrent se fixer sur la lame de Frostmourne et sur le mur derrière lui.
Il parvint à détourner une partie de la force monstrueuse qui était en train de le détruire, à la précipiter directement dans le vaste flux de mana qui faisait de la tour une chose presque vivante, unique. La pierre se mit aussitôt à s'effriter d'avantage dans son dos.

Le sorcier parvint à reprendre sa respiration. Il pouvait réparer les dégats dans ses chairs et ses os plus vite que l'épée ne les détruisait. Maintenant il le pouvait !

Du sang lui coulait dans la gorge, glissait au coin de ses yeux jusque sur ses joues.
C'était bien là le seul genre de larmes qu'il était capable de pleurer...

- Ne me fais pas rigoler !

Jillian foudroya Thanos du regard.
Les mains qu'il crispait sur la terrible lame étaient en train de noircir comme l'avaient fait les gants qui les avaient enveloppées. On pouvait presque voir les os pointer à travers la chair détruite.
Mais il s'en fichait.

Avec ses toutes dernières forces, il faisait ressortir l'effroyable acier, millimètre après millimètre.

Les longs serpents de mana qui déviaient la puissance écrasante de l'épée commençaient à se matérialiser, à noircir et tomber en poussière.

- Je ne te donnerai pas le plaisir de crever ici !

Deux nouveaux fils argentés jaillirent brusquement du vide et vinrent heurter avec violence l'armure du prince noir.
Enfin, Jillian parvint à se dégager.

Tout son corps n'était plus qu'une plaie vive. La douleur était atroce, et seule sa volonté de fer lui permettait de se déplacer alors que le simple fait de tenir debout se révélait être un supplice.

S'il avait pu, il aurait laissé cette enveloppe mortelle disparaître.

Quelle stupide arrogance l'avait poussé à se recréer un corps lui appartenant en propre ?
Qu'importe. S'il devait se maudire pour ses erreurs, il ne pouvait le faire ici.

Sans un regard en arrière, il bondit vers les escaliers au bout du corridor, vif et léger comme une ombre. Ses habits flottants dessinaient comme deux ailes sombres dans son dos.
Il plongea dans l'obscurité, s'évanouissant tel un fantôme. Même le bruit de sa course fut dévoré par le silence lourd qui régnait dans les étages inférieurs.
Au diable ces aventuriers !

Khelendiwar avait réussi à se libérer. D'un air pensif, Thanos observa sa lame, apaisée, maculée du sang de son ennemi. Il ne l'avait pas tué, il n'en avait pas eu l'intention. Malgré ce qu'il avait fait à Shandra, l'acte de protection de cette dernière l'avait poussé à se rendre compte que quelque chose de trop profond était entre eux. Il ne parvenait pas à discerner quoi, mais il savait, instinctivement, que la mort de Jillian aurait eu des conséquences dramatiques sur Shandra.

Il voulait le mettre hors de combat, et bien, c'était réussi...

Le Prince poussa un long soupir de satisfaction. Toute colère s'était évanouie, en même temps que la lame avait vidé son trop-plein de puissance : la soif de l'épée et la rage de Thanos s'étaient entretenues, se renforçant l'une l'autre, atteignant des sommets effroyables. Le contrecoup arrivait, désormais, et le guerrier cligna lentement des yeux, son bras s'engourdissant de fatigue.

Il rengaina son épée dans son dos, puis se tourna en souriant vers la compagnie. Shandra était guérie, Earwen ayant utilisé ses talents avec une efficacité exemplaire.

Je crois qu'il ne reviendra pas de sitôt !

Puis, ses yeux se fixant sur le visage de Shandra :

Il va falloir que tu nous explique deux ou trois choses...

Shandra s'était crispée quand les soins d'Earwen avaient commencé à faire effet.
Cela devenait presque une habitude, à force...

