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 Sujet du message: Histoire du Prince Noir
MessagePublié: Mar 22 Fév, 2005 14:51 
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Bienvenue, lecteur. Tu tiens entre tes mains le grimoire de ma vie. Ou plutôt de mes vies et de mes morts. Ici j’ai transcrit tout ce que j’ai vécu, dans ma traversée du monde qui dure a présent depuis 1 000 ans. Ceci est mon histoire..


Chapitre I : Première naissance

Commençons par l’histoire de mon père... Je me dois d’en faire un résumé, pour que le lecteur comprenne le contexte historique et politique de cette époque. Il était l’un des nombreux seigneurs humains qui se partageait les plaines de Lorndor. Le monde vivait une de ses époques les plus sombres, une période sanglante de guerre incessantes. Rien n’a changé, me direz vous… Mais il ne s’agissait pas du même genre de guerre. A l’époque, il s’agissait de guerres de masses. Des armées rassemblant des peuples entiers se fracassaient dans le gémissement du métal. . Mon père n’était pas le moins sanguinaire des seigneurs. Comme les autres, il envoyait ses sujets à la mort par milliers. Ayant réussi à s'imposer comme le plus puissant des chefs de guerres, il possédait le titre de Roi des Hommes. Titre honorifique seulement, car il n'avait autorité sur aucun autre seigneur, et très peu étaient ses vassaux.

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Sa femme, la Reine, était admirée, respectée et aimée du peuple, contrairement à son mari. C'était une femme extrêmement belle, et sa générosité était légendaire. De toutes les contrées venaient des paysans pour admirer cette femme, et espérer sa bénédiction que l'on disait miraculeuse. Elle tomba enceinte de son premier fils alors que le royaume était au sommet de sa puissance. La dynastie était forte et respectée, ce qui laissait espérer une descendance qui reprendrait le flambeau familial. La grossesse dura 13 longs mois, mettant le couple royal à la torture. Finalement, ce qui s’annonçait comme une délivrance s’avéra une tragédie. La Reine mourut en couches, et mon père, me considérant comme celui qui l’avait tué, me haï. Il ne me renia cependant pas, voulant s'assurer une descendance et ne voulant pas se remarier. Ce jour fut marqué par un deuil du peuple entier, et ma naissance se fit dans des draps de soie noirs.

Je grandis donc dans la haine d’un père. Le Roi étant trop occupé par les affaires de la guerre, qui battait son plein, on m'assigna un tuteur nommé Cryptus. Il était chargé de mon éducation, tant dans l'art du langage, que celui des chiffres et celui de la guerre. Etant un maître respecté à la cour, il fit son travail avec efficacité. C'était un grand homme, un ancien héros de guerre, un général à la retraite qui était un ancien frère d'arme du Roi. Il avait participé à de grandes batailles, avait contribué à édifier le royaume par sa vaillance et son jugement éclairé. Il était bon,et les années passées en sa compagnie firent qu'il me considéra bientôt comme son fils. Des rumeurs couraient d'ailleurs sur le fait qu'il aurait été l'amant de la Reine. Mais, au fil des années, j'y croyais de moins en moins, reconnaissant l'extrême fidélité du soldat à son Roi. Jamais il n'aurait osé le trahir, et encore plus de cette manière. Mais même en sachant cela, je ne considérais jamais le Roi comme un père. Je ne le haissait pas, car j'avais enfin trouvé en Cryptus quelqu'un à aimer. Personne d'autre n'osait m'approcher, mon apparence rappelant chez ces êtres supersticieux celle d'un démon.

