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 Sujet du message: [ La Mort de Syhl ]
MessagePublié: Mar 14 Déc, 2010 20:23 
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[ Prologue ]

Syhl s’emmitoufla davantage dans la couverture et se recroquevilla dans le fauteuil où elle se tenait depuis quelques heures déjà, à moitié dans le noir, une main tenant serrée le lourd tissu autour d’elle, l’autre reposant sur son ventre. Seule la flamme de la cheminée éclairait la pièce d’une lueur orangée, formant avec les objets des ombres fantastiques dansant sur les murs.
Les yeux de la jeune femme étaient cernés, las d’avoir trop veillé dans des nuits sans dormir, las d’avoir trop pleuré dans des journées d’inactivité. Aujourd’hui, enfin, elle semblait s’être calmée. Mais les jours qui avaient précédé, elle était passée par des phases de désespoir, des phases de colère, des phases d’hystérie, et des phases de profonde léthargie.



Le désespoir d’abord.
Lorsque celui qui était à la fois son tuteur, son Maître, et son Amant, lorsqu’Abred avait disparu sans laisser de traces, sans un mot, sans une explication.
Lorsqu’ensuite elle s’était rendu compte que ce qu’elle prenait pour une simple absence, était en réalité un départ définitif, et que, folle d’inquiétude, elle avait remué ciel et terre pour tenter de le retrouver. En vain.
Lorsqu’enfin, elle avait brutalement appris que, non seulement Abred avait quitté le clan où ils vivaient tous deux, mais qu’il l’avait aussi quittée, elle, pour l’amour d’une autre, et qu’il avait même quitté la Vie, pour devenir un Non-Mort et rejoindre une Lilith.

La colère ensuite.
Colère contre lui, d’abord. Pour ne pas avoir eu le courage ou l’honnêteté de lui annoncer son départ en face, au lieu de fuir lâchement. Pour lui avoir offert pendant près de 18 lunes une vie remplie de témoignages d’Amour, avant d’y mettre fin aussi brutalement. Pour lui avoir fait croire, après tant d’années de souffrances et de douleurs, qu’elle avait enfin trouvé le bonheur dans ses bras, avant de la replonger dans le désespoir. Pour avoir succombé aux charmes si artificiels qu’une Lilith sait si bien déployer afin de satisfaire ses envies.
Colère contre Elle. Cette Lilith, qui qu’elle puisse être. Qui avait jeté son dévolu sur son bel Amour. Qui avait su l’attirer en employant la ruse et la tromperie, et qui le détruirait sûrement le jour où elle ne s’amuserait plus avec. Qui avait ainsi détruit en peu de temps les ébauches d’un bonheur que Syhl avait mis si longtemps à rebâtir. Qui lui avait pris sa raison de vivre.

Puis vint l’hystérie.
Lorsque la jeune femme apprit que cette Lilith n’était pas qu’une passade. Que son bel Amour l’avait demandé en mariage et qu’il allait l’épouser dans les jours à venir. Détruisant ainsi le dernier fragment d’espoir auquel se raccrochait encore Syhl, qui croyait, qui voulait croire qu’Abred pourrait encore, un jour, lui revenir.
Durant ces crises, la guerrière perdit toute cohérence, parfois même toute conscience, imaginant mille scenarii de vengeance et de mort en exutoire à son désespoir, à ne plus savoir ce qu’elle vivait réellement, de ce qu’elle inventait de toute pièce.
Et dans ses crises…
Elle retrouva ainsi Abred au détour d’un chemin, et le poignarda longuement, avec furie, un coup de lame pour chaque coup porté à sa vie, une blessure sanglante pour chaque blessure qu’il avait pu lui infliger, afin qu’il ne soit plus qu’une immense plaie béante en souffrance comme l’était son cœur depuis son départ.
Elle se rendit un autre jour en l’Eglise d’Olasdoul tandis que le couple maudit y célébrait leur mascarade de mariage, pour les surprendre et maudire leur union en se poignardant au bas-ventre et en répandant son propre sang sur le dallage de pierre du bâtiment, avant de finir quasi dévorée par les deux amants en guise de repas de noce.
Elle trouva enfin un matin, après des mois de recherches, le caveau dans lequel reposait la Lilith qui lui avait volé son bel Amour. Elle fit passer des sangles et des chaines autour du sarcophage, toutes fermées par des cadenas, avant d’aller jeter le tout dans un lac sans fond, condamnant la Lilith à mourir de faim pour l’éternité…

Et enfin… la léthargie.
Epuisée par le chagrin, par les crises, Syhl avait fini par sombrer dans une apathie profonde, se laissant aller complètement. Buvant peu, mangeant encore moins, ne sortant plus de sa chambre. Plus rien ne semblait pouvoir la toucher, l’émouvoir. C’est comme si elle n’était plus là. Repliée sur elle-même, coquille imperméable protégeant les souvenirs des jours heureux dans lesquels elle s’immergeait sans retenue, à en perdre le fil des jours. Enfermée dans sa bulle de bonheur pour ne plus avoir à souffrir face à la réalité de son existence. Un bond en arrière dans un monde connu, dont les paramètres maitrisés protégeaient de toute souffrance à venir. A se laisser glisser doucement vers l’inconscience, à se laisser partir, à se laisser mourir, en toute indifférence, bien au chaud dans son univers factice.