Pendant un moment, elle avait vraiment cru qu'elle allait mourir.
Surtout lorsqu'elle avait perçu l'action pernicieuse de l'ang ensorcelé planté dans ses chairs.
Elle s'était senti étouffer. Tout son être était devenu lourd, comme si elle s'était trouvé enfermée dans une armure qui coulait au fond de l'eau. Très distinctement, l'elfe avait senti chaque muscle, chaque os comme une prison qui se refermait.

Tout comme Jillian, elle avait eu la capacité de détacher son âme de son corps, même si elle n'avait jamais tenté de "parasiter" quelqu'un d'autre. Elle savait à présent qu'à l'avenir, tel acte lui serait impossible.
Undùme... cet accès vers un pouvoir magique tellement plus grand, tellement...
Un passage qu'aucun être de chair et de sang ne pouvait traverser.
Pour elle, la porte s'était refermée à jamais.

"Jill... c'était la première chose que tu voulais faire, n'est-ce pas ? Me river des chaînes qui m'empêcheraient de clore totalement cette porte dont notre famille doit assurer la garde génération après génération... Tu as réussi. Pleinement."

Earwen lui avait demandé si ça allait mieux.
Shandra avait été si hypnotisée par l'affrontement dont elle ne percevait que des bribes entre son frère et Thanos qu'elle avait à peine saisi la question.
Enfin, l'aura sombre et torturée de Jillian s'évanouit. Il était parti.

L'elfe tourna les yeux vers la prêtresse. Ce ne fut qu'après avoir toussé et recraché le sang qui lui encombrait encore la gorge qu'elle parvint à murmurer :
- Mieux... De toute façon, c'était difficile de faire pire... à moins de mourir.

Elle souligna sa tentative de plaisanterie d'un sourire bien pâle.
Ses yeux la piquaient.
Elle baissa les paupières et prit une profonde inspiration.

Shandra ne voulait pas essayer de se relever tout de suite : si elle le faisait, elle se mettrait à pleurer comme une gosse. Autant épargner ça à tout le monde...
Elle rouvrit les yeux et fixa Thanos puis ceux qui l'entouraient d'un regard relativement calme au vu du chaos qui régnait à l'intérieur de son esprit. Elle allait avoir du mal à conserver ce calme pour répondre à des questions, mais elle leur devait bien ça.

- Qu'est-ce que... qu'est-ce que vous voulez savoir ?

Ils avaient un à un quitté la pièce. Elyra était maintenant seule. Il se passait quelque chose là-bas. Quelque chose avec Shandra. Il fallait qu'elle aille voir, son amie était en danger.
Mais autre chose la préoccupait.
Elle avait tué. Enfin presque, Earwen l'ayant ensuite ressuscité. Mais elle avait agi dans le sens de donner la mort à quelqu'un. Elle l'avait voulu. Sur le moment, cela lui avait semblé être la meilleure des choses à faire. Avec l'ang, elle s'était sentie puissante, capable, utile. Elle était venu à bout de l'ennemi. Sans hésitation. Sans faille.
Mais Salia avait récupéré l'arme, laissant Elyra maintenant avec l'impression d'être démunie et faible. Et ils avaient tous couru au dehors, au secours de Shandra.

Elle aurait voulu y aller aussi mais... elle ne savait plus. Elle leva la tête mais au dessus d'elle c'était le plafond. Pas de ciel. Pas d'étoile.

- Elvea...

Si seulement l'Etoile était là, alors elle pourrait savoir...
La voix incroyablement douce de sa mère de Lumière se fit entendre.

*Oui, ma chérie?*

- Qu'est-ce que je peux faire? J'ai fait... J'ai versé le sang. Certes il n'était pas innocent... mais je l'ai fait de ma propre volonté. Sans fléchir et sans regretter.

*Tu ne peux pas revenir en arrière.*

- Je sais. Mais je suis venue en Lorndor sauver des vies, pas pour en ôter. je n'ai pas le droit de faire ça. Je le sais au plus profond de moi. Mais je n'ai pas réfléchi. J'ai agi... c'est tout.

