J'ai encore eu cet après midi une preuve flagrante que notre société, qui crie pourtant à l'égalité des sexes, a encore de très gros progrès à faire. Jusque là, rien de nouveau, on le sait tous (et surtout, toutes). Mais aujourd'hui, le gars a fait très fort.
Mes parents font installer une nouvelle cuisine équipée et ont décidé d'en profiter pour refaire entièrement la pièce : électricité, plomberie, carrelage. Poune (c'est mon papa) se charge de l'électricité et de la plomberie, et je me suis proposée pour poser le carrelage, parce qu'il ne sait pas faire.
Ce matin, préparation du chantier : dépose de la plomberie, du lino et des faïences, et réagréage du sol.
Cet après midi, direction la grande surface de bricolage (je ne dirai pas le nom, mais un triangle vert, ça vous évoque peut être quelque chose ?) pour acheter la nouvelle robinetterie, le carrelage et les consommables.
Rayon plomberie, pas de problème. Poune s'occupe de tout, je pousse le chariot, tout va pour le mieux.
Rayon carrelage, ça va aussi, les dalles étaient commandées, on les charge dans le chariot, direction les consommables. Et là, je suis tombée sur un petit con du genre "j'ai tout vu, j'ai tout fait et de toute façon, je sais tout". Ma race préférée...
Je lui ai demandé de la colle d'une marque précise en seau de 25 kg, que je ne voyais pas en rayon. Il m'a ostensiblement tourné le dos pour s'adresser à Poune, comme si je n'existais pas. Il lui a expliqué qu'il n'avait cette marque que par 10 ou 5 kg, je lui ai répondu qu'il pouvait me donner deux seaux de 10 kg et un de 5 kg, que ça ne me posait pas de problème. Il a absolument insisté auprès de Poune pour lui vendre trois seaux de 10 kg... alors que je m'escrimais à lui dire que 25 kg suffiraient, qu'il ne m'en faudrait même probablement que 22 à 23 et que je ne voulais pas en acheter plus que nécessaire.
Mon père, bien sûr, très gêné, parce qu'il ne connaît rien au carrelage, et n'avait donc pas d'avis sur la question... il a quand même réussi à ne prendre que 25 kg de colle.
La colle à carrelage s'applique avec une sorte de raclette dentée qui s'appelle un peigne, et on utilise pas le même selon l'épaisseur de colle souhaitée, qui dépend de la taille du carreau et de son épaisseur. Je n'avais pas le bon, il m'en fallait un. Le lascar a trouvé que celui que j'avais choisi ne convenait pas, il a insisté pour que Poune en prenne un autre, mêmes caractéristiques, mais beaucoup plus cher. Or, c'est le genre de truc qu'on jette en fin de chantier, je ne vois pas la nécessité d'en acheter un très cher pour l'usage que j'en fais... J'insiste donc pour garder celui que j'ai choisi, et je vois bien que ça agace le vendeur.
Quand j'ai voulu du ciment-joint beige, assorti au carrelage, il m'a de nouveau tourné le dos pour s'adresser à Poune. Jusque là, j'avais réussi à garder mon calme...
Je l'ai attrapé par le coude et l'ai obligé à se tourner vers moi. Et là il me sort : "un instant, mademoiselle, je suis avec un client"
Alors je lui ai déballé ce que j'avais sur le coeur, à savoir que la cliente, c'était moi, que je savais précisément ce que je voulais acheter, et qu'il ne me refourguerait pas n'importe quoi sous je ne sais quel prétexte fallacieux. Il a ouvert de grands yeux et m'a dit "c'est peut être pour vous, mais je ne pense pas que c'est vous qui allez vous en servir ?"
Poune s'est éloigné en rigolant à moitié (il me connaît bien), il a reposé la colle et le peigne en rayon pendant que j'expliquais ma façon de penser au vendeur (pour tous ceux qui ont déjà goûté à mes savons i-g, rassurez-vous, je suis encore pire irl). On a gardé le carrelage parce que c'était une commande spéciale et on est allés acheter les consommables ailleurs.
C'est quand même incroyable que sous prétexte qu'on est une femme, on ne puisse pas acheter du matériel de maçonnerie sans se faire prendre pour la noob de service. Je sais bien que je suis blonde, mais je suis quand même capable de choisir de la colle à carrelage et de m'en servir.
Et je remarque que ce genre d'attitude est très répandue, et aurait même tendance à se généraliser.
J'ai renoncé depuis longtemps à regarder de près les voitures ou les motos sur les stands de foire quand je suis accompagnée d'un homme, j'ai l'impression de ne pas exister. Pareil quand j'ai besoin de pièces de rechanges, on m'a déjà sorti "vous préférez pas demander à votre mari" alors que j'avais bêtement besoin d'un carburateur, avec la carte grise en main, on ne peut pas se tromper de référence.
Et au niveau sportif aussi, je pratique un sport un peu particulier qui s'appelle "ring", et dans un des exercices, l'assistant m'aborde et me dit régulièrement "bonjour monsieur", qui est la phrase-type. Je crois que depuis que je pratique, on a pas dû me dire "bonjour mademoiselle" plus de 3 fois. Je sais bien que c'est plutôt un sport d'homme, mais quand même !
Alors c'est bien beau, de parler de respect, d'égalité des sexes et autres joyeusetés de ce genre, mais tant que des petits cons dans ce genre continueront à se croire supérieurs parce qu'ils en ont deux et pas nous, eh bien la société n'est pas près d'avancer !
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