Mes cheveux ont toujours été blancs. Pas un blanc argenté, grisonnant comme celui des anciens, mais blancs comme ceux d'un albinos, qui étaient considérés comme possédés. Ma peau avait aussi ces caractéristiques, douces mais très pâle. Mon visage fin était éclairé par deux yeux d'un bleu glacial, agressif, qui donnaient l'impression de transpercer tout ce sur quoi il se posaient. Je ne connus jamais d'autre compagnie que celle de Cryptus, qui réussi à me faire devenir moi même un maître des arts guerriers. Je savais manier l'épée la perfection, et mon sens de la stratégie était devenu imparable. Chaque jour je m'entraînais avec lui, préparant inconsciemment quelque chose qui survint le jour de mes 20 ans. Ma formation étant accomplie, Cryptus quitta son rôle de tuteur et resta auprès de moi en tant que seul ami. Le Roi vieillissait, mais il était encore fort et la rancune était toujours vivace dans son coeur. Détestant par dessus tout me voir heureux, ce qui lui rappelait son propre bonheur perdu, il voulu m'empêcher de voir Cryptus. Son rôle étant accompli, il le banni de la cour, à l'indignation générale. Mais le Roi n'avait que faire des protestations. C'était un guerrier, et ne jurait que par les actes. Mes rencontres avec Cryptus se firent clandestines, à la lueur de la lune. Apprenant ceci, le Roi devint ivre de rage, et fit sur le champ capturer mon ancien maître, pour le tuer lui-même d'un coup d'épée en plein coeur.

Alors la rancoeur devint réciproque. Mon coeur rongé par la haine hurlait vengeance. Je provoquais le Roi en duel, et mettant à profit tout l'enseignement de Cryptus, je le vainquis, le tuant d'une botte secrète avec un plaisir non dissimulé. Destiné à prendre sa succession, je montais sur le trône. Mais ayant commis ce crime grave qu'était le parricide, je ne pouvait accéder au rang de Roi. Aussi gardais-je le titre de Prince. Le couronnement, tout comme ma naissance, se fit dans le deuil. Le royaume, encore une fois, était drapé de noir. Ce fut ce moment là que choisirent mes pouvoirs pour se réveiller. La magie étant considérée comme un art interdit, reléguant à cette époque les magiciens au statut de bannis, Cryptus n'avait pas cherché à savoir si j'y étais prédisposé. Curieusement, je l'étais. Je disposais même d'une puissance déconcertante, car sans éducation magique, j'accomplissais sans fatiguer des sorts d'un niveau digne des plus grands mages.

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Chapitre II : L’Empire des Hommes.

Je ne pris pas longtemps à m'assurer un contrôle total du territoire. Bien que "seulement" Prince, tous les sujets de mon feu père m'acceptèrent comme souverain sans difficulté. Le respect des traditions et de la dynastie royale prenait une grande place dans la mentalité des peuples humains. Cependant, ce ne fut pas le cas des seigneurs de guerre, qui me prirent pour un faible, et voulurent m'ôter mes pouvoirs par un complot. Un attentat eu lieu, tuant tous ceux qui m'entouraient, mais me laissant indemne, protégé par un bouclier de mana inviolable. Je l'avais formé intuitivement, ne le créant malheureusement pas assez grand pour protéger mes serviteurs. Les comploteurs prirent le fuite, et décidèrent de changer de méthode. Ils attaquèrent au grand jour, joignant plusieurs armées pour prendre possession de mes terres.

A leur grande surprise, ils entrèrent dans le royaume sans résistance, si ce n'était une véritable guérilla dont j'avais mis le réseau en place. Essentiellement basée sur des attaques éclairs, une organisation sans faille et des cachettes introuvables, la guérilla semait la terreur dans les rangs ennemis. Les soldats pensaient se battre contre des armées, ils se retrouvaient harcelés par des fantômes. Leurs troupes à l'origine beaucoup plus puissantes que les miennes arrivèrent à la capitale totalement harassées, hagardes, terrifiées. Elles n'avançaient plus que sous les coups des officiers.

