Le groupe gagna Aelred aussi vite que pouvait voler un loup-vampire.
Faisant la sourde oreille aux protestations de Glorfindel, Shandra décida de se rendre seule dans les souterrains. Mais si la guilde rassemblait les pires voleurs et assassins de la contrée, une parole donnée y conservait plus de valeur que l'or et les joyaux : quelques heures plus tard, l'elfette était de retour, visiblement soulagée.
Ce fut sans trop de regrets que les voyageurs se remirent en route vers l'ouest. Comme rien ne pressait, ils contournèrent le royaume elfique par le sud et atteignirent sans encombres l'auberge du rêveur quelques semaines plus tard.
Ils y déposèrent Seyd et prirent le chemin de la citadelle noire.
Tom Galin avait accompli sa part du marché. Il convenait de respecter leur promesse...
***
Shandra et Glorfindel se détournèrent une dernière fois vers la haute forteresse dont les tourelles désertées se découpaient lugubrement sur le ciel grisâtre.
- Tu es sûre que c'était bien raisonnable d'indiquer cet endroit à Tom Galin ? Il nous a bien aidés, mais je crains que tout ceci n'apporte rien de bon...
- Nul ne sait se dont en fait l'avenir... peut-être que ce que j'ai fait se retournera contre nous... ou peut-être pas. J'avoue avoir accepté sur un coup de tête, mais... si jamais il y trouve le pouvoir qu'il cherche... une bonne partie lui restera inaccessible : visible, mais hors d'atteinte.
- Ca, c'est ce que pensait le maître de cet endroit ?
- Non.
Un sourire énigmatique flotta sur les lèvres de l'elfette.
- Vois-tu, ce n'est pas le tout de trouver la porte... il faut aussi en avoir la clef. Or la "clef" de cette "porte"-ci, il ne l'a pas. Il existe des passages invisibles vers ce que certains appellent "le monde d'en-dessous"... beaucoup de noms désignent cette... cette autre réalité. Elle est là, tout autour de nous, mais nous ne la voyons pas, et les créatures de cette autre réaité nous ignorent tout autant. Elles n'ont pas de contact avec nous... sauf si elles trouvent une faille, une "porte". Je suis quasiment sûre qu'un de ces passages existe, quelque part dans les profondeurs des souterrains d'Aelred... mais je ne l'ai jamais trouvé, car ce n'était pas le mien.
- Le tien ? Comment cela ?
- Eh bien... à vrai dire, je n'en suis pas sûre, mais je crois que chaque faille possède un gardien, une sentinelle... une personne dont la simple existence empêche quelqu'un de notre monde de s'aventurer de l'autre côté. Malheureusement, la sentinelle ne peut empêcher les créatures mauvaises qui trouvent la sortie de passer... Mais les conséquences sont moindres que si quelque mage avide de pouvoir franchissait le seuil. Tant que la sentinelle est en vie, on ne peut que regarder au-travers de cette faille -d'ailleurs, j'ingore totalement sous quelle forme se présente une de ces failles... serait-ce comme une porte... ou bien une espèce de miroir... un objet quelconque ? Ca je l'ignore. Tout ce que je pressens, c'est qu'on peut en apprendre des choses, de terribles choses... mais il y aura toutjours une partie, la plus puissante, qui nous échappera. L'équilibre est trop fragile. Bref, tout ça pour dire que j'ai senti la présence d'une de ces failles, quelque part sous la forteresse. Et si Celdric l'a bâtie à cet endroit, ce n'est pas un hasard.
Shandra hésita.
- Il... il était une sentinelle, lui aussi. Le gardien de cette faille. Et c'est pour cette raison qu'il fut choisi par ce... seigneur undead : il était la clef qui lui permettrait de franchir la porte. Mais lorsqu'il s'est emparé de lui, mon père était déjà mort depuis... trop longtemps... Son fardeau avait déjà été transmis.
- Tu veux dire... c'est toi la sentinelle, à présent ?
- Attends, il y a autre chose. Il y a une légende, une histoire qui a toujours été transmise de génération en génération dans ma famille. Cette légende raconte qu'il y a bien longtemps, quand seuls les elfes marchaient sur la terre, le tout premier des Andarian, avide de savoir plus que de puissance, commis l'erreur de rouvrir un ancien passage jusque-là clos dont il avait la garde. Aussitôt, des légions de créatures sombres se répandirent sur des terres autrefois vertes et fertiles pour y semer mort et désolation. Et pour celà, mon aïeul fut puni : il fut condamné à essayer de refermer cette porte. Il devait la franchir afin de découvrir le secret capable de la sceller à nouveau. Mais il n'en revint jamais. Le passage resta ouvert. Et les descendants des Andarian reçurent sa malédiction en héritage : chacun à leur tour, ils devaient tenter de réparer l'erreur passée.
