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MessagePublié: Lun 12 Mai, 2008 15:16 
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Oulah , ya bien plus que dominant/récessif au niveau des allèles (codominance, influence du sexe de l'individu , effet létal , épistasie Etc ...)

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MessagePublié: Sam 06 Sep, 2008 14:14 
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Inscrit le: Ven 11 Mars, 2005 17:53
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Ah, voilà, j'ai retrouvé l'article que je voulais mettre en réponse au débat qui s'est poursuivi en prenant la nature comme référence (je me suis rendue compte que bcp plus tard que ça avait pas mal posté ici, mais entre temps j'avais perdu mes favori), voici une alternative qui propose d'en sortir :
Citer:
POUR EN FINIR AVEC L'IDEE DE NATURE... ET POUR REPRENDRE AVEC L’ETHIQUE ET LA POLITIQUE

par Yves BONNARDEL




«La règle « obéir à la nature » est vide de sens. La « respecter » est du même tonneau :
pourquoi respecter ce qui existe, simplement parce que ça existe ? (…)
Les idées reçues se propagent en échappant à tout questionnement critique.
Mais les propositions creuses ou fausses ne deviennent pas vraies à force de répétition.
Elles constituent un danger parce qu’elles offrent une ligne de conduite illusoire
ou erronée face à des problèmes bien réels. Les invocations de la nature
en lieu et place de principes clairs de jugement comptent hélas
parmi les infirmités majeures qui handicapent les mouvements
qui voudraient changer le monde pour quelque chose de mieux». (Y. B.)

SOMMAIRE
1. La révérence pour l’ordre naturel
2. Nature et éthique : le saut de «ce qui est» à «ce qui doit être»
3. Nature et discriminations intra-humaines
4. Nature et spécisme
5. Nature et biotechnologies
6. En finir avec l'idée de nature, revenir à l’éthique et à la politique

« La nature peut-elle être manipulée et bricolée sans limite ?Je me suis amusé à jeter un coup d’œil dans la Bible et j’ai été frappé par ce qui est écrit dans le premier chapitre sur l’Histoire de la Création : on peut lire que les plantes et les animaux sont créés selon leur espèce et qu’ils donnent des graines selon leur espèce. Ainsi, l’idée que des mélanges peuvent intervenir est étrangère à la mentalité antique. On évoque, également, dans le Livre du Deutéronome, le fait que les mélanges sont interdits. Il ne faut pas atteler un âne et un bœuf à la même charrue ni mettre des céréales dans un champ de vignes ni coudre une pièce de lin sur un habit de laine, etc. Il reste toujours cette idée qu’il existe un certain ordre et que la remise en cause de cet ordre pose problème. » Jean-Marie Pelt (1)

Cette citation de Jean-Marie Pelt, pour caricaturale qu’elle soit, est représentative d’un important courant de critique de la modernité ; même si la plupart des opposants n’iraient pas jusqu’à reprendre tel quel ce type d’« argumentation », l’idée qu’il ne faut pas intervenir dans l’« ordre naturel » sous peine de le détruire et de susciter des catastrophes (analogues à la destruction par le feu de Sodome et Gomorrhe, déjà condamnées en leur temps pour pratiques contre-nature !) reste bien vivace et alimente le rejet du monde moderne. Comme s’il n’y avait pas d’autres raisons, moins réactionnaires et plus sérieuses, de le critiquer et de vouloir le changer !

L’idée de nature est omniprésente dans les discours normatifs. Ce qui est naturel est bien, répète-t-on depuis des lustres. La nature est un ordre, harmonieux, où toute chose est à sa place, qu'il ne faut pas déranger. Elle génère un sentiment religieux de respect, au sens d'adoration et de crainte (comme de soumission devant tout ce qui nous paraît puissant et dangereux). En soi, déjà, cultiver ce type de sentiment mystique de « respect » de ce qui peut apparaître comme une puissance, et de soumission (même déguisée en « volonté d’harmonie ») à un ordre, ne paraît pas de bon augure… En pratique, l'attitude est bien sûr plus ambiguë : tantôt les humains dénoncent avec indignation ce qu’ils jugent contre-nature, tantôt ils célèbrent les conquêtes qui ont permis à l’humanité d’échapper aux rigueurs de sa condition primitive. Personne ne souhaite vraiment que nous imitions la nature en tous points, mais personne ne renonce pour autant volontiers à l’idée que la Nature doit nous servir d’exemple ou de modèle. L'idée de nature touche un sentiment profond, religieux, et affecte aussi nos positions éthiques et politiques fondamentales. Les considérations sur ce qui est contre-nature et ce qui est naturel (censé être équivalent à : normal, sain, bon…) viennent bien en effet trop souvent court-circuiter la réflexion éthique et politique sur ce qu’il et bon ou mauvais de faire, sur ce qui est souhaitable et pourquoi, en fonction de quels critères. L’idée de nature « pollue » hélas les débats moraux et politiques…

