Forum Heroes' Chronicles


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 Sujet du message: Le gnome
MessagePublié: Mar 14 Juin, 2016 19:06 
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Premier essai.

N'hésitez pas à critiquer, ici ou ailleurs.


C’est vers la fin de sa grossesse que j’avais été appelé à son chevet.

Il faut bien préciser qu’ici, dans ce petit village reculé du fin fond du Lorndor, les fausses couches ne sont pas rares. Et ce n’est pas non plus sans raison que nos jeunes pousses ne sont baptisées qu’à trois ans révolus. Il suffit de faire un tour dans le cimetière du village pour se rendre compte de l’étendue du fléau qui nous touche. On ne compte plus les petites tombes anonymes creusées au hasard des allées. Mais il ne faut pas se morfondre ni s’apitoyer. Il faut se battre pour vivre ici-bas…

Aussi me suis-je empressé de retrouver la future maman rapidement. Enfin… Future… Il faut bien dire qu’elle avait déjà enfanté à plusieurs reprises et que les deux mouflets encore de ce monde, de trois et six ans, ne traînaient jamais loin d’elle.

La chaumière était on ne peut plus traditionnelle. Une fois entré, nous nous trouvions dans la seule et unique pièce qui faisait à la fois office de cuisine et salle à manger et, derrière tout un pan de mur caché par des tentures aux couleurs passées, de chambre à coucher.

La jeune femme, Lierre, était alitée là-bas, au fond de la chaumine. Elle était étendue sur une paillasse qui n’avait pas été renouvelée depuis un moment. Je demandai sur l’instant aux deux petits de filer chercher de la paille fraîche ce qui, outre le fait d’apporter un peu de salubrité à la masure me permettais de ne pas avoir les deux bambins dans les pattes au moment d’examiner leur maman.

Cette dernière s’était légèrement relevée lorsque j’avais approché du lit.
Dans sa tenue éculée, elle semblait plus fatiguée que jamais. Ces yeux étaient cernés de noir et sa peau ruisselait de sueur. Et pourtant… Elle était magnifique. Mais ce n’est pas le moment de s’attarder là-dessus. Reprenons…

Je vis tout de suite que ça n’allait pas. J’appris bien vite qu’elle ne mangeait presque plus et que cela faisait maintenant deux jours qu’elle n’avait pas quitté sa couche. Heureusement que l’on s’entraidait entre membres du village. Les voisins, les Grumeaux comme on les appelait dans le coin, s’étaient occupés d’elle et des enfants jusque-là.

Je n’avais pas fait mes études au consortium pour rien. Je déduisis rapidement que la pauvresse souffrait de malemort. Rien de grave en soi, à partir du moment où la maladie était traitée rapidement. Je savais pertinemment que je pourrais guérir la mère. Pour le petit… Et bien… Il était assurément trop tard. Mais je préférai taire cela à la maman de peur qu’elle ne se laisse dépérir elle aussi.

Avant que je ne commence à opérer, je demandais aux voisins de bien avoir la gentillesse de préparer un bouillon pour Lierre. La saignée allait soulager la patiente de ses maux, mais aussi la laisser affaiblie un moment. Et rien de tel pour revigorer le corps et l’esprit qu’un bon bouillon bien chaud. Je leur demandais de bien penser à rajouter de la viande rouge dans le bouillon car, comme tout le monde sait et moi en premier, la viande donne des forces plus que toute autre chose.

Lierre ne gémit pas une seule fois durant l’opération, que ce soit lorsque je lui entaillais le poignet que lorsque la troisième et dernière coupelle de sang fut emplie. Des relents de fer empestaient la chaumière.

Je quittais Lierre, la laissant avec ses deux enfants et son bol de bouillon chaud entre les mains en lui promettant de revenir la voir dès que possible.


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 Sujet du message: Re: Le gnome
MessagePublié: Jeu 16 Juin, 2016 9:45 
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Je revins dès le lendemain.
Pas à l’aube, certes. Car outre le fait que je savais le cas de Lierre loin d’être gravissime, à présent que la purge avait été effectuée et les humeurs évaporées avec elle, j’avais dû me rendre au chevet de deux personnes : un humain dont le bras avait été salement amoché durant une bataille contre les Hordeux dans la zone neutre. Bon, en fait de bras, il vaudrait mieux parler d’un bout de chair sanguinolent qui pendait lamentablement à son côté droit. Et une jeune gnomette qui avait un peu trop fricotée avec les monstres des environs les croyant inoffensifs.