*Tu as écouté ton coeur.*

- Mais ce n'est pas une excuse. Je sais que tu me laisse tout faire sans jamais me juger. Seulement là... c'est quand même grave. J'ai failli. Je suis allée à l'encontre de ce que je suis.

*Lumière, rappelle toi tu es venue ici pour être sacrifiée afin de sauver une vie. Es tu morte cette fois là? Non. Thanos a touché à la roue du destin en t'apprenant à l'aimer. De ce jour, tu ne vis plus pour être sacrifiée à qui que ce soit. J'y veille et lui aussi. Ta vie a pris un tournant. Ne l'oublie pas. Et maintenant tu es maîtresse de ton destin. Il peut prendre le chemin de ton choix.*

- J'ai versé le sang. Je mérite un jugement. Andalia, Infini et Eternité ne seront peut être pas si cléments.

*A t il vraiment saigné?*

La question de l'Etoile la prit au dépourvu.

- Et bien non en fait... il s'est transformé en cendres. Et Earwen lui a redonné vie.

*Pas de sang. Tu n'as donc pas fait ce dont tu t'accuses. Mais je comprends que tu te sentes souillée. Viens à moi ma Lumière, je vais te purifier et tu brilleras de nouveau de ton plus bel éclat*

Elyra ferma les yeux, sentit un contact très très doux, une étreinte impalpable. Elle se sentit bien. Son corps devint transparent et perdit tout consistance jusqu'à ne plus être là.

Mais il n'y eut personne pour le voir.

L'Ange noir approcha de Shandra, et, afin qu'elle ne se sente pas oppressée, s'assit sur ses talons devant elle, se mettant ainsi à sa hauteur. Sa voix, ayant perdu l'excitation du combat, se fit douce. Ses questions n'étaient pas posées en rafale, mais tranquillement, de façon à ce que Shandra puisse les absorber au fur et à mesure.

Pourquoi tu n'as pas voulu que je le tue ?

Comment a-t-il fait pour revenir ?

Qu'est ce qu'il a contre toi ? Ou plutôt, qu'est ce qu'il te veut ?

Et doit-on s'attendre à le voir réapparaitre un jour ou l'autre ?

Shandra prit une lente et profonde inspiration.
Elle s'efforça de prendre les questions dans l'ordre, méthodiquement. C'était juste un puzzle : il fallait simplement placer des réponses aux endroits appropriés. Comme un jeu, un simple exercice mental. Il ne fallait pas s'appesantir sur leur signification.

Elle voulait raisonner ainsi, mais ses mains se crispèrent légèrement.

- Je n'ai pas voulu le voir mourir... le voir mourir encore une fois... parce que c'était, non, parce que c'est toujours mon grand frère. C'est aussi simple, aussi stupide que cela. Il peut bien être parricide, meurtrier... je m'en fous !

Sans le vouloir, l'elfe avait élevé la voix et s'était redressée à-demi. Elle cilla en s'en rendant compte et détourna la tête, la gorge nouée.

- Non, je ne m'en fous pas... Mais il reste mon frère, et... il n'a pas toujours été comme ça. Son caractère n'a pas vraiment changé. C'est juste qu'autrefois il pouvait se contenir. Il pouvait rire après un mauvais tour joué à un de ses précepteurs et même se laisser faire des couettes par sa petite soeur...

Les lèvres pâles de Shandra s'étaient étirées en un sourire rêveur qui se flétrit comme une fleur aux premiers frimas.
Elle reprit d'un ton ferme :
- Jillian a pu revenir, tout simplement parce que certaines pratiques proches de la nécromancie sont... non pas un passe-temps, mais plutôt une aptitude innée dans la famille. S'emparer d'un autre corps...

L'elfe haussa les épaules avec indifférence.

- C'est relativement facile. Celdric a exécuté son propre fils...

Ses yeux se firent plus fixes, plus froids.