1. La révérence pour l’ordre naturel

Le naturel reste fortement associé à des jugements de valeur. La « communication » capitaliste l'illustre caricaturalement : la publicité utilise le mot « nature » pour désigner ou évoquer n’importe quelle notion à connotation positive : campagne, santé, tradition, éternité, force, authenticité, sagesse, simplicité, paix, splendeur, abondance...
L’idéologie du « respect de la nature » l’emporte de plus en plus sur celle de la victoire sur la nature (l’une et l’autre à notre avis se valent). Les avancées des sciences et techniques sont habituellement saluées comme des progrès sans que cela empêche pourtant de ressasser des propos alarmistes sur les risques encourus en jouant aux « apprentis sorciers ». Dans les deux cas, hélas, on fait plus appel à des prêts-à-penser mythologiques qu’à des réflexions sur le caractère positif ou négatif des conséquences pour l’ensemble des êtres qui seront concernés. Le dosage des deux attitudes obéit à une logique qui semble bien arbitraire : aujourd’hui, la génétique et les biotechnologies sont victimes au premier chef du réflexe « pro-nature », notamment lorsqu’elles touchent à la reproduction humaine. D’autres innovations dans les pratiques médicales sont quant à elles rangées sans états d’âme du côté du progrès. Que cette distinction provienne pour partie d’une réflexion sur les conséquences possibles des unes et des autres ne fait pas de doute. Mais cela suffit-il à expliquer pourquoi aider un couple à mettre au monde un enfant par fécondation in vitro soulève, selon la formule consacrée, de « graves problèmes éthiques », alors que remédier, avant la conception, à certaines causes de stérilité n’en pose pas ? Tout se passe comme si on avait décrété que certains domaines relevaient du sacré : la nature a prévu une procédure précise de reproduction et on s’exposerait à des sanctions terribles en ne s’y pliant pas.
Des réactions du même ordre se manifestent épisodiquement dans les domaines les plus divers : soudain, la crainte inspirée par quelque menace nouvelle ressuscite l’idée que la Nature commande et punit. Ainsi, l’inquiétude suscitée par la transmission aux humains de l’encéphalopathie spongiforme bovine a fait dire que le malheur venait de ce qu’on s’était permis de nourrir des bêtes naturellement herbivores avec des farines animales (2).
On assiste ainsi aujourd’hui à la résurgence massive d’une structure très ancienne de pensée religieuse, apparemment laïcisée par le remplacement du mot Dieu par celui de Nature. On la devine par exemple derrière les discours qui élèvent le respect des équilibres naturels au rang de valeur en soi. Au sens premier, l’équilibre est un terme purement descriptif. Il désigne un état d’immobilité ou de permanence : les relations qu’entretiennent les éléments d’un écosystème sont telles qu’il conserve sa structure, les êtres qui le composent étant soit invariants, soit renouvelés à l’identique (3). Dans le langage courant cependant, le mot équilibre désigne plus que cet état particulier (de repos par opposition au mouvement), pour revêtir le sens d’un état idéal. L’équilibre des écosystèmes se mue en « ordre de la nature » ou en « harmonie naturelle ». La notion d’ordre évoque un système où chaque être ou catégorie d’êtres se trouve à sa juste place. Celle d’harmonie fait songer à un état d’union ou d’entente, où chaque partie s’accorde au mieux avec les autres pour contribuer à la beauté de l’ensemble (4). Ces mots font naître l’image d’une Nature ordonnatrice du monde pour le bien de ses créatures, tout en faisant sentir le danger qu’il y aurait à en déranger la perfection. Il s’agit d’une mystique…
Bien qu’il s’agisse pratiquement de la même chose, je crois qu’il est plus adapté de parler de mystique de la nature plutôt qu'immédiatement de religion, dans la mesure où la croyance ne se laisse guère formaliser : elle est omniprésente mais comme dissoute dans la vie sociale, elle est un des bruits de fond de nos existences mais n'est jamais vraiment formulée explicitement comme système que par certains mystiques. Ces hérauts sont la voix d'une religion qui ne ressemble pas aux religions traditionnelles parce qu'elle est, elle, parfaitement en phase avec la société moderne : une religion individuelle mais commune, commune mais non collective. Une mystique diffuse, qu'élaborent chacun dans leur alcôve intérieure les individus atomisés, et qu'ils ne célèbrent le plus souvent qu'individuellement, dans le secret de leur esprit – en toute laïcité.
Cette mystique se porte bien : une bonne partie de la population juge les activités ou les réalisations humaines en « naturelles » (ou bonnes, ou originelles, ou authentiques...) ou artificielles (ou dégénérées, dénaturées, mauvaises...) ; si certains communient dans les associations de « protection de la Nature » (et excommunient : les médicaments, les pilules, la chimie et le béton… c'est pas naturel !), bien plus nombreux sont les croyants non pratiquants. Aussi paradoxal que cela paraisse de prime abord, cette moderne religion est aussi devenue tout bêtement celle du monde de la marchandise : qu'est-ce qui, à l'heure de se vendre, n'est pas naturel ? Une fois de plus, exit l’éthique et la politique !

