Forum Heroes' Chronicles

Lessien Singollo



- Tu n’arriveras jamais à rien.
- Ouais ouais, c’est ça...

Où comment répondre poliment à sa maman... Sa chère maman...
Il parait que je suis une rebelle, provocante, que je m’en fous des règles, que je m’en fous du monde. Bah tiens, ils ne font que se battre en dehors de ce royaume. Comment pourrais-je avoir envie de quitter cet arbre ?

D’ailleurs, en parlant de cet arbre, c’est le seul à me comprendre je pense. Enfin, je ne sais même pas s’il a une âme. Mais c’est le seul qui me laisse encore tranquille. Normal, il parle pas me direz-vous. Bref... C’est l’arbre qui se trouve dans le royaume des elfes. Vous voyez ce grand arbre là... Oui oui, cet arbre que tous les elfes (ou du moins, les elfes nobles, pas les drows hein. Beurk, ils puent les drows d’ailleurs.) vénèrent... Enfin, ils ont leur Dieu à vénérer, mais l’arbre est réel, donc ils savent qu’il est là (contrairement aux Dieux), donc ils ont plus facile à lui dire merci à lui qu’à leur Dieu.

Bref, tout ça ne me dit pourquoi je ne suis plus dans mon royaume maintenant. Parce que si vous ne le savez pas, moi non plus... D’ailleurs, heureusement que mon papa m’a apprit à chasser, sinon je serais morte (ouais, parce que la plupart des elfes disent qu’il n’y a que l’Arbre et des elfes dans le royaume, mais en fait, il y a aussi pleins d’arbres – des petits hein, pas des grands comme l’Arbre. – mais aussi pleins de bonnes bestioles à manger. Mais il faut les chasser, c’est pour ça que mon papa m’a apprit.) Donc, heureusement que mon papa m’a apprit à chasser et qu’il m’a offert ce couteau de chasse. Sinon je serais morte. Bah oui, quand je me suis réveillée, c’est parce que cette grosse vache puante (oh, jvous raconte pas l’odeur hein, c’était affreux, j’ai cru que j’allais mourir. Ca se lave jamais ces gros machins ?) Donc, cette grosse vache m’a donné un coup sur la tête. Donc j’étais obligée de me réveiller. Ni une ni deux, j’ai pris mon couteau de chasse et je l’ai tuée. Trop forte moi ! M’enfin, un autre elfe est venu me trouvé et il m’a demandé de rentrer au royaume. Parait que je suis trop jeune pour sortir de là. Comme si j’avais demandé à être ici tiens. Alors je lui ai craché dessus... Et depuis je suis coincée quelque part... Je ne sais pas où je suis. Mais là-bas, une voix m’a dit que je sortirais bientôt et que je reviendrais sur Lorndor. Enfin, je l’espère. J’ai envie de retrouver mon Arbre.

Enfin, je ne suis pas mécontente de ne plus être en dehors de mon royaume. Ca pue partout où on va. Y a pleins de grosses vaches, puis ces sortes d’humains en décomposition. Jvois même pas pourquoi ils se sont levés de leur tombe eux. Comme si c’était chouette de vivre là, au milieu de tous les royaumes.
Puis, y a des nains et des nains encore plus petits. Mon papa me disait qu’on les appelle « gnome » Mais bon, ils sont tout aussi moches que les nains.
Et puis les humains, eux ce sont les pires. Ils sont trop cons. Ils croient tout savoir, mais en fait, c’est ceux qui savent le moins.
Alors jvous parle même pas des Orcs hein. Ils ont la peau toute verte. On dirait qu’ils se sont maquillés, sauf que ça les rends encore moins jolis. Et puis ils sont aussi cons que les humains. Ils savent que lever leur hache en criant « grouaaaah »...

La perte du nom Singollo.

Je savais que je ne devais pas quitter le royaume. Je savais que c’était le mal tout autour. Pourquoi me suis-je retrouvée là-bas ? Pourquoi sont-ils partis à ma recherche ? Pourquoi ne sont-ils pas revenus ?

Donc, j’étais dans cet endroit sombre, que je ne sais toujours pas ce que c’est. La voix qui me parlait me disait que j’hibernais. Sauf que les elfes ça hiberne pas, ce sont les ours. Mais bon... Il y a des abrutis partout, on va pas lui en vouloir à cette voix.