C'est ce moment que je choisi pour déployer l'armée régulière. Je fis sortir mes troupes, qui étaient restées en cantonnement dans la capitale, s'entraînant d'arrache-pied. Voir ces troupes fraîches se positionner acheva le moral des ennemis, qui se firent littéralement massacrer. Ce n'était pas un génocide, une glorieuse bataille, dans l'art de la guerre. J'étais à la tête de mes hommes, leur insufflant courage et confiance en la victoire. Les enseignements de Cryptus portaient leurs fruits. Les chiens de guerres, soumis, me prêtèrent allégeance, devenant mes vassaux et plaçant sous mes ordres le reste de leurs forces militaires. Je profitais de cette situation pour soumettre mes voisins, l'un après l'autre. Je faisais échouer leurs tentatives de coalition en exacerbant leur fierté de seigneurs. Bientôt, tous les territoires humains furent à ma botte, et je les unifiais, créant le premier Empire des Hommes.

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Cela ne se fit évidamment pas sans protestations, et je dus lutter contre une résistance parfois sauvage. Quelques paysans menés par d'anciens soldats, imittant mes techniques de guerrila contre mes troupes régulièrent. Mais ils oubliaient que j'étais un maître en cette matière. En quelques mois, ma résistance fut matée dans tout l'empire, et je pus me concentrer sur la reconstruction des cités détruites et de la mise en place d'un commerce plus libre, qui se révéla florissant. Cela accelera la reconstruction et fit accepter au peuple le contrôle de l'Empire. Comme j'avais sécurisé l'intérieur, je renforcais les frontières, installant de puissantes fortifications, gardant mes terres d'invasions extérieures. L'omniprésence dans les grandes agglomérations d'un certain nombre de soldats étouffai tout volonté d'insurrection. Ce n'était pas du tyrannisme, mais l'art de gouverner. L'Empire connaissait sa première période de prospérité.


Chapitre III : La Horde et l’Alliance

Des pionniers voulurent explorer les terres de l'Ouest, à la recherche de richesses inexploitées. Il découvrirent de gros gisement d'or, et bientôt on vit un nombre impressionant de villages pousser à l'extérieur des frontières fortifiées. Ce qui devait arriver arriva. Allant toujours plus loin, les pionniers avides d'or finirent par tomber sur les tribus orcs qui peuplaient ces montagnes. Ceux-ci massacrèrent les aventuriers, puis, s'appercevant qu'ils n'étaient qu'une avant-garde, pillèrent et brûlèrent nombre de villages. Les hommes se défendaient comme ils pouvaient, cependant, sans l'aide de soldats entraînés, ils n pouvaient résister bie longtemps. Les soldats en questions me furent réclamés par les chefs de villages, arguant qu'après eux, ce seraient mes frontières que les grunts attaqueraient.Cèdant à leurs demandes de plus en plus pressantes, je rassemblait un corps expéditionnaire et me rendit sur place pour matter la tribu orc. Cela se fit sans difficulté, et je rentrais bientôt sur mes terres.

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Cependant, je n'avais pas soupçonné à quel point les tribus, d'ordinnaire divisées, pouvaient se rassembler sous la bannière de la haine. Trolls, Taurens et Orcs se fondirent en une seule et même armée, qui marcha bientôt vers ma frontière, brûlant tous les villages rencontrés, ainsi que les pionniers. J'eu vent de l'attaque suffisamment tôt pour pouvoir rassembler à mon tour une petite armée, composée en majorité des vétérans des guerres Impériales. La rencontre eu lieu dans une bourgade fortifiée du nom de Charme. La ville assiégée par la Horde ne pouvai tenir longtemps. Aussi utilisais-je tout mes pouvoirs pour ralentir leur avancée, me donnant le temps de rassembler le maximum d'hommes. Je réutilisais ma technique de guerrila en attaquant à revers les assiegants, pendant qu'ils se reposaient entre les assauts. Démoralisées, exténuées, leurs troupes se retirèrent, et me laissèrent la ville dans un piteux état, aux trois quarts rasée par leurs armes de sièges.