Glorfindel fronça les sourcils.
- Une légende...
Shandra soupira.
- Si seulement ! Mais c'est cette légende qui a tué mon grand-père, alors que j'étais toute petite. Je m'en souviens encore. Tu ne t'es pas demandé pourquoi nous étions les seuls de notre nom, Seyd et moi ? Aucun aïeul, aucun cousin... alors que la vie des elfes est si longue ? Le fait que la dynastie ne s'est poursuivie qu'en ligne directe, sans parvenir à produire de branche durable, est une de ces raisons. La porte en est une autre. J'avais entendu des tas d'histoires... mais je ne les croyais pas réelles, jusqu'à ce qu'un matin j'entende dire que le souverain d'Eltherith -Celdric n'avait pas encore hérité- ne s'était pas réveillé. Il n'était pas mort, non. Il restait plongé dans un sommeil profond, si profond qu'il fallait être attentif pour déceler l'étincelle de la vie dans son corps inerte. Les jours ont passé. Puis les jours se sont changés en semaines, les semaines en mois... Toujours aucun changement. Un beau jour, alors que tout le monde sommeillait encore au palais, je me suis faufilée dans sa chambre. Curieuse, je lui ai touché la main... et il a commencé à s'effritter.
Glorfindel arrêta Whisper avec tant de vigueur que le tigre laissa échapper un grognement de protestation.
- S'effritter ?!
- Il est littéralement tombé en poussière ! Je crois qu'il était mort, petit à petit, mais que personne ne s'en était rendu compte. J'ai hurlé, hurlé ! Tu ne peux pas imaginer. En fait, son tour était venu de passer le seuil... il n'a pas réussi à ressortir. C'est ce qui se disait dans les couloirs du château. Et je pense que c'était exact.
- Mais pourquoi ? Il y a certainement une autre explication !
- Parce que... depuis la mort -la première- de mon père... je fais un rêve : je vois une falaise immense... noire... si haute qu'on n'en distingue pas le sommet dans les nuages sombres qui roulent dans le ciel sans le moindre vent. Et, creusée dans cette falaise, il y a une porte. Au début, j'en étais très loin. Mais je me suis rapprochée insensiblement. A chaque rêve, j'avance un peu plus vers elle. J'ai pu distinguer les linteaux de pierre... et je les ai senties.
- Quoi ?
demanda Glorfindel, la gorge soudain desséchée.
- Les créatures. Cette porte ne donne que sur des ténèbres insondables. Mais il y a des choses qui remuent, derrière. Elles bougent, elles murmurent... Et à chaque nouveau songe, je les entends un peu mieux.
- Shandra...
- Je n'ai plus qu'un pas à faire avant de franchir ce seuil.
L'elfette fixa son compagnon, pâle, mais pourtant calme.
- Ces rêves sont irréguliers. J'ai déjà passé plusieurs mois sans en faire un seul... mais le prochain sera sans doute le dernier.
- Ne dis pas ça ! Ce... ce ne sont que des rêves !
Elle sourit.
- Et tu sais quel pouvoir ils ont parfois. Je préfère que tu le sâches. Comme celà, tu... tu ne t'inquièteras pas trop si... si...
- Ne pas m'inquiéter ? Alors que je risque de me morfondre en attendant de te voir tomber en poussière !
- Je reviendrai. Je te promets que j'y arriverai. Tu me crois, dis ? Est-ce que tu... est-ce que tu m'attendras ?
Etouffant une exclamation, Glorfindel la serra dans ses bras.
- Comment peux-tu penser qu'il pourrait en être autrement ? Oui, je t'attendrai ! Des années, des siècles... et plus s'il le faut !
Shandra chercha ses lèvres, les yeux trop brillants. Puis elle s'écarta doucement.
- Viens, il est temps que nous rentrions à l'auberge du rêveur...
[HRP]la suite à l'endroit habituel
[/HRP]
[HRP]bon, je pense que tout le monde l'aura remarqué, cette histoire a souffert d'une épidémie de départs en week-end et autres vacances 
... mais peut-être qu'une seconde version plus... élaborée, dirons-nous, verra le jour quand la contagion ne sera plus à craindre. Sur ce, je file moi aussi boucler mes valises^^[/HRP]