Je suis revenue dans le royaume après ce moment. Y avait la voisine qu’était dehors. Elle m’a regardé bizarrement. Je l’aime pas celle-là, et je l’aime encore moins maintenant. Quand j’ai voulu entrer chez moi, tout était fermé. La voisine s’est levée et elle m’a déposé sa main sur l’épaule, beurk. Mais bon, ma maman a toujours demandé à ce que je sois gentille avec la voisine, donc j’ai rien dis. Elle m’a regardé avec son air triste et là, j’ai cru qu’elle se foutait de moi...

- Tes parents ne reviendront pas ma petite...

Mais bien sur, de quoi elle se mêle celle-la ? J’ai haussé les épaules et elle s’est accroupie, me prenant les deux mains dans les siennes.

- Ta disparition les a effrayé. Ils sont partis à ta recherche et... Ils ne reviendront pas. Garde un bon souvenir d’eux, car ils t’aimaient.

Puis elle est partie dans sa maison et a tout fermé. Moi, je savais pas quoi faire. J’voulais pas le croire et pourtant, elle ne m’avait jamais menti, pourquoi elle le ferait maintenant ? Alors je me suis assise sur le pas de ma porte et j’ai attendu. La voisine sortait de temps en temps sa tête par sa porte.
Au bout de quelques jours, j’ai commencé à prendre conscience qu’elle avait peut-être raison. Mes parents ne revenaient pas et tous les passants me regardaient avec un air désolé.
Alors, j’suis rentrée dans la maison en fracassant une fenêtre et là j’ai trouvé un parchemin sur lequel maman avait écrit :




Une larme... Deux larmes... J’pouvais pas rester là, fallait que... Mes parents étaient morts ? Nan... J’pouvais pas y croire. J’pouvais pas l’accepter.
J’ai couru dehors et j’ai demandé à tout le monde s’ils avaient pas vu mes parents. Ils me regardaient tous avec un air triste.
Puis la tite vieille du coin, ça a été la seule à me répondre.

- Ma petite Lessien, il est l’heure de prendre ta vie en main...

J’ai couru alors vers l’Arbre. Je l’ai regardé, enfin jle voyais pas, ma vue était toute brouillée. J’suis tombée sur mes genoux devant lui et j’ai craqué. Les larmes ont pas arrêté de couler pendant quelques minutes. Mes parents pouvaient pas me laisser comme ça... J’étais encore trop jeune pour vivre seule, je connaissais rien de ce monde. Pourquoi ils m’ont laissée ?

Curwen émergeait d'un petit bosquet où elle revenait souvent, surtout dans les situations critiques, pour se ressourcer et reprendre des forces. Ragaillardie par les attentions que lui avaient prodiguées ses habitants, devenus amis avec le temps, elle se dirigeait vers l'Arbre du royaume pour lui rendre hommage et prendre des nouvelles du monde. En chemin, elle nota cette jeune fille agenouillée et se félicita de voir que la jeunesse n'était pas encore totalement égarée. Jugeant l'instant propice, l'Elfe joignit les mains et, fermant les yeux, se laissa innonder par la sagesse du Vénérable.

Cependant, quelquechose troublait cet instant. Sans doute le sang qu'elle avait versé récemment qui pesait sur son cœur... Elle cessa donc sa méditation et reprit son chemin. Mais la présence familière de son tigre se dissipait. Elle tourna la tête et le vit, resté assis, qui la regardait. Il se leva lentement, fit trois pas vers la jeune fille toujours agenouillée, se rassit et ferma les yeux. Curwen comprit alors.

Elle acquiesça et s'approcha de Lessien, tout près, un peu en retrait. Celle-ci ne semblait pas l'avoir remarquée, ce qui trahissait la profondeur des sentiments qui la traversaient. Curwen avançait les doigts vers la nuque et l'épaule de la jeune Elfe. Un instant d'hésitation. Elle posa un genou à terre et, ouvrant son âme, laissa le contact se faire.

Une chaleur vint envahir mon âme, un chuchotement de réconfort, comme une caresse douce et apaisante venant soulager mon esprit. Je cessai alors un instant de sangloter et ouvrit les yeux vers l’Arbre. Il ne bougeait pas, il restait impassible. Je frottai mes yeux pour sécher les larmes qui continuaient à arriver. Alors je vis le tigre blanc assit près de moi.