M'attendant à les revoir bientôt, je renforcais mon armée du mieux que je pus. Mais je me rendis très vite compte que face à trois peuples réunis, je ne pouvais lutter à armes égales, quelque soit la magie que j'utiliserais. Surmontant ma répugnance à demander de l'aide, je rencontrais les seigneurs Nains, Elfes et Gnomes, afin de leur demander des renforts. Leur première réaction fut de m'abandonner à mon triste sort. Cependant, la menace de la Horde sur leurs propres terres et la promesse de trésors de guerre les fit changer d'avis, avec la lenteur coutumière aux discutions diplomatiques. Nous conclûmes un pacte éternel : nous fondîmes l'Alliance.

Prenant les commandes des quatres armées, je me mis en marche vers le sud ouest, où mes espions me rapportaient que la Horde se rassemblait. En effet, lorsque j'arrivais sur place, mes armées firent face à la Horde entière. Les fiers guerriers de tous les peuples de ce monde s'étaient réunis dans cette vallée pour la gloire, la richesse, et la mort. La mélée fut terrifiante. Le bruit des armes couvraient les hurlement des blessés, piétinés indistinctement par des milliers de soldats en furie. Après plusieurs heures de combat titanesque, la Horde s'avoua vaincue. Aucun n'avait survécu : tous s'étaient battus jusqu'a la mort, pour l'honneur. Quel gâchis... Les eaux du fleuves, rouges, charriaient des centaines de cadavres. Les corbeaux volaient par milliers pour se repaître de la folie des peuples. Les trésors de guerres promis furent trouvés et partagés, et chacun pu rentrer chez soi sous les hourras, esperant ne jamais revoir l'ombre de la vallée de la mort, qui porteraient les stigmates de cette batailles des siècles durant.

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S’ensuivit une période de paix et de prospérité comme on n'en avait jamais connue, pendant laquelle le pays fut reconstruit. Les richesses pillées dans les royaumes Hordiques nourrissaient l’Empire.
Les colons purent reprendre "leurs" terres et piller les richesses des terres inexplorées à qui mieux mieux. Les peuples de l'Aillance eurent ausis leur part du gâteau, évidamment, mais devant le croissance incroyable de l'Empire, cela ne leur suffit pas. Ils voulurent piller à leur tour mes terres, et ourdirent un complot. L'Alliance que j'avais moi même fondée pour me défendre se retournait contre son créateur...

La première phase de leur plan de conquête était d'abord de me capturer, m'attirant dans un palais elfe pour signer un "pacte" diplomatique. Mais avant même que leurs gardes ne posent la main sur moi, je fis naître un geyser de flammes autour de moi, qui détruisit la demeure des félons en quelques secondes. Furieux, j'en profitais pour détruire la capitale entière sous les flammes de la colère, me dressant tel un démon au milieu du brasier qui ravageait la forêt, riant devant la terreur des foules qui fuyaient pour trouver un refuge loin de moi. Les armées elfes, voyant à quel point ma présence pouvait être néfaste pour leur forêt sacrées, me laissèrent rejoindre mon royaume et firent serment de ne pas m'attaquer. De toute façon, il leur fallait se trouver un nouveau souverain après que leur famille royale soit réduite en cendres. On me sous-estimais visiblement, chez mes anciens alliés. Ma demande d'aide contre la Horde leur avait laissé l'image d'un souverain faible. Quelle erreur n'avaient-ils pas fait...

Les Gnomes, leur armées cachée dans une vallée non loin de ma frontière Nord-Est, attendaient le signal des elfes pour se mettre en marche. Signal qu'évidamment ils ne reçurent pas. Ce fut un jeu d'enfant de faire fondre un glacier en amont, qui emporta toutes leurs troupes vers la mer, noyées dans un flot rugissant. Mais les nains posèrent problème. Ils envoyèrent une force expéditionnaire qui fuit devant mes forces, et que je poursuivi dans les montagnes. Ce fut ma plus grande erreur. Perdus dans la neige et le froid, mes hommes mouraient d'épuisement. Les nains ajoutaient du leur en se livrant à une guerilla acharnée, sortant de nulle aprt et disparaissant au plus profond de leurs mines où eux seuls pouvaient survivre.