Pour notre part, nous ne voyons dans la nature ni harmonie spontanée, ni modèle à suivre, ni source de châtiments utiles ou mérités : on pourrait détailler « ses » méfaits envers les humains ou les autres animaux. On pourrait détailler aussi les tentatives faites pour justifier les malheurs qu’« elle » cause par les bienfaits censés en résulter, tentatives qu’on peut imputer à l’effort désespéré de théologiens pour soutenir que la création est toujours bonne puisqu’elle est l’œuvre de Dieu. En fait, nous ne croyons tout bonnement pas que la nature existe, que le monde soit ordonné, ni équilibré, ni harmonieux, que les choses aient une place naturelle, ni non plus qu'il existe une nature des choses. La notion de « réalité » nous suffit, elle est descriptive, et non prescriptive comme l'est celle de « nature » (on imagine des actes « contre-nature » ; mais des actes « contre-réels » ?). On ne viole pas la réalité, ni ne la transgresse : débarrassés d'une crainte religieuse, nous sommes alors libres de réfléchir à ce que nous jugeons bon ou mauvais de faire.

2. Nature et éthique : le saut de «ce qui est» à «ce qui doit être»

Nous pensons volontiers que les choses autour de nous ont une essence, quelque chose d’essentiel en elles qui fait qu’elles sont ce qu’elles sont et pas autre chose, qu’elles ont telle ou telle propriété et pas d’autres ; qu’elles ont une « nature » qui leur est propre, qui organise leurs caractéristiques, leur croissance, leur devenir, et qui garantit qu’elles resteront à la place qui leur est assignée dans « l’ordre du monde » et qu’elles y tiendront bien leur rôle ; c’est « Mère Nature » qui est censée ainsi donner à chaque élément dit naturel, sa nature. On associe une finalité à cette supposée « nature » des choses, les êtres composant une catégorie « de même nature » sont faits pour quelque chose ou destinés à se comporter d’une certaine manière. Ce n’est qu’en accomplissant ce pour quoi ils sont faits qu’ils réalisent leur vraie nature. Un chat est ainsi censé réaliser une (sa) nature de félin, ou de carnivore. S’il ne le fait pas, il est « dégénéré »…
On affirme ainsi tantôt un droit, tantôt une finalité ou un devoir-être. Là aussi avec toute l’apparence de l’arbitraire le plus total. Ainsi, le fait que les femmes puissent enfanter a souvent conduit à l’idée qu’elles devaient enfanter ou que leur véritable nature ne s’accomplissait que dans la maternité. Le fait que les organes sexuels mâles et femelles permettent la procréation a pu être interprété comme un commandement de la nature (ou de Dieu) exigeant qu’ils ne servent qu’à cela (5). En revanche, le fait que la bouche soit un point d’entrée pour l’ingestion des aliments a rarement conduit les moralistes à désapprouver ceux qui s’en servent pour souffler dans une clarinette. La nature, c’est la norme.
Le plus souvent ce qui est perçu comme naturel n’est en réalité que ce qui est habituel ou admis dans une société donnée — en particulier chez ceux qui s’y trouvent en position dominante : lorsque ce n’est plus par droit divin, c’est par un fait de nature que les adultes ont (ou avaient encore récemment) le devoir de régir la vie des enfants, les hommes de diriger celle des femmes, les Blancs de « civiliser » les Noirs ou les autres « races », les humains de régner sur les autres « espèces », etc. Les dominés le sont par nature, les dominants le sont par nature. Le discours est brutal, mais efficace. Le régime politique qui s’est le plus fondamentalement fondé sur l’idée de Nature a été particulièrement totalitaire et immoral : c’était le national-socialisme.