Avant que je n’entre chez la jeune maman, je sus que les choses allaient mieux. La cheminée fumait… Ca peut paraître peu de choses pour vous, mais, pour moi, c’était le signe simple et tangible que la vie reprenait. Ici, une chaumière sans feu est synonyme de mort. Et ce n’est pas seulement parce que les gens sont quelque peu superstitieux que je vous dis cela. C’est un fait.

A peine le seuil franchi, mon nez fut submergé par un délicieux fumet. Je ne saurais dire précisément ce qui mijotait dans l’âtre, mais l’odeur me fit saliver sur l’instant.
Et je la vis… Elle était assise sur le banc, au centre de la pièce, ses deux enfants autour d’elle. Elle leur montrait comment écosser des haricots sur la grande et unique table de la maison. Elle semblait légèrement lasse mais radieuse.

Elle me confirma bien vite qu’elle était encore fatiguée mais qu’elle parvenait à faire bien des choses à condition de respecter des pauses et de prendre le temps pour chaque tache. Ses deux bambins étaient ravis de retrouver leur maman d’antan.
Elle m’apprit cependant qu’elle ne sentait plus le bébé bouger. Je savais ce que cela signifiait mais fit mine, devant ses yeux qui peu à peu rougissaient, de ne pas m’inquiéter. Mais il est vrai qu’à sept mois de grossesse, il y avait de quoi être terriblement angoissé.

Je l’ai donc examinée.
Pendant de longues secondes, je suis resté l’oreille collée au ventre de Lierre. Elle ne sentait pas particulièrement bon, je dois bien le reconnaître, mais il y avait un je ne sais quoi que je trouvais irrésistible. Et qu’est-ce qu’elle avait la peau douce… Oui, je sais je m’égare… Chaque chose en son temps…

Bref, j’ai écouté attentivement. Mais hormis la respiration et le cœur de Lierre, je ne percevais strictement rien. La vie du petit être s’était écoulée au même rythme que celui de la saignée.
Mais c’est alors que je l’ai perçu… C’était presque inaudible et pourtant il semblait bien que le petit avorton s’accrochait de toutes ses forces à sa mère.

Je ne peux vous décrire à quel point Lierre rayonnait lorsque je lui appris la nouvelle. Elle était… Houa… dieu que j’aurais aimé la prendre dans mes bras et la serrer fort, encore et encore…
Mais elle était promise à un autre homme. Un homme qui lui avait déjà donné deux beaux enfants et qui, sous peu, serait père d’un troisième. Et cet homme était loin, occupé avec les autres membres de l’Alliance, à faire le siège de je ne sais quelle forteresse pour occuper nos ennemis loin de nos villages et de nos familles.

Elle ne vit rien de mon désarroi.
Nous autres, descendants de rebouteux, médecins comme on dit de nos jours, avons appris à cacher nos sentiments.
Elle rayonnait. Et pour moi, en ce jour, rien d’autre n’importait.

Je lui promis de revenir régulièrement la voir.


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 Sujet du message: Re: Le gnome
MessagePublié: Ven 17 Juin, 2016 17:56 
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Bonsoir,
Plus grand monde ne passe par ici désormais, tu risques d'avoir peu de réponse.
Que cela ne t'empêche pas de poursuivre, tu as déjà une fan : c'est diablement bien écrit et l'histoire donne envie d'en savoir plus.

_________________
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The the : Armageddon Days are Here (Again)
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 Sujet du message: Re: Le gnome
MessagePublié: Lun 20 Juin, 2016 14:10 
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Merci Seytahn.
C'est très gentil à toi.

Et oui, j'ai constaté que c'était un peu mort ici en fait.
Ailleurs aussi...

Mais je continue quand même...



En fait de régulièrement, je vins la revoir quasi quotidiennement. Mon excuse officielle était que je devais suivre de près sa grossesse. Mon excuse officieuse, vous l’aurez compris, était qu’elle m’apportait une joie de vivre comme je n’en avais pas vécu depuis des années.