C’est ainsi que, dans une embuscade au cœur des montagnes, non loin de la rivière de Bher-Ezina, l’Empire fut vaincu. Cette bataille contre l’armée affaiblie des hommes était gagnée d’avance. Mes troupes, qui ne tenaient plus debout que par la foi et l'instinct de survie, luttaient a quinze contre un. Utilisant ma magie comme jamais, je fis d'énormes trouées dans les rangs ennemis. Nombre de guerriers tombèrent sous ma lame et mon pouvoir. Mais fatalement, je m’affaibli, et finit par tomber au champ d’honneur, criblé de lames et de flêches, ne pouvant croire que tout ce que j'avais réussi à batir prennent fin ainsi.

La Horde, puis l’Alliance... Les nations avait été détruite. Les peuples massacrés. Le Monde avait été dévasté. Et c'est dans la neige et le sang, au coeur des montagnes naines, que l’Empire mourut.


Chapitre IV : Nature Mortelle

Impuissant, je regardais mon sang couler dans la neige, se mélangeant à celui de centaines de mes hommes. Des cadavres carbonisés de nains jonchaient la vallée, témoin de mon pouvoir déchaîné. Lentement, mon âme se détacha de mon corps. Mes sensations s'affaiblissaient, au fur et à mesure que mon coeur ralentissait... Je finis par me détacher entièrement. J'étais devenu une âme désincarnée, libre. Sauf que... je sentais un tiraillement. On tentait de m'attirer vers le haut. Vers les limbes, le paradis? Non, je ne voulais pas. J'avais encore certaines choses à faire, et à voir. Le tiraillement cessa, mais je sentais que ce n'était qu'un répit. Je pris le temps de m'élever au dessus du champ de bataille, observant les nains transporter leurs blessés, achever les autres. Je me familiarisais avec ce corps immatériel, que je pouvais mouvoir à mon gré. Ivre de liberté, je filais au dessus des montagnes, voulant voir comment se portait l'Empire à la nouvelle de ma mort.

J'arrivais à la capitale en très peu de temps. La ville était drappée de noir, selon la coutûme. Mais la nuit vint, et ce fut la fête qui prit le dessus. On fêtait ma mort. La fin des années de guerres, et de carnages. Les fous.. Je leur avait apporté la sécurité, la prospérité, et voici comment on me remerciait... Le lendemain fut marqué par l'arrivée des Ducs, Barons et autres becs enfarinés. Il se présentaient pour prendre ma succession. Je sondais leurs âmes, tour à tour, vérifiant si par chance, l'un était digne d'être Empereur. Aucun ne l'était, et je n'en était pas surpris. Descendants des Chiens de guerre, ils n'étaient guère que des chiots nourris aux mamelles de l'Empire. Aucun évidamment n'avait pris part aux batailles, ni même proposé sa place en tant que commandant, alors qu'il était d'usage de former tout les nobliaux aux arts de la guerre, comme je l'avais moi même été. Ils se dirigaient en procession vers la salle du trône, le plus riche des seigneurs en tête. Ils allaient prendre place sur mon trône, symbole de ma puissance, et de mes victoires passées.

Il ne pouvait en être ainsi. Utilisant toutes les forces de mon âme désincarnée, je lancais un sortilège éternel sur le trône d'ébène et d'argent. Quiconque le toucherait mourrait aussitôt dans les affres de la douleur, transpercé des milles lames qui m'avaient tué dans les montagnes naines. Seul moi pourrait de nouveau prendre possession du trône Impérial. Quelques seigneurs se risquèrent à prendre place, mais ils abandonnèrent vite, voyant leurs prédécesseurs se faire littéralement déchiqueter par une force invisible. La tradition voulait que le souverain devait s'assoir sur le trône... Donc les seigneurs rentrèrent chez eux, dépités. En quelques jours, ils se déclarèrent la guerre, désirant retrouver la prospérité connue pendant les beaux jours de l'Empire.