Et puis, lentement Syhl reprit pied avec la réalité. Comme on s’éveille d’un long cauchemar. Se souvenant de chacune de ses crises. Essayant de prendre du recul et de comprendre ce que la souffrance avait fait remonter en elle au travers de ces visions d’horreurs qui s’étaient enchainées. Essayant de comprendre pourquoi son esprit malade avait donné à la Lilith les traits de personnes qu’elle avait connues, vivantes comme non-mortes d’ailleurs… D’abord, Sonja-la-rouge, qu’elle avait considéré (et considérait toujours) comme sa propre sœur, du temps où elle appartenait au clan des Born In The Teardrops ; plus surprenant encore, Seytahn, la matriarche du clan VAMP, qu’elle n’avait pourtant côtoyé que très peu de temps lorsqu’elle était elle même dirigeante de clan dans la Horde ; le summum de la folie ayant sans doute été atteint lorsque la Lilith avait revêtu l’apparence de la propre fille d’Abred, Lyra, la petite prophétesse Sylve…

Prendre du recul, se poser en analyste froide de la situation, se dissocier de cette Syhl en souffrance, s’éloigner, pour ne plus ressentir, passer « de l’autre côté de la barrière » fut pour la jeune femme le seul moyen de se reprendre. De trouver en elle de quoi remonter la pente. De se raccrocher à une bouée de sauvetage pour ne pas couler. Pour ne pas se laisser mourir.
Mettre un nom sur cette Lilith. Savoir qui. Savoir quoi. Savoir pourquoi. Comprendre. Comprendre le pourquoi de son départ. Entendre sa voix, l’entendre mettre des mots sur ce qu’il vivait, sur ce qu’il pensait, sur ce qu’il ressentait. Comprendre le pourquoi de son choix à Lui. De son choix à Elle. Comprendre, pour pouvoir admettre, tout simplement.


Syhl crispa involontairement la main sur son ventre. Pourquoi le sort s’acharnait-il ainsi. Pourquoi. Pourquoi, alors que tout était merveilleux. Pourquoi maintenant. Pourquoi maintenant, alors même que, peut-être… que peut-être d’autres bonheurs étaient à venir.
La jeune femme secoua la tête. Ce n’était pas en restant ainsi qu’elle obtiendrait les réponses à ses questions.

Elle se leva, traversa la petite chambre qu’elle louait à nouveau dans les faubourgs du royaume humain pour aller s’asseoir à la table et prendre de quoi écrire. Elle avait à son tour quitté son clan quelques heures plus tôt, pour pouvoir reprendre sa quête sans entrave, et sans entraîner personne avec elle. Parce qu’elle devait faire ça seule.
Et sans plus attendre, elle commença à écrire.

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 Sujet du message: Re: [ La Mort de Syhl ]
MessagePublié: Mar 14 Déc, 2010 20:24 
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[ Partie I – La Fiole. ]


La souffrance au niveau de l’estomac lui coupa le souffle quelques secondes, la faisant presque se plier en deux ; puis la vague de douleur reflua lentement, lui permettant de retrouver une respiration tremblante. Elle s’était tellement crispée qu’elle avait complètement écrasé la plume avec laquelle elle écrivait.

La sensation de malaise diffus qui persistait depuis le matin, qu’elle avait attribuée à la fatigue, et à laquelle elle ne n’avait prêté que vaguement attention, venait brusquement de se changer en une douleur aigüe et violente. Inquiète, Syhl se leva et alla vers le seul petit miroir présent dans la chambrée. Elle y aperçut un visage marqué, aux yeux cernés et à la peau blême. C’est à peine si elle se reconnut dans l’image que lui renvoyait le miroir.
Elle se passa la main sur le front, glacée. Décidément, ça n’allait vraiment pas. Elle sentait une sueur froide mouiller ses tempes et commencer à lui couler au niveau du dos. Claquant presque des dents, elle s’approcha de l’armoire pour y récupérer un châle lorsqu’une nausée soudaine la prit presque de court. Elle n’eut que le temps de se jeter vers une bassine : son estomac se contracta avec une telle violence qu’elle faillit crier, et elle rendit les quelques morceaux de pain qu’elle s’était obligée à prendre en guise de petit déjeuner.

La jeune femme se redressa, encore tremblante mais soulagée d’un poids. Elle soupira. Finalement elle n’aurait pas dû se forcer à manger quelque chose, son estomac trop longtemps privé n’avait pas supporté l’apport d’autant de nourriture. Mais elle ne pouvait pas se permettre de rester le ventre vide, sinon elle irait droit à la syncope. Et ce n’était pas franchement le moment idéal pour cela, elle avait à faire.
Elle prit le châle dans lequel elle s’enveloppa, puis fit le nécessaire pour faire nettoyer la bassine souillée, avant d’aller farfouiller dans ses affaires en quête de quelque chose à manger, de préférence sucré, qu’elle pourrait conserver. Bien entendu, depuis le temps qu’elle n’était pas sortie, il n’y avait rien ou presque à se mettre sous la dent. Envisageant les quelques flasques qu’elle conservait pour usage médical, Syhl découvrit alors une fiole bleutée dans lequel se trouvait un étrange liquide sombre et épais. La jeune femme fronça les sourcils. Impossible de se souvenir ce qu’il y avait dans le flacon. Et impossible surtout, de se rappeler dans quelles circonstances elle avait obtenu ce produit. Elle grommela à mi-voix.