- Et je me rappelle de son expression lorsqu'il apprit qu'un des hommes qui étaient partis jeter le corps dans une fosse à la faveur de la nuit...

Elle serra les dents à cette évocation. Celdric avait été indifférent envers son fils, oui... au point de traiter sa dépouille comme celle d'un animal ou d'un mendiant. C'était un des rares griefs qui persistaient dans son coeur.

- ... lorsqu'il apprit qu'un de ces hommes avait disparu. Je suppose qu'il aura servi de premier "hôte" à mon défunt frère. Celdric en était certainement arrivé aux mêmes conclusions. Après tout, ce n'est pas pour rien que les sabres royaux forgés à Etherith possèdent un enchantement capable de sceller une âme dans son corps... Ensuite, tout ce que je puis dire, c'est que Jillian en a appris suffisamment pour être à même de façonner un corps parfaitement viable à partir de n'importe quelle créature vivante. Vous avez pu le constater : le résultat était plutôt réussi... Quant à ce qu'il me veut...

Shandra soupira.

- Celdric n'était vraiment pas l'idéal, comme père... Par contre, c'était un formidable meneur d'hommes, un combattant vraiment remarquable... bref, si on ne pouvait l'aimer, on pouvait l'admirer. Pour Jillian, c'était plus encore : c'était de la vénération. Il était fier d'être son fils, et il aurait voulu que Celdric soit fier d'être son père. Malheureusement... ils se ressemblaient beaucoup trop. Sans doute Celdric avait-il l'impression qu'on lui renvoyait chacun de ses traits de caractère, chacun de ses défauts en pleine figure à chaque fois que ses yeux tombaient sur son aîné. Il était tout bonnement incapable de voir aussi ses qualités. Il n'a jamais ressenti autre chose que du mépris pour Jillian. Mais c'était encore une forme d'attention. Puis vint le jour où il fut évident que ce n'était pas l'aîné qui avait hérité d'une des principales...

Elle hésita, choisissant soigneusement ses mots.

- ... d'une des aptitudes qui se transmettaient de génération en génération dans la lignée. Et c'était quelque chose qui tenait vraiment Celdric à coeur.

Shandra tourna la tête vers Earwen.

- Tu sais de quelle "aptitude" je parle, n'est-ce pas ? Nous en avions parlé à l'Auberge du Rêveur, il y a... il y a déjà quelques temps.

Sa voix se fit plus douce, presque un chuchotis.

- Celle qui avait hérité de la qualité que recherchais Celdric, c'était moi. Pourtant Jillian était si doué, tellement prometteur... il était magnifique. Et, à cause de cela, de ce tour du destin, ce fut comme s'il n'avait été que de verre, transparent, devenu totalement inexistant aux yeux de la personne qu'il idolâtrait avec une passion aux limites de l'obsession. Le dernier coup vint quand il comprit que Celdric était bel et bien capable de faire un geste affectueux envers quelqu'un. Je m'en souviens très bien... j'étais dans la bibliothèque du château, en train de froncer les sourcils sur un grimoire beaucoup trop compliqué. Jillian était affalé sur un des sofas et restait à somnoler. Depuis que notre père semblait avoir décidé d'oublier jusqu'à son existence, il se laissait complètement aller, ne faisant plus rien, ni magie, ni entraînement, rien. Il n'avait plus besoin de chercher à impressionner son indifférent géniteur. Et c'est là que Celdric est entré. Et m'a pris le grimoire des mains pour le replacer par un autre. "Essaye celui-là. Si les pages sont toutes cornées, c'est parce que je l'ai moi-même potassé pendant des nuits entières à ton âge." Puis il a sourit. Un vrai, un merveilleux sourire. C'est à partir de ce moment-là que Jillian à commencer à me haïr, à haïr Celdric, autant qu'il avait pu nous aimer ou nous admirer.

Tout doucement, Shandra s'assit.

