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Même maintenant, alors que j’ai recouvré un peu d’humanité, il m’est difficile de me souvenir d’avant.
Lorsque j’aperçois mon reflet dans l’eau il m’est aisé de voir que je fus elfe mais de ma vie d’elfe je n’en ai que de vagues souvenirs embués de souffrances.
Je me nomme Corwyn, je suis un mort-vivant. C’est un état de fait, pas un choix ni une revendication. Je suis un mort vivant et j’ai assumé longuement cet état. J’ai pillé, tué, violé, saccagé. Je me suis nourris de chairs encore vivantes, j’ai festoyé sur les cadavres de toutes les créatures peuplant ce monde, j’ai détruit des centaines d’oeuvres d’art, j’ai craché sur les tombes de vos enfants et j’ai fait pire que tout cela. Ce n’est pas un repentir ni une confession que je fais là. C’est un constat. Quand un mort-vivant vient à la non vie cela se fait dans la douleur. Et la douleur engendre la haine. Cette haine nous nous en nourrissons, nous nous en gorgeons et vivons par et avec elle. Mais cette haine, pour cetrains – peu – d’entre nous, peut s’assouvir ou se transcender. Moi je l’ai transcendée.
Repu de cette haine, ivre de carnage, vautré dans le sang et le stupre je pris conscience peu à peu de ce que notre condition avait d’anormal. Je pris d’abord mes distances avec les carnages et les exactions que nous comettions. Mais cela m’écoeurait encore plus alors je pris mes distances d’avec mes semblables. Je quittai ceux qui avaient été mes amis et mes frères dans la mort. Je les quittai avec le cœur lourd parce que malgré moi ils étaient ma famille. J’ai ensuite parcouru les plaines du Lorndor, évitant les routes et villages, observant comment se comportait la vie en l’absence de la mort que nous incarnions.
Ce que je vis durant cette période ne me convaincu pas de mon choix. La mort était et est omniprésente, nous n’en étions que l’aspect le plus féroce. Je voyais les gens vivre, les gens mourir, se battre, s’aimer, se blesser, se soigner…
J’avais pris de l’assurance aussi durant cette période. J’avais rencontré de nombreuses personnes. Certaines intolérantes et promptes à la bagarre et d’autre amicales et promptes à la veillée. C’est ainsi que j’ai rencontré Neomax, au hasard d’un bivouac. Neomax était le chef d’un groupe de personnes qui croyaient à la vie et qui avaient voué la leur à la protéger et à l’entretenir. Ils se déplaçaient sur les champs de bataille et soignaient tout les blessés quelque soit leur race ou leur orientation. J’ai cru que rejoindre leur rang m’apporterait la sérénité et j’ai proposé alors à Néomax de faire un bout de chemin ensemble. Et de la sérénité j’en ai trouvé, et en suffisance. Cette accalmie dans mon environnement ma permis de réfléchir et de me construire. Fort de mes expériences de guerre et de neutralité j’ai commencé à entrevoir qui j’étais. J’ai gagné assez rapidement la confiance des soigneurs et je suis devenu leur ambassadeur. Lourde tâche qui m’a permis de voir la vrai visage de nombreuses personnes.
Peu de temps avant mon entrée chez les soigneurs, j’avais aussi croisé sur ma route une jeune Elfe qui m’avait fortement impressionné. C’était la première créature qui me témoignait spontanément autant de respect et de sympathie. J’ai encore vivement en mémoire cette soirée ou nous avons fait connaissance. Je l’ai rencontré à nouveau un peu après, alors que j’avais fonction d’ambassadeur. Je l’ai approché en temps que chef du clan des rôdeurs et lui ai proposé une alliance avec les soigneurs. Non pas que les soigneurs cherche des alliances –ils font plutôt de la prévention pour limiter les situations ambigües et embarassantes – mais parce que j’avais le désir de revoir Chipie l’Elfe. Et bien m’en a pris. J’appris de sa bouche que son clan prospérait, bâti sur des fondements de respect mutuel et de camaraderie. Que chacun avait une place particulière dans le cœur des autres et que chacun aidait les autres à s’accomplir.
Hors il se fait que malgré toute la sérénité trouvée chez les soigneurs, l’esprit de camaraderie était rare. Pas qu’une animosité régna mais plutôt que notre soucis de venir en aide aux personnes extérieur nous empêchat de nouer des amitiés.
Une fois de plus je remis ma condition en question. Mort-vivant altruiste d’accord mais si cela se résume à cela c’est un peu triste. Avant j’avais une famille, même si leur actes me révoltaient c’étaient mes frères et mes sœurs. Maintenant j’avais la conscience claire mais personne pour partager. J’étais devant un dilemme. Rester ou partir. Mais partir pour où. Retourner près des miens ? Jamais. Fonder ma propre tribu ? Pourquoi pas. Mais aurais je la force de supporter un éventuel échec ? Rejoindre un autre clan ? L’idée était bonne en soi et c’est celle là que je décidais finalement d’adopter. J’ai quitté le clan des soigneurs en expliquant mes raisons, à défaut de comprendre ils acceptèrent, puis je me suis mis en route pour mûrir ma décision.
C’est ainsi que je suis arrivé, presque machinalement, devant le repaire des rôdeurs et que j’ai frappé à la porte. Chipie en personne est venue ouvrir le vantail et son accueil me conforta dans ma décision. Et c’est ainsi que je suis là aujourd’hui, devant vous. Et le meilleur est encore à venir…
Depuis cette dernière chevauchée je me suis mis en tête de tenter de redevenir pleinement elfe – ou de mourir en essayant. Mais en attendant j’espère être le compagnon idéal pour chacun d’entre vous.
Je suis né de la mort et la vie sera mon linceul .
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