- « Moi et le rangement… la prochaine fois, je mettrais une étiquette. Si Abred était là, il… »

Coup de poignard dans un cœur encore saignant. Elle serra les dents. Il était partout. En elle, mais aussi autour d’elle. Dans chaque objet. Chaque vêtement. Chaque mouvement. Il lui faudrait du temps avant de le faire peu à peu disparaître de son quotidien.

Syhl ouvrit la fiole et approcha son nez avec précaution. Une odeur âcre et vaguement écœurante lui parvint aux narines, qu’elle ne parvint toutefois pas à identifier. Troublée, elle préleva une goutte du liquide épais à l’aide de son index et la déposa sur sa langue.
Le goût était aussi âcre que l’odeur laissait à prévoir. Indéfinissable aussi. Et la texture épaisse assez… dérangeante. Mais étrangement, l’ensemble n’était pas si repoussant que ce à quoi la jeune femme s’attendait. Oubliant toute prudence, attirée malgré elle et par l’odeur et par la sensation, elle se risqua à boire une minuscule gorgée du liquide. L’épaisseur du produit lui provoqua un léger haut de cœur au moment de déglutir, et l’apprêté du mélange la fit grimacer.
Son acte en soi pouvait passer pour de la folie ; boire le contenu d’une fiole inconnue... Mais la jeune femme n’avait jamais eu sur elle que des potions curatives, rien d’agressif. Elle se disait qu’elle ne risquait rien avec cette potion. Au pire, rien ne se passerait, et au mieux, elle serait soulagée de son malaise.
Effectivement, une dizaine de minutes après l’ingestion, Syhl se sentit mieux. La sensation de malaise avait disparu, ainsi que les sueurs froides, et les douleurs à l’estomac.
Elle retourna s’asseoir à la table, prit une nouvelle plume, jeta celle qu’elle avait écrasée, et reprit sa correspondance.

Une demi-heure plus tard, alors qu’elle se levait pour prendre une bougie et sceller les différents plis qu’elle avait rédigés, elle fit un faux pas et du se raccrocher à la devanture de la cheminée pour ne pas tomber. A nouveau elle se sentait mal. Les nausées étaient revenues, ainsi que les suées froides. Mais pas la douleur à l’estomac. Elle réussit à se trainer jusqu’au lit, où elle s’allongea, le sang lui battant les tempes. Elle ferma les yeux, espérant faire passer la nausée, mais rien n’y fit. Et à nouveau elle se précipita vers la bassine propre pour y rendre, mais son estomac étant vide, ses contractions inutiles furent particulièrement douloureuses, et la jeune femme ne rejeta en se forçant qu’un peu de bile.
Syhl s’essuya la bouche, inquiète. Elle n’avait pourtant que deux ou trois jours de retard, rien de bien alarmant en somme. Mais… cet état de malaise depuis le matin… ces nausées maintenant…
Tout pouvait s’expliquer, bien sûr, avec le stress et la fatigue des derniers jours… mais… elle ne pouvait pas s’empêcher de penser que…
Sauf que si c’était ça… ça n’était vraiment, mais alors, vraiment pas le moment.

Comme la sensation de malaise ne passait toujours pas, la jeune femme avisa à nouveau la fiole et son contenu étrange. Elle prit une seconde gorgée, avec moins de scrupules que la première fois. Le goût en était toujours aussi désagréable, mais Syhl eut l’impression d’être moins écœurée que lors de son premier essai. En même temps, au vu des nausées violentes qu’elle venait de subir, un petit haut de cœur passait presque inaperçu.
La sensation d’apaisement ne se fit pas attendre longtemps, offrant un nouveau souffle à la jeune femme. Mais si son corps se remettait, son esprit, lui, n’était pas serein pour autant. Quelle que puisse être l’origine de ses malaises, elle ne pouvait pas se contenter d’en atténuer temporairement les symptômes en espérant que cela s’arrange de soi-même. D’autant plus que la fiole ne serait pas éternelle, et vu que la jeune femme ne se souvenait plus ni où ni comment elle se l’était procurée… Il valait mieux aller consulter un médecin ou un guérisseur qui pourrait la fixer sur son inquiétude.

Syhl profita du répit offert pour préparer un sac, réunir quelques affaires, notamment la fameuse fiole au cas où elle aurait une nouvelle crise durant le trajet ; puis elle s’équipa comme pour partir chasser, par habitude, et sortit.

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Dernière édition par Syhl le Mar 14 Déc, 2010 20:26, édité 1 fois au total.

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 Sujet du message: Re: [ La Mort de Syhl ]
MessagePublié: Mar 14 Déc, 2010 20:26 
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[ Partie II – La Vérité. ]


La rue était moins fréquentée que Syhl ne l’aurait cru. La journée touchait à sa fin, le soir tombait en cette fin d’automne. Les premiers froids de l’hiver s’annonçaient, l’air était piquant. La jeune femme le sentait, mais ne s’en trouvait pas gênée, bizarrement.
Le médecin qu’elle avait l’habitude de consulter officiait de l’autre côté du vieux cœur de ville. Prendre les boulevards pour le contourner aurait rallongé son trajet d’un bon quart d’heure, et Syhl craignait de manquer de temps. Aussi décida-t-elle de couper par le vieux quartier, en dépit de sa très mauvaise réputation.