Mais malheuresement, tout en observant, je m'étais vidé de mon énergie mentale, et je sentis bientôt revenir le tiraillement. cette fois, je me lassais faire, laissant mon oeuvre être déchirée par les chiens de guerres, comme la carcasse d'un géant mort. Mon âme montait, montais, traversant les nuages. Je me sentit passer dans un autre plan d'existence, et à travers mes yeux immatériels je pus voir une porte auréolée de lumière. Le Valhalla, le paradis des braves... Entre les portes béantes, Cryptus, jeune, qui me fait des signes de bienvenue, sourire aux lèvres. Je pleure des larmes de bonheur. Enfin, je le retrouve. Enfin, je vais connaître la paix.

Mais le destin n'en voulait pas ainsi. Alors que je m'approchais des portes, l'expression de mon maître changea du tout au tout. Elle se fit d'abord dure, puis extrèmmement triste. Ses bras retobèrent le long de ses flancs, après un signe d'adieu. C'est alors que la douleur me prit. Une intense douleur, parcourant tout mon corps comme une flamme, et je me sens chûter. A travers mes larmes de sang, je voyais la terrecse rapprocher. Un sol rouge de sang, carbonisé par les feux de l'enfer. Une ouverture béante dans laquelle je tombe, droit vers le plus profond de ce monde cauchemardesque. Ma chûte ralenti, et je me posais bientôt sur le sol dallé de noir d'une crypte majestueuse, bien que sombre et souterraine. Au centre de la salle obscure, une seule présence. Une forme irradiant la puissance, assise sur un trône noir, marqué par le symbole de la mort.

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Je frissones. Je sais devant qui je me trouve, et je ne sais quelle attitude adopter face à Thanatos lui-même. Lui se contente de m'observer à travers les ténèbres de sa capuche. Je ne sais combien de temps je reste prostré ainsi, m'offrant a son regard. Je sens qu'il sonde mon âme. Je sens en lui de la fierté. Pourquoi ? J'essaye de parler. Mais je suis en son pouvoir, et c'est lui qui me parle, sa voix profonde sortant de l'ombre de sa cape. Il me dit que j'ai fait du bon travail. Mai que malgré tout, je suis loin d'en avoir terminé. Ma tache n'étant pas achevée, il va me renvoyer là d'où je viens... M'accordant le don d'immortalité, et me confiant une mission.

J'essaye de parler. Je veux comprendre. Pourquoi moi ? Qui suis-je ? J'hurle mais aucun son ne sort de ma bouche. D'un geste qui découvre sa main de squelette, il me renvoie vers une porte, une porte marquée d'une tête de mort. Celle-ci s'ouvre à mon approche, m'avalant sous les rires de Thanatos.

Je sombre. Mes sensations reviennent, se calquent à mon corps enfoui sous la neige. Je m'extirpe de la gange blanche, et ouvre les yeux. Je pose un nouveaux regard sur le monde. Un regard de la couleur du sang.


Chapitre V : La Quête de l’Aïeul

Alors je parti vers le nord, poussé par une inbtuition qui devait être insipré par la Mort. Essayant de trouver des traces de ce qui avait été un Prince, puis un Roi. Le seul indice que j’obtins fut une légende, remontant au temps anciens. J’appris qu’une grande guerre avait eu lieu, et que mon ancêtre, luttant contre les Undead (qui avait disparu depuis puis étaient reparu a cause de moi, et de ce que j'avais infligé au monde), avait été corrompu par sa lame Frostmourne. Cela m’intrigua, et je cherchais à en savoir plus sur l’épée. Mais je ne trouvais rien. Cette histoire s’était perdue dans les limbes du temps. Alors je repris mon errance, parcourant le monde à la recherche d’un signe.