Depuis la mort de mes parents je vivais seul. Je n’étais pas en marge de la société. C’était juste que je n’éprouvais pas le besoin d’être continuellement avec quelqu’un. Je ne dirais pas que j’étais asocial, loin de là. En tant que médecin, je connaissais de près ou de loin toutes les familles du comté. J’avais des amis fidèles et de la famille, toujours dans la région.
C’est juste que je n’avais jamais trouvé la femme idéale.

Je ne dirais pas non plus que je n’avais jamais courtisé la plus jolie elfe ni la plus minuscule naine du village. Mais, à chaque fois que je parvenais à mes fins, ce n’était rien d’autre que l’assouvissement d’un plaisir tout personnel et qui n’était souvent que totalement charnel... Quoique bestial serait sans doute un terme plus adéquat.
Ensuite, le doute et la culpabilité m’assaillaient, invariablement...
Je m’en retournais alors à mes habitudes de célibataire et à ma vie paisible.

Mais là, avec Lierre, les choses étaient bien différentes. C’était la première fois que je ressentais autre chose qu’une simple attirance physique.
Sa simple vision me donnait le sourire. Entendre sa voix me donnait des frissons. Et je ne vous parle même pas de son rire cristallin. Je suis certain que même un hordeux endurci à la Sandoval n’aurait pu y résister.

Force est de dire qu’elle était mon rayon de soleil. Mais ça fait un peu mielleux et à l’eau de rose. Alors je dirais plutôt qu’elle était comme les premiers rayons du soleil qui percent après un orage. Bah ! C’est tout aussi mielleux je crois.
Enfin bref, il n’y a pas de mots pour dire ce que je ressens.

Quant à ses deux petits, je m’arrangeais toujours pour leur ramener un petit quelque chose à chacune de mes visites. Ça pouvait aussi bien aller d’une simple fleur ou d’un vulgaire bout de bois à une magnifique épée émoussée ou une sucrerie quelconque.
Tout leur faisait plaisir, c’était vraiment magique. Et je dois bien reconnaître que, en plus de me faire plaisir à moi aussi, cela m’amusait beaucoup.

Et souvent Lierre se faisait un devoir de m’inviter à déjeuner. Il faut bien dire que, par le plus grand des hasards, j’arrivais souvent chez elle aux alentours de midi.
Elle m’invitait à partager la table de la famille. Je refusais poliment. Elle insistait alors. Et je me pliais à ses volontés avec plaisir. Ce petit échange était devenu un rituel entre nous et je suis certain qu’elle aussi y éprouvait aussi un certain plaisir.

Une fois le déjeuner terminé, je prenais congé le plus gentiment du monde. Les enfants ne devaient-ils pas faire une petite sieste ?
Je gardais toujours mes distances avec Lierre. Les rumeurs courent à une vitesse affolante ici-bas et plusieurs des rédacteurs de la gazette habitent non loin. Aussi, tel un parfait gentleman d’une cour quelconque je repartais vaquer à mes occupations, le ventre plein et l’esprit léger.

A demain, disais-je souvent en partant.


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 Sujet du message: Re: Le gnome
MessagePublié: Mar 21 Juin, 2016 22:09 
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* Malain apporta une JanSpé à Rebouteux, s'assit en face près de la cheminée et demanda : *

"Le troisième enfant a-t-il survécu ?"

_________________
Malain


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 Sujet du message: Re: Le gnome
MessagePublié: Mer 22 Juin, 2016 9:32 
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Youhou !
J'ai gagné un second lecteur.
Trop la classe !

Sinon, merci pour la bière.
Enfin, je suppose que la JanSpé est une bière pour avoir un nom aussi bizarre.

Pour ce qui est de l'enfant...
La suite demain...


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 Sujet du message: Re: Le gnome
MessagePublié: Jeu 23 Juin, 2016 7:20 
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Ce fut au milieu de la nuit que l’on vînt me chercher.

Le père Grumeaux avait tambouriné à la porte en hurlant que Lierre était en train de mettre bas. Héhéhé… Lorsque j’y repense, je me dis que nous habitions vraiment un village de bouseux, mais c’est ce qui fait son charme.
Bref, il a tapé et tapé jusqu’à ce qu’enfin j’ouvre la porte. Il faut bien dire qu’à l’évocation du nom de Lierre, j’ai sauté du lit. Mais il faisait nuit noire et l’âtre de ma cheminée ne dégageait plus qu’un très faible rougeoiement.