Alors qu’elle n’en était qu’à la moitié du chemin, Syhl sentit monter une nouvelle fois la crise avec surprise… et inquiétude aussi. La dernière fois, la potion avait fait effet durant une bonne demi-heure. Là, elle estima à un quart d’heure, vingt minutes maximum, le temps d’action du remède. Sauf erreur de sa part, son efficacité diminuait.

Tremblante, le souffle court, elle s’appuya dans l’embrasure d’une porte pour faire une pause et s’apprêta à sortir la fiole de sa besace… lorsqu’elle suspendit son geste, interdite, en considérant sa main droite.
Elle était d’une blancheur inhabituelle. Comme si tout le sang s’en était retiré. Elle approcha sa main gauche à titre de comparaison, et aperçut la même blancheur, mais seulement au niveau des doigts. La paume de sa main gauche était tout à fait normale. Finalement, elle posa ses mains sur ses joues et poussa un cri de surprise. Ses mains étaient glacées.
Relevant sa manche précipitamment, elle se rendit compte que la lividité sur sa main droite s’étendait quasiment jusqu’au coude.

Mais qu’est ce qui lui arrivait ?
Syhl essaya de rassembler ses esprits. Quelque chose se passait en elle, quelque chose… changeait. Comment pouvait-elle expliquer ses malaises ? Sa fatigue quasi-anémique ? Cette lividité qui l’envahissait ? Quelle maladie pouvait provoquer tous ses symptômes ?
La jeune femme eut la tête qui lui tourna et elle dut s’asseoir dans la ruelle sombre, le dos contre la porte. Le malaise qui l’envahissait prenait de l’ampleur. Elle ferma les yeux, la tête entre les mains, à deux doigts de sombrer dans l’inconscience.


Flash
.. assister à notre mariage, qui t'a prévenue ? …
Flash
* Odeur d’encens *
Flash.
… Elle est du monde des vivants, elle doit mourir… Tue-la, ma Reine !...


Syhl rejeta la tête en arrière, yeux grands ouverts, aspirant l’air comme si elle était en train de se noyer. Ses tempes palpitaient. Elle était assaillie de visions qui provenaient… de ses rêves ? De ses souvenirs ? Elle ne savait plus. Elle repensa à ses crises de démence. Est-ce que cela recommençait ? Allait-elle encore perdre la maîtrise d’elle-même ? Allait-elle sombrer définitivement dans la folie ?

Non !
La fiole… il lui fallait…
Vite.

Tremblante sous la crise, au bord de la syncope, elle attrapa la fiole d’une main maladroite et la porta à ses lèvres pour une gorgée salvatrice, avant de la reboucher et de la remettre dans son sac. Cette fois, l’amertume ne se fit même plus sentir sur la langue impatiente de la jeune femme. Il n’y avait plus qu’à attendre que le mélange fasse son effet salvateur.


Flash
… Oui… qu’elle nous goûte à son tour…
Flash
* Odeur de Mort *
Flash.
… une potion, et quand elle la boira, la transformation …


Syhl rouvrit brutalement les yeux avec un cri étouffé, soudainement lucide. Le voile qui pesait sur son esprit venait de se lever brutalement, à la fois sous l’influence de la potion qui avait apaisé la crise… et parce qu’elle venait enfin de comprendre.
Elle remonta ses deux manches. Les lividités avaient gagné ses bras presque jusqu’aux épaules. Relevant le bas de son pantalon, elle révéla sa cheville… blanche elle aussi.

Elle n’avait pas fait que délirer. Certaines de ses crises n’avaient pas eu lieu que dans ses rêves.
La cérémonie à l’église… les noces d’Abred et de sa Lilith… Tout était vrai. Elle avait assisté à leur mariage. Elle était allée là-bas. Elle les avait trouvés, elle les avait vraiment vus. Et …
Et ils l’avaient vraiment mordue.

Cette potion étrange… Syhl ressortit la fiole et la considéra, les yeux comme fous. Elle se souvint d’un seul coup. Le visage de Seytahn, dans le vague. Ses caresses pour elle. Ses mots pour Lui. Et cette fiole… la jeune femme comprit enfin ce qu’elle contenait et l’origine de cette odeur doucereuse et âcre : du sang… le sang de la Lilith.

Tout s’expliquait : pourquoi Syhl demeurait dans le noir ses derniers temps. Pourquoi elle ressentait ces malaises. Pourquoi la fiole semblait apaiser ses crises. Pourquoi les crises revenaient malgré tout, toujours plus fortes. Pourquoi la jeune femme revenait sans cesse vers cette potion étrange, et pourquoi le goût de celle-ci lui déplaisait de moins en moins. Pourquoi sa peau devenait livide.

Syhl était en train de devenir une vampire… en plein royaume humain.
Tandis qu’au dessus d’elle, dans le ciel maintenant noir, la lune était entrain de se lever.
Une lune annonciatrice d’une nuit glaciale.
Une lune rousse.