- Cette haine conduisit mon frère à sa mort... et c'est ce qui le pousse à rester vivant. Il a déjà eu sa vengeance sur Celdric. Il ne sera pas en paix avant de l'avoir exercée sur moi, et peut-être...

L'elfe se mordit la lèvre.
Seyd ? Après tout, il était aussi le fils de Celdric...
Ses doigts se mirent à pianoter nerveusement sur les dalles. Brusquement, elle avait envie de quitter cet endroit au plus vite.

- Il cherche sans doute à rétablir ce qu'il considère être l'ordre naturel des choses en tentant de m'arracher la capacité qui a contribuer à creuser un fossé infranchissable entre nous. Donc, pour répondre à la dernière question : cela m'étonnerait qu'il revienne à la charge entre ces murs mais il ne me lâchera pas si aisément. Enfin, après tout, une fois hors d'ici, cela ne concernera que moi...

Thanos avait écouté en silence, absorbant les information au fur et à mesure que Shandra les dévoilait. Lorsqu'elle eut fini, il se redressa, les jambes un peu ankylosées pour être resté dans cette position trop longtemps. C'est qu'elle en avait, des choses à dire.
D'un air pensif, il commenta :

J'ignore de quelle aptitude tu parle, et je ne chercherai pas à en savoir plus. Cela dit, qu'un être apparemment aussi vil que ton... frère... mette la main dessus n'est, j'imagine, pas une bonne chose.
C'est pourquoi tu te trompe en disant qu'une fois sortie d'ici, ce ne sera plus que ton problème. Si le bonhomme se met à vouloir se refaire un statut, étant donné qu'il semble affectionner les titres, il risque de commettre des actes peu avouables.

Le Prince s'étant éloigné de quelques pas tout en parlant, son regard revint se river sur Shandra

En dehors de l'aspect incontestablement chevaleresque de la chose, je n'apprécierais que modérément que ce vil arrive à mettre des projets à exécution, et te tue, comme il a bien failli réussir à le faire à plusieurs reprises au cours des dernières heures.

Alors, existe-t-il un moyen de l'arrêter, ou du moins de l'empêcher de nuire ? Tu as mentionné des sabres ayant le pouvoir de sceller les âmes.
Mais avant tout...

Qu'es tu prête à faire pour le protéger, sans te sacrifier ? Admettrais-tu qu'ils soit emprisonné, mis hors d'état de nuir, puisque tu ne veux pas qu'il meurt ?

Parce que si je comprends bien, tant qu'il est libre de ses mouvements, il est un danger permanent pour toi...

Enfin, Shandra se releva.
Elle n'avait pas encore pu réaliser pleinement ce qui c'était produit dans la salle aux artéfacts. Cependant elle avait réussi à ranger ce problème dans un coin de son esprit, bien remisé dans une boîte dont le couvercle ne cèderait que plus tard, loin des regards.

Les gestes raides mais sans aucune marque d'hésitation, elle ramassa le sabre qui avait bien failli lui ôter la vie et le fourreau qui gisait au pied du mur, dans un coin sombre.

- Je pense que Jillian a suffisamment souffert comme cela. Je comprends parfaitement ce qu'il a pu éprouver, pour l'avoir en partie ressenti moi-même. C'est pourquoi je ne pourrais pas plus le laisser tuer que le laisser dépérir dans une nouvelle cage. Cela étant...

Elle vint se planter devant le Prince noir, le menton levé pour le fixer dans les yeux.

- J'ai choisi chacune de mes paroles avec soin. Autrement dit, quand j'ai affirmé qu'une fois hors d'ici, cela ne concernerait que moi... c'est que cela ne concernerait que moi. Jillian est dangereux. Vraiment. Je le sais. Et il doit être mis hors d'état de nuire pour cela, bien sûr. Mais il ne me lâchera pas, il viendra me trouver bientôt pour finir ce qu'il a commencé... Et c'est là que je le tuerai.

L'elfe rengaina le sabre encore maculé de sang d'un coup sec.