Il m’expliqua rapidement que sa femme m’avait envoyé cherché car Lierre était en train d’accoucher. Le temps de m’habiller et de prendre deux trois petites affaires et nous courûmes ensemble jusqu’à sa chaumière.
Je dois bien reconnaître que courir comme un beau diable dans les sentiers pierreux en pleine nuit à la seule lueur de la torche de Grumeaux eut été une expérience pour le moins divertissante si l’urgence de la situation ne s’y prêtait pas.

Mais nous arrivâmes rapidement et sans avoir chuté une seule fois. Je tiens à le souligner car, pour moi, il s’agit bien là d’un exploit. J’étais exténué par cette course nocturne. Mais les lumières s’échappant de la maison me donnèrent un regain de vigueur.
J’entrai sans frapper. Monsieur Grumeaux resta dehors et sa femme demanda aux petits de sortir et d’aller le rejoindre.

Lierre était déjà allongée sur la table. Cela peut paraître étrange, mais nous préférons salir une table facile à nettoyer plutôt d’une couche qu’il faudrait remplacer.
Puis il faut dire que c’est plus facile pour nous d’être debout plutôt qu’à quatre pattes par terre.
Madame Grumeaux savait y faire. La pièce était bien éclairée et une bassine d’eau et des linges propres se trouvaient juste à côté de Lierre. Pour le coup, je ne dirai pas qu’elle était radieuse. Mais même si la souffrance marquait ses traits, j’étais heureux de me trouver là, avec elle.

Le travail se passait on ne peut plus normalement ; sur mes injonctions Lierre bloquait sa respiration le temps de pousser.
Madame Grumeaux prenait soin de passer un linge frais sur le visage et le corps de la future maman tout en lui parlant de tout et de rien. Il est vrai que dans ma carrière, j’avais remarqué ô combien le fait de ne pas se sentir stressé pouvait aider dans certains cas. Et dans celui de Lierre, cela semblait faire effet.
Je remerciais intérieurement Madame Grumeaux pour ce qu’elle faisait.

Après de longues minutes de ce traitement, je vis enfin la tête qui apparaissait. J’encourageai Lierre à continuer dans son élan et, petit à petit, cette dernière se fit plus nette.
Une fois passée, j’empoignai le bébé et tirai dessus. Il vint tout seul ou presque. Un dernier effort de Lierre avait été nécessaire. Mais ce n’est qu’en le sortant que je vis que le cordon était autour du cou du bébé.

Je le coupai immédiatement et le nouai autour d’un petit bout de bois que Lierre avait prévu à cet effet depuis longtemps. Mais rien…
Nul cri ne vînt annoncer à la maman sa délivrance.
Ce n’est qu’en croisant mon regard qu’elle comprit. Des larmes, nombreuses je dois dire, coulèrent alors en silence sur son visage fatigué.

Le bébé était mort.


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 Sujet du message: Re: Le gnome
MessagePublié: Lun 27 Juin, 2016 6:12 
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Ooooh :(

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Malain


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 Sujet du message: Re: Le gnome
MessagePublié: Lun 27 Juin, 2016 16:45 
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Je savais ce qu’il me restait à faire.
La tradition voulait que l’on enterre tout de suite un bébé mort-né. Dans notre monde, mieux vaut penser le moins longtemps aux malheurs qui nous entourent. Il y en a déjà suffisamment au quotidien pour que l’on fasse en sorte de ne pas se morfondre encore davantage.

Je ne montrai pas le bébé à Lierre. Ainsi, plus vite elle l’oublierait.
J’enveloppai le jeune garçon dans un linge propre et sorti de la chaumière, en silence.
Je n’ai pas jeté un seul regard sur Lierre avant de sortir. Je ne voulais pas qu’elle voit à quel point j’étais triste non seulement pour elle, mais aussi pour moi. En effet, au fil des semaines, je m’étais pris d’affection pour ce futur bébé et je dois même reconnaître qu’il m’est arrivé de me voir comme un papa.

Mais passons… Ce n’est pas important…

Sur le chemin menant au cimetière, j’essuyai mes doigts et mes mains poisseux sur le linge.
La route jusqu’au cimetière fut assez pénible ; j’étais parti si précipitamment que je n’avais même pas pris soin de prendre une torche.
C’est donc à la seule lueur de la lune, lorsqu’elle filtrait entre les nuages, que je suivis le sinueux chemin menant à sa dernière demeure.