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 Sujet du message: Re: [ La Mort de Syhl ]
MessagePublié: Mar 14 Déc, 2010 20:27 
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[ Partie III – La Mort. ]


Des voix. Des pas qui s’approchent. La panique qui monte, sournoise, et qui s’infiltre dans tous les recoins de l’esprit. Syhl se redressa, affolée. Elle ne devait pas rester dehors, au vu de tous.
Fuir. Se cacher. Quelque part où personne ne pourrait la trouver. Dans un endroit sombre et isolé, loin de la foule. Elle n’allait pas avoir beaucoup de temps devant elle avant que la transformation ne reprenne son cours.

La jeune femme rassembla ses affaires et s’enfonça au hasard des ruelles, le cœur battant à tout rompre. S’imaginant déjà être traquée. Cette porte ? Non. Cette cour ? Non plus. A droite ? A gauche ! Vite ! Un croisement. Un autre. Là ! Dans l’ombre, vite ! Vite !
Elle finit par déboucher hors d’haleine dans une impasse, au beau milieu du vieux cœur de ville. Un cul de sac. Elle s’était non seulement complètement perdue, mais en plus, elle était prise au piège. Ses yeux affolés cherchèrent une porte, une échelle, une cave, n’importe quoi pour s’enfuir ou se dissimuler… lorsque son regard tomba sur une trappe au milieu de la ruelle.
Les égouts !
C’était sa seule chance.

Elle se précipita vers la lourde trappe en fonte, essayant de la faire basculer, mais en vain. Des jours de privation avaient eu raison de ses dernières forces, et l’état dans lequel elle se trouvait ne l’aidait pas vraiment. Il lui fallait de quoi faire un levier.
Fouillant à nouveau l’impasse du regard elle avisa une charrette au trois quart pourrie à sa droite. Elle réussit à récupérer une pièce de bois assez longue pour lui servir de levier ; elle lit alors ce levier en place et pesa dessus de tout son poids, priant pour que le bois usé ne cède pas durant la manœuvre.
Et la trappe bascula enfin.

Epuisée, le cœur battant, Syhl s’engouffra dans l’ouverture, dégringola aux trois quart les échelons et atterrit dans un conduit sombre et glauque, qui laissait à peine le passage pour un homme. Laissant derrière elle l’ouverture elle s’enfonça quasi à l’aveugle dans le réseau des égouts de la vieille ville.
Quelques minutes plus tard, elle dut s’arrêter, les jambes tremblantes : la transformation reprenait de plus belle. Elle eut juste la force de se trainer vers une petite niche qui avait été taillée un peu en deçà du conduit qu’elle suivait, et s’y effondra, à nouveau au bord de la syncope, le corps agité de spasmes et de tremblements.
Avec le malaise, la souffrance la reprit, mais cette fois au niveau du crâne et du dos. Tête, mâchoire, nuque, vertèbres, tout irradiait de douleur. Comme si son système nerveux était en feu. Ses tremblements devinrent de plus en plus violents, ses convulsions, plus saccadées. La jeune femme serrait les dents et tentait de contenir ses plaintes, n’y parvenant pas la plupart du temps.

Dans sa tête, toute la monstruosité de sa révélation se révélait peu à peu. Elle était en train de se transformer, de devenir une non-Morte. Elle était en train de mourir, pour renaître, sous le poids d’une malédiction. Elle allait devenir comme Eux…

Elle se révolta. Ils n’avaient pas le droit ! Elle… n’avait pas le droit. Elle lui avait déjà volé sa vie en épousant celui qu’elle aimait, voila que maintenant elle allait lui voler sa mort… En lui infligeant cette terrible punition, la Lilith l’avait condamnée à une éternité de souffrance, à voir, jour après jour, à savoir, nuit après nuit, son bel Amour dans les bras d’une Autre… dans ses bras à Elle.
Ses yeux se posèrent par hasard sur son sac, posé à côté d’elle, entrebâillé, qui laissait apparaître, comme un fait exprès, la fiole bleutée. Syhl sentait confusément qu’il lui fallait boire tout son contenu pour que la transformation puisse s’achever. Et que sans cela, l’issue ne pouvait qu’être fatale.
Plutôt mourir alors. De toute façon, cela lui était égal. Savoir pour quelle autre Abred était parti, était devenue son obsession, la seule raison qui lui avait permis de ne pas sombrer totalement. Maintenant qu’elle savait, à quoi bon continuer à lutter ? Autant partir…

Mais la Mort se faisait décidément attendre. Plus les minutes passaient, plus ses souffrances augmentaient, et plus ses plaintes étaient fortes. Elle était en nage, la sueur coulait le long de ses tempes, poissant ses longues mèches blondes. Syhl étouffait, comme si son cœur avait été pris dans un étau qu’une main invisible resserrait encore et encore. Elle ne parvenait pas à détacher son regard de la petite fiole, qui semblait la narguer depuis le sac. Comme une droguée en crise. La sensation de manque était terrible. Son agonie s’annonçait interminable et atroce.

Il ne fallait pas.
*Douleur *
Tenir.
* Douleur, souffrances *
Tenir, encore un peu…
* Torture *
Non… assez…
*Souffrances *
Assez ! Non !!