3. Nature et discriminations intra-humaines

Prenons la notion de race ; le problème n’est pas en soi qu’on se soit amusé à déterminer des sortes de variétés d’humains (ceux à la peau noire, ceux à la peau blanche, aux yeux bridés ou non, les blondes et les brunes, etc.), il est qu’on a « naturalisé » certaines des classifications ainsi opérées (celles qui offraient un intérêt politique) : la « peau noire » devenait le signe d’une race, une race étant en fait une nature. Avoir la peau noire cessait dès lors d’être une caractéristique, une propriété parmi d’autres d’un individu, pour signifier une essence, une appartenance à une catégorie englobante : l’individu appartient dès lors à une classe, qui le détermine tout entier ; il en devient un représentant. Il n’a plus une peau noire, il est Noir. Envolée toute individualité, il devient un specimen qui exprime avant tout sa catégorie. Cela vaut bien sûr surtout pour les dominés : les Blancs sont des Blancs, certes, mais ne se réduisent pas à leur couleur de peau, eux.
De même pour les sexes : je n’ai plus tel ou tel sexe, comme une de mes particularités, je suis de tel ou tel sexe. Mon sexe est censé dire le tout de ce que je suis. C’est d’autant plus vrai pour les femmes : tota mulier in utero. Les hommes restent pleinement humains, eux, et non spécifiques.
De même, les enfants sont des enfants, et leurs réactions ne sont plus perçues que comme des expressions d’enfants, et non plus d’individus ; les adultes, eux, sont pleinement humains, individualisés…
Beaucoup d’antiracistes ou d’antisexistes, hélas, refusent d’en finir avec l’idée de nature et cherchent contournent le problème en essayant de saper la pertinence des catégories de sexe et de race en rendant leurs contours aussi flous que possible. Cette tactique est particulièrement évidente concernant le racisme lorsqu’elle se résume dans la formule « les races n’existent pas, il n’y a qu’une seule race humaine ». Concernant le sexisme, l’affirmation équivalente « les sexes n’existent pas » est trop abrupte, mais la proposition selon laquelle « nous avons tous du féminin et du masculin en nous » en est un substitut fréquemment employé. Ces formes d’argumentation ont en commun de pouvoir être menées sans remettre en cause deux caractéristiques fondamentales de l’approche « naturaliste » : la transformation des individus concrets composant une classe sociale en êtres porteurs de l’essence de leur catégorie, et l’hypothèse selon laquelle les traits naturels d’une classe suffisent à justifier le statut éthique de ses membres. Cela signifie que l’opinion aujourd’hui dominante ne veut pas renoncer à chercher sa justification dans les intentions de la nature, et qu’elle ne veut pas contester la pertinence morale des limites «naturelles».