Une fois sur place, je pris à l’entrée une pelle et me dirigeai vers la petite mare. Je pensais que Lierre préfèrerait le savoir là-bas plutôt que contre un des murs de pierre.
J’ai alors déposé le petit par terre et me suis mis à creuser.

La terre était bien plus dure que je ne le pensais. Je suis de la caste des intellectuels, pas des manuels. Bien vite je me suis mis à suer à grosses gouttes et des ampoules sont tout aussi rapidement apparues sur mes mains. Je regrettai intérieurement de ne pas avoir pensé à prendre des gants mais où en aurais trouvé à cette heure.

Après deux bonnes heures de labeur, le trou faisait bien 50 x 30 centimètres avec quelques 40 centimètres de profondeur. J’étais exténué. Je pense même que je n’avais jamais été aussi crevé de toute mon existence.

Je pris alors le linceul dans mes bras. Doucement, j’ai murmuré à l’oreille du petit être que je tenais entre mes mains des paroles d’amour et de réconfort. Je l’ai fait avec plaisir et non par obligation ou coutume.
Et même s’il n’est pas bon de le dire ici, je dois avouer que j’ai versé quelques larmes.

J’ai alors posé le bébé au centre du trou.
J’ai regardé la lune pour faire une dernière prière.
Je devais vraiment être fatigué car j’en vis deux… C’était étrange car la seconde lune était bien plus brillante que la première.

Et là… Ce fut le trou noir.

Je me suis réveillé avec le soleil.
Enfin… Avec le soleil mais surtout avec les cris d’un bébé. Je me suis redressé aussi vite que j’ai pu et j’ai constaté que le petit était toujours dans le trou où je l’y avais déposé. Toujours enroulé dans le linceul. Mais il était bel et bien vivant.


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 Sujet du message: Re: Le gnome
MessagePublié: Ven 01 Juil, 2016 12:43 
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Je n’en croyais pas mes yeux… Il était vivant ! Il était bel et bien vivant !
Avec la plus grande délicatesse possible, j’ai soulevé le petit et je l’ai regardé sous tous les angles. Je ne comprenais pas. J’étais certain qu’il était mort la nuit dernière. Et pourtant il était là, tout sourire. Et il était… Parfait !
J’ai ri… J’ai ri comme jamais devant pareil miracle. J’ai ri et j’ai pleuré. Je n’avais jamais été aussi heureux de toute mon existence.

En deux temps trois mouvements j’ai nettoyé le petit ange dans la mare. Je l’ai ensuite emmailloté à nouveau dans l’épais tissu en prenant bien soin que les parties qui avaient été salies par la terre ne soient en contact avec lui.
J’étais dans un état d’euphorie certain.
Mais le petit avait surtout faim…

J’ai marché jusqu’à la chaumière de Lierre à une allure régulière quoiqu’assez rapide. Mes pas ont calmé le petit et il a même fini par s’endormir peu avant que je ne parvienne à la demeure.
J’ai frappé doucement à la porte.
Après quelques secondes, j’ai entendu la faible voix Lierre qui m’invitait à entrer. Elle me tournait le dos.

Je me suis avancé. Doucement. Et tout aussi doucement, j’ai pris le petit, qui dormait encore, et je l’ai tendu vers sa mère. Lorsqu’elle me vit faire, elle parut décontenancée, pour ne pas dire perdue, pendant quelques secondes. Puis, en voyant mon sourire, elle se pencha sur le petit paquet que je portais et elle comprit.
Je me souviendrai jusqu’à mes derniers jours de son expression de surprise mais surtout de bonheur de ce jour-là.

Je lui donnai le bébé, ce magnifique petit gnome, et dès qu’il fut dans ses bras, il ouvrit les yeux et réclama sa pitance.
Lierre ne se fit pas prier. Elle retira un sein de son corsage et donna la tétée au petit fauve. Je n’avais jamais vu spectacle plus merveilleux de toute ma vie.

Après quelques minutes, je pris congé. J’étais exténué.
Je lui fus reconnaissante de ne pas me demander le pourquoi. Mais je dois bien reconnaître que je l’ignorais totalement alors.

Sur le chemin du retour, j’ai tout de même décidé de refaire un détour par le cimetière. Mais sur place, je ne vis rien hormis le trou que j’avais creusé, la pelle que j’avais emprunté et mes uniques traces de pas.