Dans un hurlement mêlant rage, honte et souffrance, Syhl se jeta sur la fiole et dans un sanglot elle en engloutit le contenu, avant de lancer le fragile récipient de verre qui alla exploser sur un des murs de l’égout. Puis elle retomba, tremblante, en larmes, attendant d’être enfin délivrée de ses souffrances.
Mais quelques minutes après…


*Poum Poum. Poum Poum. Poum Poum. *

Syhl poussa un horrible cri et se plia en deux sous l’emprise d’une douleur violente et aigüe au niveau de l’estomac. De nouvelles nausées la reprirent, et elle recommença à contracter son estomac et à rendre, encore et encore. Son corps se mourrait peu à peu, ses organes lâchaient les uns après les autres, n’ayant plus de raison de fonctionner. Elle se purgeait lentement de tout ce qui la maintenait en vie, et qui n’auraient plus d’utilité une fois la transformation achevée. D’abord le bol alimentaire, puis les sucs gastriques, et la bile. Ses mains se crispaient, s’ouvrant et se refermant. Elle se roulait, se tordait sur le sol sous la violence des contractions de son estomac.

*Poum… Poum. Poum… Poum. *

Une seconde vague de douleur la vrilla au niveau du bas ventre, la faisant sursauter et hurler à nouveau, et elle sentit un liquide chaud couler sur ses cuisses. La transformation se poursuivait, son cycle en cours s’achevait brutalement, déclenchant ses dernières règles.
Syhl se replia sur elle-même, en position fœtale, le visage inondé de larmes, terrifiée. Ses nausées, son état de faiblesse… était-elle réellement enceinte comme elle le pensait ces derniers jours ? Ou bien ces symptômes étaient-ils déjà les prémices de sa transformation ? Elle ne le savait pas, et ne le saurait jamais. Par son geste elle avait peut-être condamné son propre enfant… leur enfant. Si elle avait à un moment porté la Vie en elle, celle-ci venait de disparaître… en même temps que son espoir d’être Mère.

*Poum. Poum. Poum *

Le corps de la jeune guerrière continuait de se vider, de se purger de tous ces éléments qui n’auraient plus lieu d’être une fois transformée. Peu à peu, les autres organes de la jeune femme cessèrent aussi de fonctionner. D’abord, ses intestins. Puis ses reins. Puis le foie. Le pancréas, à son tour. La rate. A chaque arrêt, une nouvelle vague de douleur venait s’ajouter aux précédentes.
Syhl se disloquait. Son esprit se noyait dans un océan de souffrances. Ses gémissements avaient laissé la place à des hurlements atroces. Elle perdait peu à peu contact avec la réalité, mais malheureusement pour elle, elle ne sombrait pas dans l’inconscience. La jeune femme n’était plus qu’un pantin désarticulé, agité de convulsions, de tremblements, de spasmes.

* Poum… Poum.*

Bientôt, la respiration de la jeune femme se fit plus difficile, plus longue, plus sifflante. Ses poumons la lâchèrent petit à petit, la privant d’air progressivement. Ses hurlements se changèrent en plaintes, puis en râles à mesure qu’elle s’étouffait. Tout son corps se raidit, se cambra, sa gorge convulsa en essayant vainement d’aspirer de l’air, la bouche grande ouverte, tel un poisson hors de l’eau.

* Poum. *

Son cœur s’arrêta enfin, un voile noir lui passa devant les yeux, et elle s’effondra lourdement sur le sol, la tête sur le côté, inerte, les yeux fixes et vitreux, la bouche à demi ouverte.
Et lorsque les derniers échos de ses râles se turent, un silence de plomb retomba dans les égouts de la vieille ville.

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 Sujet du message: Re: [ La Mort de Syhl ]
MessagePublié: Mar 14 Déc, 2010 20:28 
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[ Partie IV – L’Eveil. ]


Elle ouvrit les yeux et se redressa d’un seul coup, aspirant inutilement une immense bouffée d’air, obéissant ainsi à un réflexe de vivant. Autour d’elle, le silence et l’obscurité. Le seul bruit qui la fit se retourner, fut la fuite effrénée d’un rat que son brusque réveil avait surpris alors qu’il inspectait le corps froid de la jeune femme.

Sans même réfléchir, la main de Syhl s’abattit, vive comme l’éclair, sur la pauvre bête, dont elle déchira la tête d’un coup de croc pour en aspirer le fluide vital… avant de rejeter le tout quelques secondes après violemment, en réalisant, horrifiée, ce qu’elle était en train de faire.
Il lui fallut quelques minutes pour reprendre ses esprits. Se souvenir. Abred. Seytahn. Le mariage. La morsure. La fiole. La transformation. La torture.
La jeune femme tâta son visage et sentit les modifications de sa mâchoire, aux muscles visiblement plus forts. Elle passa sa langue sur ses dents et sentit les protubérances de ses crocs. Tremblante, elle chercha dans son sac près d’elle son petit miroir de courtoisie. Il s’était étoilé lorsqu’elle était tombée sur son sac lors de la dernière crise, mais il était encore en assez bon état pour lui permettre se s’y mirer… du moins, le crut-elle. Elle fut déstabilisée en réalisant que le miroir ne renvoyait aucun reflet. Ces légendes de bonne femme étaient donc vraies.

Syhl resta quelques minutes abattue devant la réalité.
Une vampire… voila ce qu’elle était devenue. Une vampire. Une âme damnée, maudite. Ni vivante, ni morte. A cheval entre deux mondes, qui tous deux la rejetteraient. Une âme errante condamnée à l’éternité. Condamnée à se nourrir des vivants, de leur sang, pour subsister. Un parasite, ni plus ni moins. Un bel écrin sans parure. Une coquille vide. Vide.
Elle posa sa main sur son ventre calme et froid, et une larme roula sur sa joue… une larme de sang.
Elle ferma les yeux, lasse. Pourquoi. Pourquoi avait-elle cédé à la souffrance. Pourquoi avait-elle fini la fiole en sachant pertinemment ce qui en découlerait.