4. Nature et spécisme (6)

Il existe un domaine dans lequel l’opinion majoritaire ne peut être expliquée autrement que par l’adhésion à ces deux postulats, bien que ceux qui la partagent en aient rarement conscience. Il s’agit de la définition des êtres dont nous devrions nous soucier (les « patients moraux »). Qui devrait-on « ne pas tuer », « ne pas faire souffrir », « ne pas traiter comme un simple moyen pour parvenir à nos fins » ? Généralement, la réponse est : les êtres humains, alors qu’elle devrait logiquement être : tous ceux pouvant pâtir de ces comportements. Il y a peu de sujets où une « différence naturelle », en l’occurrence d’espèce (7), est utilisée avec aussi peu de précautions comme frontière morale. Pour ceux que l’on a ainsi exclus, on admet non seulement que leur bien se confond avec « ce que la nature a prévu pour eux », mais on l’assimile au besoin avec ce à quoi ils nous servent : les chats sont faits pour attraper les souris, les moutons pour être tondus et les poulets pour être rôtis.
Y a-t-il donc un ou des caractères naturels qui justifient de façon évidente que l’ensemble des patients moraux se confonde avec l’espèce humaine (8) ? Le simple fait de poser la question est souvent jugé sacrilège. Pourtant, si l’on considère les membres concrets de l’espèce, on a le plus grand mal à trouver un caractère qui soit à la fois exclusivement humain et présent chez tous les humains. Les traits distinctifs généralement invoqués n’appartiennent pas à tous les humains. Ils caractérisent l’humain-type que l’on a établit pour les besoins de la cause. De surcroît surgit alors une seconde difficulté : les traits mis en avant (l’intelligence, la raison, la liberté, le fait d’être « sortis de la nature », etc.) ne semblent pas avoir de rapport avec ce qu’ils sont sensés justifier.
Jeremy Bentham formulait en ces termes les objections que soulève une telle attitude :
« Les Français ont déjà découvert que la noirceur de la peau n’est en rien une raison pour qu’un être humain soit abandonné sans recours au caprice d’un bourreau. On reconnaîtra peut être un jour que le nombre de pattes, la pilosité de la peau, ou la façon dont se termine le sacrum sont des raisons tout aussi insuffisantes pour abandonner un être sensible au même sort. Et quel autre critère devrait tracer la ligne infranchissable ? Est-ce la faculté de raisonner, ou peut-être celle de discourir ? Mais un cheval ou un chien adulte sont des animaux incomparablement plus rationnels et aussi plus causants qu’un enfant d’un jour, d’une semaine, ou même d’un mois. Mais s’ils ne l’étaient pas, qu’est-ce que cela changerait? La question n’est pas : peuvent-il raisonner ? ni : peuvent-ils parler ? mais : peuvent-ils souffrir ? » (9)

5. Nature et biotechnologies

Le texte de Jean-Marie Pelt que j’ai mis en exergue est très clair : il ne faut pas mélanger des choses déclarées d’essence (de nature) différente ; ni céréales et vignes, ni lin et laine, ni chien et chat. Les essences, c’est essentiel, il ne faut pas y toucher. C’est le même réflexe qui fait haïr par les racistes les métissages, et qui joue à fond dans d’innombrables domaines de la vie quotidienne («il ne faut pas mélanger les torchons et les serviettes»). La nature des choses ne doit pas être «altérée» sous peine que l’ordre dont elle garantissait le maintien ne se dissolve en chaos ; car les natures des choses garantissent que ces choses occuperont bien la place qui leur est dévolue dans l’ordre des choses ; la nature du chat, qui est carnivore, garantit qu’il ne perdra pas son temps à manger des légumes et qu’il remplira bien sa fonction naturelle, qui est de manger plus petit que lui. Carnivore, c’est sa fonction au sein de l’ordre naturel, et gare à lui s’il déroge, s’il ne remplit pas son «contrat» : tout ça va mal se finir, il sera puni en devenant malade… C’est le même imaginaire mythologique que l’on retrouve lorsque les biotechnologies sont attaquées parce qu’elles créeraient des chimères, ou parce qu’elles brouillent les fantasmatiques frontières naturelles entre les espèces, ou, dans le cas du clonage (humain, uniquement (10)), sont censées profaner une sacro-sainte unicité, etc.