Je rentrai perplexe mais heureux.
Et avant longtemps, je ne pensai plus à cet épisode original de la vie du jeune bébé.

Une fois de retour, je ne pus pas me coucher tout de suite. Des patients m’attendaient : un humain venu pour quelques dix-sept points de suture dans le dos (il ne voulut pas me dire la raison, mais on voyait clairement des griffures), un autre humain auquel il fallait arracher une dent gâtée et une naine qui désirait une lotion pour dormir, son époux ronflant trop fort.

Une fois ces patients traités, je dormis presque jusqu’au milieu de l’après-midi.


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 Sujet du message: Re: Le gnome
MessagePublié: Lun 04 Juil, 2016 8:23 
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Rebouteux a écrit:
cet épisode original de la vie du jeune bébé.

Original et pour ainsi dire originel :)

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 Sujet du message: Re: Le gnome
MessagePublié: Mer 06 Juil, 2016 10:40 
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Tu dois avoir quelques lecteurs quand même ^^ Juste que certains doivent avoir la flemme de poster (dont moi :P ).

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 Sujet du message: Re: Le gnome
MessagePublié: Jeu 07 Juil, 2016 13:16 
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^^oui...
Mais bon, pas certain que ce soit passionnant à lire non plus faut dire.

Et je suis d'accord avec toi Malvick.
Original, Originel... Oui, les deux vont bien ^^
Ta remarque m'a amusé, mais je dois être vieux jeu.

Les jours qui suivirent, je revins plus que régulièrement chez Lierre. Le petit montrait tous les signes d’un enfant en parfaite santé. Il mangeait goulûment, dormait à satiété et, lorsqu’il ne faisait pas l’un des deux, était plutôt tranquille dans son coin, ses yeux bleus grands ouverts.

Sa mère était très fière du petit rejeton. Et il y avait de quoi. Sans faire preuve de fausse modestie, il était vraiment magnifique.
Aussi Lierre invita-t-elle très rapidement tous les habitants des environs à venir lui rendre visite. Elle laissait sa porte ouverte à tous quelle que soit l’heure de la journée et, même lorsque je me rendais chez elle vers midi, il ne fut pas rare que nous soyons une dizaine à partager son repas.

Les petits étaient eux aussi très content de la naissance de leur jeune frère. Ils appréciaient, aussi bien l’un que l’autre, s’occuper de lui et prenaient d’ailleurs la tâche très au sérieux. Il était amusant de les voir faire. Ils demandaient très poliment à leur maman l’autorisation de porter de bébé et, une fois cette dernière obtenue, c’est avec mille précautions qu’ils soulevaient le petit. Leurs yeux pétillaient et, souvent, ils chuchotaient pour se parler, pour ne pas le réveiller.

Ah ce que nous avons pu rire en les voyant faire. C’était véritablement touchant.

Ces derniers temps, la vie s’écoulait paisiblement dans le village et plus particulièrement encore dans la maisonnée de Lierre. C’était comme si les affres de la guerre étaient bien loin de nous.

Un matin, alors que je me rendais chez la jeune maman, je trouvais cette dernière attablée, les yeux rouges. Je lui demandai si tout allait bien mais elle me répondit que ce n’était que les oignons qui irritaient ses yeux. Quelques secondes plus tard, lui faisant remarquer qu’il n’y avait des oignons nulle part, elle m’avoua que c’était en fait une poussière qui avait pénétré dans son œil.
Je n’insistai pas.
Je devais apprendre plus tard que c’était en fait un courrier de son mari qui l’avait mis dans cet état-là.

Mais hormis ce petit incident, tout allait pour le mieux.

Il y avait même une embellie du côté du front. Ce dernier était enlisé depuis des années, mais il semblait que nous autres, les allianceux, étions parvenus à enfin enfoncer les défenses ennemies.
Des bruits disaient même que nous avions réussi à mettre à bas les fondations des châteaux BgBe et Legend, les premières forteresses en vue à côté des terres elfes.

Même si le pont qui séparait nos deux mondes était encore loin, nous sentions un vent nouveau de liberté souffler en Lorndor.

Bref, le pèlerinage annuel en zone neutre s’annonçait sous les meilleurs auspices.