Je le regardai un court instant et comprit que ce n’était pas de lui que me venait cette sensation apaisante. Elle m’était apparue comme dans un halo de lumière. Brillant de mille feux, sa main hésitait à se poser sur moi. Je restai d’abord quelques instants, béate devant elle. Tout en elle était si beau. Ses longs cheveux m’éblouissaient les yeux. Son regard vert m’observait, apaisant et doux. Ses bras, longs et fins me donnaient l’impression de m’inviter à m’y loger confortablement.

Un long moment, nous nous parlions du regard, ne prononçant aucune parole. En avions-nous vraiment besoin ? Elle semblait lire en moi comme dans un livre ouvert.
Sa présence me réconfortait, son seul regard m’apaisait. Je ne voulais pas qu’elle parte, je ne voulais pas qu’elle me laisse... Elle était celle pour qui mon cœur venait de craquer, celle pour qui mes yeux avaient arrêtés de pleurer.
Mon visage se transformait petit à petit. De la tristesse et l’incompréhension, il devenait amour et admiration, ce même amour que je portais à ma...

- Maman...

Je me jetai alors dans ses bras, sans comprendre pourquoi, j’en avais juste le besoin. Pouvoir la toucher, la sentir contre moi, sentir ses bras m’entourer et me consoler...

Le corps fragile de Lessien glissa dans les bras blancs de l'Elfe rousse, qui se refermèrent dessus avec tendresse. La main sur la nuque de la jeune fille se fit plus chaleureuse encore, l'invitant à plonger son visage dans le cou offert. Ces bras l'enveloppaient tel un cocon de douceur aux parfums légers et subtils.

Curwen se risqua à un baiser sur la tempe... Un autre plus long... Puis sa gorge se mit à vibrer contre le front de Lessien d'une lente résonnance qui mourait en un chant apaisant sur ses lèvres, toutes proches de l'oreille de l'enfant. Une chanson ressurgie du passé, aux vers à peine articulés, peut-être appelée par le simple et pourtant si fort mot que celle lovée contre son sein venait de prononcer. Sa voix était claire et douce, infléchie de profondes intonations qui faisaient écho aux paroles suaves et réconfortantes.

La scène dura de longs moments mais les couplets étaient nombreux. Lorsque l'étreinte eut pansé les plaies du cœur, Lessien sembla reprendre vie, répondant aux caresses de Curwen. Cette dernière vint alors poser son front contre celui de la jeune Elfe. Leurs regards se mêlèrent à nouveau dans un sourire.

- Tu as faim ? demanda-t-elle tout simplement.

Extrait d'un journal intime d'un elfe inconnu :

La scène de ce jour-là restera gravé à tout jamais dans ma mémoire. Le temps semblait s'être arrêté par une magie pure et douce.

Asseyez-vous et fermez les yeux un instant pour vous imaginer cette scène.

Deux elfes étaient accroupies au pied de l'Arbre. Une chanson s'échappait tel un murmure de la bouche de la plus grande des deux. Les larmes coulaient, belles et transparentes sur le visage de la plus petite.
Tant de tendresse entre les deux elfes, tant d'amour partagé. Nous ne pouvions que succomber face à ce spectacle. Même le plus sombre des démons n'aurait pu les toucher tellement une force s'échappait des deux elfettes. Cette force qu'on appelle amour.
La petite était plongée dans les bras de la plus grande et se noyait dans ses murmures et son parfum.
La tristesse et la mélancolie qu'on pouvait ressentir chez la petite semblait s'évaporer au simple contact de la grande.
Même l'Arbre semblait succomber à cette magie. Une magie que je n'ai trouvé que dans notre royaume, cette magie que seuls les elfes sont capables de transmettre.

Les grands yeux noisettes de la petite se sont plongés dans le vert émeraude des yeux de la grande. En ce monde, il n'existait plus qu'elles deux. Toute la forêt elfique semblait respirer au rythme de leurs caresses, plus aucun bruit ne s'échappait des arbres afin de laisser ce moment à elles deux.

Elles se sont alors levées et sont parties main dans la main. Et l'Arbre semblait s'incliner, pour les remercier de lui avoir offert un si beau spectacle. Et le temps a reprit son court...

Je ne sais si j'ai réussi à vous retransmettre ce moment avec de simples mots. Aucune définition n'est possible, tant de magie étant indescriptible. Mais j'espère de tout coeur avoir pu vous conter ce moment au mieux afin qu'il reste indéfiniment dans les esprits et dans les livres...