6. En finir avec l'idée de nature, revenir à l’éthique et à la politique

La règle « obéir à la nature » est vide de sens. La « respecter » est du même tonneau : pourquoi respecter ce qui existe, simplement parce que ça existe ? Beaucoup de littérature a été consacrée à prétendre fonder une « réflexion » éthique sur l’obéissance aux lois de la nature, au prix d’amalgames (notamment le glissement illégitime entre deux sens parfaitement distincts du mot « loi », qui désigne soit une régularité soit un commandement), ou sur un « respect » de l’« ordre naturel ». En revenir à cette idée de nature, c’est effectivement un retour à l’ordre, voire, un rappel à l’ordre.
Les idées reçues se propagent en échappant à tout questionnement critique. Mais les propositions creuses ou fausses ne deviennent pas vraies à force de répétition. Elles constituent un danger parce qu’elles offrent une ligne de conduite illusoire ou erronée face à des problèmes bien réels. Les invocations de la nature en lieu et place de principes clairs de jugement comptent hélas parmi les infirmités majeures qui handicapent les mouvements qui voudraient changer le monde pour quelque chose de mieux.
Pour revenir à nos moutons transgéniques ou clonés : le problème n’est pas de savoir si les produits de notre société sont naturels ou artificiels, s’ils « violent des lois de la nature » (s’ils « transgressent des frontières naturelles » comme est censée l’être la frontière d’espèce), mais de savoir si ils sont nuisibles ou non, dangereux ou non, et pour qui. Le problème n’est pas à poser en termes mystiques (une science artificielle industrielle moderne mauvaise qui s'opposerait à une sagesse naturelle artisanale traditionnelle bonne), mais de raisonner en termes éthiques et politiques : quelles sont possiblement les conséquences de notre mode de société, au bénéfice et au détriment de qui ? Où nous mènent-elle ? Qui risque d’en pâtir ? Qu’accepter, que refuser ? Comment changer de cap ?
Les usages programmés des biotechnologies expriment par exemple bien une logique capitaliste qui aspire à rendre toute chose appropriable et dès lors profitable. Les intérêts qu’elles servent sont ceux du profit (et qui plus est du profit d’une classe restreinte), et nullement le bonheur commun, le bonheur de tous. Elles sont un instrument de puissance qui n’est accessible qu’aux puissants ; or, on voit aujourd’hui que les autres types de technologies complexes dont le contrôle échappe complètement aux populations servent des intérêts qui ne sont pas les leurs, et sont aux mains de groupes ou d’États dont l’histoire a clairement montré qu’on ne doit pas leur faire confiance : scandale du sang contaminé ; pollutions radioactives diverses ; accidents à Toulouse, Seveso, Bhopal, naufrages répétés de navires pétroliers, etc., etc.
Mais le problème fondamental ne réside pas simplement dans ces technologies : même les technologies automobiles, par exemple, pourraient sans doute trouver des débouchés utiles dans des sociétés soucieuses des intérêts de tous, bien qu’aujourd’hui elles suscitent des catastrophes massives (innombrables morts et blessés humains ou non, « pollutions » massives, guerres pour l’appropriation du carburant…). Les populations ont pourtant un certain pouvoir d’action à ce niveau, et pourraient refuser le tout-automobile. Elles ne s’en soucient pas le moins du monde. Le problème est bien que nous vivons dans des sociétés de domination et d’exploitation, et que notre conscience est de ce fait une conscience dominée. Dans de telles sociétés, la confiance n’est pas de mise.
Et ce n’est pas l’idée de Nature qui va nous aider : beaucoup de gens ressentent la crise écologique actuelle en termes naturalistes : c’est notre espèce (vue comme groupe biologique) qui poserait problème en elle-même, l’humanité serait en quelque sorte maudite et ne pourrait par essence que « détruire la nature ». Cette façon de poser les problèmes escamote une fois de plus la question des rapports sociaux (c’est bien là le rôle de l’invocation de la nature) : à l’évidence, ce ne sont pourtant pas tous les humains ni toutes les activités sociales qui pèsent d’un même poids destructif sur notre environnement et sur nos vies… Quant à croire que les peuples « premiers », prétendument « proches de la nature », (pourquoi ne pas dire simplement, comme au bon temps des colonies : « peuples primitifs » ou « naturels » ?) pourraient nous aider en nous délivrant une sorte de « sagesse originelle »… Ne serait-il pas plus utile de reparler des rapports sociaux de domination, qu'ils soient capitalistes, patriarcaux ou spécistes ?
Nous préférons hélas soupirer mythiquement après un « âge d’or » ou des « modes de vie traditionnels harmonieux » qui n’ont jamais existé, plutôt que nous battre aujourd’hui et maintenant contre les divers (et nombreux) rapports sociaux de domination, pour l’avènement enfin de mondes qui se soucient des autres mondes, de tous les autres. Eh bien, pourtant, ce n’est pas une fatalité, ce n’est pas dans notre « nature » de persévérer dans des niaiseries dangereuses !!!
Yves Bonnardel, Lyon, janvier 2005