La réponse était simple, si simple pourtant. Pas seulement à cause de la souffrance. Par lâcheté. Par faiblesse aussi.
Parce qu’elle voulait vivre.
Parce qu’au dernier moment, une image lui était apparue. Celle de Viviel, la petite undead qu’elle avait recueillie et protégée bien des années auparavant. Une petite fille de 8 ans qui n’avait pas demandé à mourir avec ses parents, et qui avait accepté sa non-Vie avec une sérénité et une soif de vivre inextinguible. Une petite fille, d’une force intérieure et d’un courage extraordinaire. Une petite fille qui, jusqu’au bout, n’avait pas perdu la foi en l’Autre, en dépit de toutes les persécutions qu’elle avait eu à subir, de toutes les souffrances qu’elle avait vécues.
Et Syhl n’avait pas pu trahir son souvenir en se laissant mourir ainsi, misérable, sans même se battre, au fond d’un cloaque boueux.

Cependant ce n’était que maintenant que la jeune femme, tremblante, mesurait toutes les conséquences de son geste. Il lui faudrait repartir de zéro. Tout réapprendre. Sur sa nouvelle existence. Sur elle-même. Se réapproprier ce corps qu’elle ne connaissait pas, qui lui était devenu étranger. Changer ses habitudes, ses réflexes. Apprendre les pièges à éviter. Apprendre aussi à se méfier de ceux qui, hier encore, étaient ses amis.
Mais, seule, elle n’y arriverait pas. Elle allait avoir besoin d’un guide dans cette nouvelle partie de son existence. De quelqu’un qui l’initierait à sa nouvelle condition de non-Morte. Et elle réalisa douloureusement, qu’il n’y avait sur le Lorndor qu’une personne auprès de qui elle pourrait recevoir cet enseignement. Une seule personne.
Elle.
Encore et toujours Elle.
Non… non… tout mais pas Elle.

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 Sujet du message: Re: [ La Mort de Syhl ]
MessagePublié: Mar 14 Déc, 2010 20:29 
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[ Partie V – La Boucle. ]


Deux jours avaient passés. Deux jours pendant lesquels elle était restée cachée dans les égouts, à essayer de se reposer, sursautant au moindre bruit que son ouïe nouvellement affinée captait sans cesse. Deux nuits passées à errer un peu au hasard des embranchements des galeries, à rechercher une sortie qui l’amènerait non loin des murailles du royaume humain pour lui permettre de s’enfuir. Deux longues nuits, tiraillée par la faim et la soif, attirée par les effluves de vie des Humains qu’elle percevait au niveau des différentes sorties d’égout sous lesquelles elle passait. Deux longues nuits, rongée par la faim, et tourmentée par sa conscience qui l’empêchait d’aller se rassasier, l’arrêtant au moment de grimper les échelons pour remonter vers la surface, vers le monde des Vivants.
Deux jours et deux nuits à s’affaiblir, à sentir son contrôle sur elle-même vaciller, à craindre pour sa vie si quelqu’un découvrait son existence.

Finalement, après ces deux jours et deux nuits à refuser l’évidence, à essayer de repousser l’inévitable, la nouvelle lilith épuisée capitula. Elle cessa de lutter. Elle avait retourné le problème dans tous les sens, cherché toutes les solutions possibles. Il n’y avait qu’une chose à faire, elle le savait. Au fond d’elle montait un appel qu’elle ne pouvait ignorer plus longtemps.

Elle profita de la tombée d’une troisième nuit pour sortir des égouts dans une rue qu’elle avait identifiée et qui se trouvait proche des remparts Est. Serrant consciencieusement sa mante, elle entreprit de passer par la poterne pour quitter le royaume humain. Son teint pâle, ses yeux cernés par l’épuisement, la saleté repoussante de ses vêtements et l’odeur après deux jours passés dans les égouts, lui permirent d’intégrer sans se faire remarquer un groupe de mendiants et de pouilleux que la milice expulsait ce soir là de la cité sans ménagement aucun.

Une fois dehors elle s’éloigna du groupe le plus vite possible avant que l’appel du sang qui montait en elle ne la fasse se trahir. Elle traversa la plaine et gagna les bois sur les hauteurs qui entouraient le royaume humain, jetant un dernier regard sur le monde qu’elle venait de quitter et qui lui était à jamais interdit. Dans son départ précipité et imprévu elle n’avait pas emporté avec elle beaucoup de choses. Une dague à la ceinture, ses griffes dans son sac. Un peu d’or, quelques parchemins. Quelques menus objets, des petits cadeaux pour la plupart. Et à son majeur droit, un anneau d’argent sur lequel était gravé une phrase étrange : Tá grá agam duit. Elle laissait derrière elle le reste. Ses vêtements, ses bijoux, d’autres armes. Ses trophées de chasse. Des cartes. Sa jument fétiche. Tout était resté à l’auberge où elle était descendue.