- Parce que c'est mon frère, et parce qu'il est allé trop loin pour je puisse le pardonner. Parce que c'est à moi de le faire, tout simplement.

Thanos croisa les bras, face à Shandra qu'il toisait d'un oeil ironique.

C'est là que tu le tuera, hein... Comme tu a failli y arriver il y a quelques minutes, c'est ça ?

Haussant les épaules dans un cliquètement d'armure.

Mais, après tout, si tu t'en sens capable... Loin de moi l'idée de te contester cette aptitude.

Bien que les paroles soit aimable, le ton était clairement ironique.
N'attendant pas de réponse, il se retourna pour se diriger vers la grande salle. Ne s'adressant à personne en particulier, il lança :

Bon, il reste quelque chose à tuer, dans cette tour, ou bien ... ?

Comme pour lui répondre, une pile de livres remua, comme animée d'une vie propre. De la dite pile émergea alors une pointe rouge, suivi de près d'une tête, et d'un corps minuscule. Assis, les jambes étalées sous un gros livre ouvert, Bès étouffa un bâillement tout en étirant ses petits bras.

Yaaaa !
Ce fut long, dites !

Se dégageant avec agilité de sa couverture improvisée, le lutin sauta sur la tranche du livre et examina la pièce du regard tout en se grattant la tempe d'un air préoccupé.

Pfiou, vous n'y êtes pas allé de main morte... Fallait bien ça, z'allez me dire.

Prenant soudain, un air solennel, il releva ses manches, cracha dans ses mains, s'y repris une seconde fois après avoir visé trop haut et sali un livre, se les frotta l'une contre l'autre, se fit craquer les doigts, poussa un cri de douleur et jura, releva ses manches de nouveau, et leva les bras tel un grand prêtre s'adressant à une foule de fidèles. Quelques gestes compliqués plus tard, une tornade avait traversé la salle et le couloir, tout ce qui traînant dans la pièce était revenu à sa place, et tout ce qui ressemblait à un cadavre ou à une tache de sang avait disparu. Sa voix brusquement bien plus sonore -et donc encore moins supportable qu'à l'accoutumée-, le lutin commença :

Mes chers amis...

- Mes chers amis... *Glk*

La phrase resta en suspens, le Prince ayant refermé son poing ganté au cou du frêle cou du lutin. Le levant à hauteur de son visage, il le fixa d'une regard sévère, et demanda d'un ton qui ne demandait pas mais exigeait une réponse :

- Où est Elyra ?
- Glk.

Thanos desserra légèrement sa poigne pour permettre à sa victime de parler.

- J'y suis pour rien, moi, ho ! La Maîtresse est partie avec sa mère, elles ont disparu, comme ça, pouf !

Désireux de bien faire passer le message, Bès faisait de grands gestes avec les bras, puis, après avoir joint les mains comme pour prier, il demanda d'une toute petite voix :

- Est ce que le Maître peut me lâcher, maintenant ?

Le Prince ouvrit le poing, mais le lutin ne tomba pas l'arrière trin sur le sol comme il s'y attendait : il se contenta de flotter, comme suspendu par une force invisible. S'éloignant d'une brasse coulée du plus belle effet, il alla se percher sur une commode encombrée de livres, désirant appremment reprendre son discours.

- Je disais donc...

Avant d'être interrompu par le Prince, quoique d'une manière un peu moins désagréable :

- Comment tu nous as appelé ?
- Bès vous a appelé Maître, Maître.
- Qu'est ce que cala signifie ?
- Si vous laissiez Bès faire son fichu discours, vous le sauriez, non d'un chapeau pointu !
- Ha. Bon.
- Mais je vais attendre un peu que les autres entrent, sinon il entendront pas, et j'aime pas me répéter, voyez. Maître.