Et bien vite, tous les membres de notre petite communauté, les jeunes comme les vieux, préparèrent avec enthousiasme cette virée annuelle. Je me rappelle encore les lourdes charrettes remplies à ras bord de produits ou d’ustensiles qui ne seraient pas utilisés de tout le séjour.
Je me souviens de ce couple de petits vieux qui nettoyait devant leur chaumière avant d’entamer la longue route.

Et je me souviens bien entendu de Lierre.
Un enfant dans les bras, les deux autres autour d’elle, elle rayonnait.


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 Sujet du message: Re: Le gnome
MessagePublié: Jeu 14 Juil, 2016 15:20 
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Nous avons marché pendant des jours.
Mais c’était une marche on ne peut plus sympathique. Le soleil nous accompagnait tout le temps. Il faut bien préciser qu’à cette époque-là, la nuit n’existait pas encore en Lorndor.

Chaque soir, toute notre petite communauté s’arrêtait et nous montions notre petit bivouac. Tout le monde s’entraidait si bien que très rapidement toutes les tentes étaient montées même si c’était souvent dans un brouhaha et un ordre plutôt hasardeux. Après un bref débarbouillage des petits, nous nous attroupions tous autour d’un des trois feux de camp que nous faisions chaque soir.
C’était tout un petit rituel mais cela faisait du bien à tout le monde.

Je passai alors auprès de chaque personne pour voir s’il n’y avait pas de petits bobos à soigner. Il n’y avait rien d’autre que des ampoules habituellement. Bien entendu la mère Rocaille s’était faite remarquer le troisième jour en se faisant une entorse de bon matin. Elle était alors montée dans la charrette des Grumeaux mais je la soupçonnait d’avoir provoqué la chose juste pour ne pas marcher.

Il y avait aussi les petits qui s’amusaient à jeter des cailloux sur les monstres du voisinage. Ca allait bien lorsque nous étions sur la route et que nous avancions, mais il est arrivé, à plusieurs reprises, que ce soit une fois arrêté au bivouac qu’ils se mettent à faire leurs bêtises.
Alors, lorsqu’ils visaient un petit gnoll ça passait, mais un lorsqu’il s’agissait d’un élémentaire, d’un troll ou d’une belle araignée, c’était une autre histoire.

Aussi, au bout du quatrième jour, nous avions décidé de nous installer qu’à des endroits exempts de monstres ou sur un terrain préalablement nettoyé.

Bref, tout cela pour dire qu’une fois ma petite tournée d’inspection terminée, nous mangions autour des feux de camp. Il y avait toujours une bonne âme qui préparait pour tout le monde.
Et d’ailleurs, tout le monde mettait la main à la patte, que ce soit pour faire la cuisine, la vaisselle, aller chercher du bois ou encore nettoyer le campement.

Et tout ce remue-ménage reprenait chaque jour.
Nous savions que nous en aurions pour environ quatre bonnes semaines pour descendre. Non que le chemin fut si long. Mais nous avions quand même quelques personnes âgées et jeunes enfants avec nous. En plus des bagages à transporter, souvent à pieds, cela prenait du temps.
Et je reste encore intimement persuadé aujourd’hui que tout le monde aimait cette petite vie paisible d’alors.

Après dix bons jours de marche, nous arrivâmes en vue des contreforts nains…

Il nous fallut encore une bonne journée avant de rencontrer les premiers nains qui allaient faire route avec nous. Les enfants, surtout ceux de Lierre je dois bien le dire, adoraient les nains. Ils riaient aux éclats à la moindre de leur parole, tout comme leurs histoires au coin du feu, légèrement graveleuses la plupart du temps, les faisaient mourir de rire.

Mais ce qui les amusait encore plus c’était, sans conteste, leur démarche claudicante.
Ils hurlaient de rire en les voyant se dandiner pour avancer. Cela amusait les adultes au passage, mais les nains ont vite commencé à tirer à gueule.
Et il a fallu tout la diplomatie de notre communauté pour ne pas qu’ils fassent route à part. Toujours est-il qu’ils ont toujours marché derrière nous. Soit disant pour ne pas être la risée des jeunes. Je dirais plutôt parce qu’ils sont lents…


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 Sujet du message: Re: Le gnome
MessagePublié: Ven 16 Nov, 2018 22:45 
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Ton histoire se termine comme ça ? Il n'y a pas de suite ? :sm1:


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