Elle reprit son chemin, sur une route qui éveilla bien des souvenirs en elle. Une route qui se faisait de plus en plus familières à mesure qu’elle s’enfonçait vers le Mur Noir. Sur cette route, elle croisa deux cavaliers fantômes qui se dirigeaient vers le royaume humain. L’un d’eux était habillé de sombre tel un rôdeur, portait des gants, et sa large capuche masquait presque tout son visage. L’autre était une femme aux longs cheveux blonds, au regard inquiet, qui serrait contre elle une mante vert sombre à liseré d’argent. Syhl s’arrêta et regarda passer devant elle ces deux images sorties tout droit du Passé, jusqu’à ce qu’elles s’estompent dans le brouillard de la nuit.

Cette vision d’elle-même acheva de la briser. Sa vie formait une boucle qui se répétait sans fin, tel un ruban de Moebius.
Autrefois, déjà, elle avait reçu un choc immense qui avait bouleversé son existence.
Autrefois, déjà, elle s’était soumise à son tortionnaire, acceptant de le suivre, de lui obéir.
Autrefois, déjà, elle avait tout quitté, tout abandonné, ses amis, ses proches, ses espoirs, ses rêves.
Autrefois, déjà, elle avait emprunté cette route, le cœur déchiré, pour obtenir des réponses à ses questions.
Aujourd’hui, tout recommençait. Le choc, la torture, le renoncement de tout, la soumission à un Maître. Et, quelle ironie de penser que ce Maître n’était autre que Seytahn la Lilith… l’épouse de celui qui, hier, encore, était son précédent Maître… Abred…


Abred… Seytahn.
La boucle était bouclée.
Il ne servait à rien d’essayer de lutter.
Syhl l’avait enfin compris et ne cherchait plus à se dérober.

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 Sujet du message: Re: [ La Mort de Syhl ]
MessagePublié: Mar 14 Déc, 2010 20:31 
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Syhl

[ Epilogue. ]


Trois coups furent frappés à la grand’Porte. Trois coups qui résonnèrent longtemps dans le grand Hall de pierre. Puis le silence.

Quelques minutes après, deux gardes amenèrent dans la salle d’audience une forme sale et repoussante, une forme vaguement humaine, qui tomba à genoux dès lors qu’elle ne fut plus soutenue. Les vêtements étaient sales, et déchirés, mais malgré tout on pouvait deviner que les tissus avaient autrefois été de qualité. Le capuchon de la mante fut rabattu, dévoilant un visage d’une blancheur spectrale, encadré par une masse de longs cheveux blonds en bataille, où brillaient deux immenses yeux gris opalins marqués par les cernes. Deux sillons rouges séchés parcouraient les joues de celle que Seytahn identifia immédiatement comme étant une lilith, mais il lui fallut un bon moment avent de réaliser qui se tenait réellement devant elle.

Toujours à genoux, la jeune femme regarda la Matriarche, puis courba la tête vers le sol, définitivement brisée, et d’une voix faible, épuisée par les larmes, la fatigue, la faim :

- « Je m’en remets à vous… Mère. »




Seytahn

[ La Maîtresse ]


Syhl est là, devant moi.

Elle est belle, et je l’aime.

Elle sent les longs voyages, et leurs profondeurs.
Son odeur est enivrante, ses formes, attirantes.

Sa peau est douce, à croquer.

Ses cheveux jouent avec la blondeur de la pleine lune.

Je la regarde.

Elle me parle, mais j’écoute à peine ses paroles.

Elle est agenouillée devant moi, alors que je la vois debout.

Oui, c’est vrai, Abred et moi, on s’est marié, alors que, d’après ce qu’elle dit, ils partageaient leurs traverses et ce, depuis 18 Lunes.
Abred semblerait n’en conserver qu’un souvenir diffus.
Sans doute, les effets de la transformation.
Et la voilà, elle, ravagée par cette métamorphose. Et en plus, elle se souvient, pliée sous le poids de l’affliction.
Oui c’est vrai, dans le Sanctuaire d’Os, nous l’avons mordue.
Mais sinon, elle allait se pourfendre de ses griffes, réclamant le droit à sa propre disparition.
Décidément… une manie chez ces humains.
« Vous m’avez volé ma vie, vous ne me volerez pas ma mort ! »

Mon sang n’a fait qu’un tour, agrippant sa gorge chaude.

D’accord, ce n’était pas gentil.

Mais que fait-elle là, à genoux, alors qu’elle devrait être debout ?

Son essence féminine parfume les airs. La Déesse est en elle. Beauté, créativité, émotion, partage, maternité, imagination, soins, sagesse, Vide, Coupe, Terre… tout est là, guerrière !

Et voilà qu’elle m’appelle « Mère ».

Rhaaaaaaaaaaa ! Ces manies d’humains, ce n’est pas possible, à la fin !

J’ai serré mes lèvres. Je me méfiais de ce mot… avec ces manies d’humains… hiérarchie, systèmes, classements, technologies, affrontements, calculs, élitisme, cieux, dieux.… on ne sait jamais jusqu’où le patriarcat pointe son nez, il s’infiltre et détourne parfois même… Mère.

Je me suis agenouillée jusqu’à elle.
Belle, belle Syhl.
Je ne pus retenir alors, un sourire.
Tout ce que je lui ai répondu, c’est :
« Ma Maitresse »
Et je l’ai serrée fort dans mes bras.
Si elle le veut, nous goûterons nos lèvres, goutte à goutte.

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