Mettant ses petites mains en forme de cône autour de sa bouche -comme s'il aait besoin de cela pour crier plus fort-, il lança un appel aigu et désagréable au possible :

- TOUS LES AVENTURIERS SONT ATTENDUS DANS LA PIECE CENTRAAAAAALE !

Tout en écoutant l'histoire de Shandra d'une oreille attentive, la centaure s'était approchée de Salia, allongée à côté d'elle et s'occupait de lui faire reprendre ses esprits.

- Salia! Si tu continue de dormir tu vas tout rater! Ce serait bête de ne même pas savoir pourquoi tu t'es battue non?

Les paroles de Bès firent comme une douche glacée à Eglantine. "Avec sa mère". Salia ne lui avait toujours pas clairement dit ce qui s'était passé entre le dernier moment qu'elle se rappelait : les bras de Brutus et l'instant où elle était arrivée à la tour.
La centaure avait fini par penser qu'Elyra était leur fille à Brutus et elle. Même si elle n'avait rien de son père. Le Prince Noir par contre, avait les mêmes yeux. Mais son regard à lui était tendre tandis que celui de Brutus était toujours resté glacial. Elle s'était imaginé qu'Elyra était le fruit de leur amour. Celle qui rendrait leur histoire immortelle.

Alors quand Bès avait parlé de la mère d'Elyra, Eglantine avait frissonné. Réalisant que ce qu'elle avait rêvé était faux. Il lui semblait qu'en plissant les yeux, elle pourrait savoir ce qui s'était réellement passé. Mais que ce ne serait pas facile à entendre.

Voulait elle connaître la vérité? Ou préférait elle rentrer chez elle en restant ignorante de son avenir?
Le choix était très difficile...

- hum...

La blonde ouvrit doucement les yeux :

- Oui, ça serait très bête...

Elle se releva doucement s'appuyant sur le mur, une fois debout, le sol se mit à tanguer.

- hum... je sais pas si je vais arriver à marcher... j'ai l'impression d'être ivre sans avoir bu... J'ai raté quelque chose ? J'ai du mal à remettre mes idées en place.

La demi-déesse regarda Eglantine :

- ça va? Tu a l'air... inquiète

Le discours de Shandra... ses Aptitudes... Cette accès au Mana...

Thanos a raison... Moi même, je ne peux te laisser ainsi... rien que pour cette Aptitude que j'aimerais étudier... Et puis cela me manquerai presque de ne pas risquer ma vie avec vous...

Earwen se tut. Un silence était palpable, coupé par les pas de Thanos se dirigeant vers la Salle des Artefacts

La Pretresse regarda un court moment le restant de l'équipe... Comme chacun avait changé... confronté a des épreuves si difficiles... La prêtresse se demanda alors pourquoi elle était la... Pour quelle raison son Dieu l'avait embarqué avec finalement ce qui se rapprochaient d'impies qu'habituellement elle tuait... et pourquoi elle voulait poursuivre avec eux... Elle haussa des épaules et brusquement, se boucha les oreilles... Le Lutin était réapparu et les rappelait

Décidément, il ne me manquait pas celui la.

L'Elfe vérifia si ses Artefacts étaient bien présents dans sa besace et toucha malgré elle la Sphère de Téfeiri. Son contact lui fit monter un frisson le long de son dos... finalement, elle était si proche de chez elle... Elle pouvait repartir vers une vie plus "normale" pour elle...

Après quelques secondes de trouble visible dans ses yeux, elle tourna les talon et se dirigea vers la Salle des Artefacts, qu'elle trouva bien propre.

La prêtresse regarda alors la scène. Le lutin flottait dans l'air, Thanos semblait plus que soucieux... Une lumière rougeoyante était à l'opposé de la pièce.

Faïeurfoks! je l'avais oublié!

En s'approchant, le petit renard de feu sauta de joie et se plaça sur les épaule de sa maitresse qui se figea.

Yamaneko? Pourquoi es-tu si immobile? et... Et où est Elyra?

Elle se retourna alors vivement vers Thanos, comprenant alors son atitude.