Pour ceux qui n'ont pas le temps ou la flemme de tout lire, voici un extrait qui à mes yeux résume la pensée de l'auteur :
Citer:
Le problème est bien que nous vivons dans des sociétés de domination et d’exploitation, et que notre conscience est de ce fait une conscience dominée. Dans de telles sociétés, la confiance n’est pas de mise.
Et ce n’est pas l’idée de Nature qui va nous aider : beaucoup de gens ressentent la crise écologique actuelle en termes naturalistes : c’est notre espèce (vue comme groupe biologique) qui poserait problème en elle-même, l’humanité serait en quelque sorte maudite et ne pourrait par essence que « détruire la nature ». Cette façon de poser les problèmes escamote une fois de plus la question des rapports sociaux (c’est bien là le rôle de l’invocation de la nature) : à l’évidence, ce ne sont pourtant pas tous les humains ni toutes les activités sociales qui pèsent d’un même poids destructif sur notre environnement et sur nos vies… Quant à croire que les peuples « premiers », prétendument « proches de la nature », (pourquoi ne pas dire simplement, comme au bon temps des colonies : « peuples primitifs » ou « naturels » ?) pourraient nous aider en nous délivrant une sorte de « sagesse originelle »… Ne serait-il pas plus utile de reparler des rapports sociaux de domination, qu'ils soient capitalistes, patriarcaux ou spécistes

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Dernière édition par [Vamps]Seytahn le Sam 06 Sep, 2008 17:27, édité 1 fois au total.

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MessagePublié: Sam 06 Sep, 2008 16:51 
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Héros Ridicule
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Inscrit le: Jeu 03 Juil, 2008 9:42
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Un peu à la bourre mais j'ai signé même si il me semble en avoir déjà signé mais pour ce genre de cause, plus ne saurait être mal.

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A visiter
http://www.onevoice-ear.org/

http://www.clicanimaux.com
(de simples clics permettent de payer des repas et soins)


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MessagePublié: Ven 12 Sep, 2008 16:35 
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Héros de pacotille
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Inscrit le: Ven 12 Sep, 2008 16:28
Messages: 6
Localisation: Decapite des monstre et des elfe...
Simple message:

Vive les phoque^^ :o


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 Sujet du message:
MessagePublié: Sam 13 Sep, 2008 10:58 
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Apprenti tyran ridicule
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Inscrit le: Mar 30 Nov, 2004 11:28
Messages: 5632
Localisation: Là haut sur la montagne!
JuLoUHEROES a écrit:
Simple message:

Vive les phoque^^ :o


Clair,ils font d'excellents manteaux xD

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Grand illusioniste gnome Souma-kun,Createur des [WGT],futur maitre de la gération!
Ancien plus grand nécromancien du Lorndor, maintenant premier gnome du Lorndor.
Souma-kun a toujours raison.
Chef incontesté des gard-gno.


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 Sujet du message:
MessagePublié: Mar 16 Sep, 2008 20:51 
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Héros Ridicule
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Inscrit le: Mer 21 Nov, 2007 19:25
Messages: 26
Localisation: Euh comment dire, euhhh ?? ^^, oh non je me suis encore perdu
Je suis tout à fait d'accord sur le terme de manteau, mais ne faudrait il pas élargir le débat à la conception en série avec un seul phoque ???Mais à une plus grande échelle telle que de la tapisserie ????

C'est vrai quoi Souma, il te faut plusieurs phoques pour un seul manteau ...

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La vie est prison, la Mort délivrance. Quel est cette malédiction ?


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