Je finis par entendre parler, dans l’extrême nord, pays des neiges éternelles, d’une puissante sorcière qui détenait une magie incroyablement puissante. L’espoir avait quitté mon corps d’Undead, mais je parti tout de même vers cette magicienne. La population était terrorisée, elle vivait dans une peur constante… Et je compris bientôt pourquoi. La magicienne avait sous ses ordres un terrible Undead. J’appris qu’il s’agissait d’un guerrier qui errait dans les montagnes. La magicienne le tenait sous son pouvoir par un puissant sortilège grâce a un objet terrifiant, venu lui aussi du fond des ages. C’était une dague, qui avait été plantée dans le cœur de l’Undead et qui était détenue en lieu sûr par la sorcière. Je finis par le rencontrer, et il me dit qu’il était le Gardien du corps d’Arthas, et que c’était la magicienne qui possédait ce que je cherchais. Celle-ci, comprenant le but de ma présence, ordonna au gardien de me tuer.

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Mais malgré son ancienneté, il ne put rien faire contre le pouvoir que la Nature et la Mort m’avaient conféré. Ainsi je le vainquis, en lui promettant de garder, à mon tour, l’équipement de mon ancêtre. Il pouvait partir, son devoir était accompli, il laissait ces puissants artefacts dans les mains d’un propriétaire légitime.

Après sa défaite, je me mis en quête du château de la sorcière. Je le trouvais non loin du sommet de la montagne, dans ce qui est certainement l’un des endroits les plus froids de Lorndor. C’était un château tout a fait sinistre, de toute évidence créé par magie. J’entrais sans rencontrer de résistance. Il régnait une atmosphère malsaine en ces lieux, une odeur de sang suintait des murs… Je trouvais finalement la magicienne, au sommet du donjon. Elle m’attendait et avait préparé ses sorts les plus puissants.

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Le combat fut bref mais sanglant. Le déferlement de magie détruisit la moitié du château. J’étais gravement blessé, mes mon ennemie était morte, déchiquetée par ma magie de la Mort. Le silence environnant, le calme après ce combat impitoyable me permit de ressentir une sourde pulsation au fond de mon être. Ce n’était pas mon cœur, car en tant qu’Undead il ne battait plus. C’était Frostmourne qui m’appelait. Je creusais les décombres pour trouver une porte vers un souterrain. Il régnait à l’intérieur un silence et un froid de tombeau. C’en était un. Au fond je trouvais la tombe d’Arthas, et je fis basculer la lourde dalle qui cachait le cadavre. Le corps n’y était pas, mais Frostmourne et l’armure y était. Je pris l’épée pour l’examiner, et un je vis qu’elle était magnifique, extrêmement puissante… mais maléfique. Je la posais de côté pour admirer les pièces de l’armure qui reposait au fond du caveau. C’était une armure faite d’un métal sombre, mais luisant de pouvoir. Le casque surtout attira mon regard, un heaume noir dont le haut formait une couronne. Une incroyable gemme bleue ornait son front. Je mis l’armure, rangeais la lame dans son fourreau que je mis a la ceinture. Je sentis l’âme d’Arthas sonder la mienne puis partir comme l’avait fait celle du Gardien. Je me sentais invincible.

Chapitre VI : Douleur et Folie

Cependant, l’âme de la sorcière, bien que désincarnée, était avide de vengeance. Elle avait conservé son emprise sur ses familiers. C’est ainsi que je vis un homme lézard se jeter sur moi alors que j’étais encore trop faible pour le détecter. Il attaqua avec une telle vitesse qu’il eu le temps de me planter une dague dans le cœur, en se faufilant entre les plaques de l’armure. La lame se planta dans ma poitrine avec un bruit sec, et un froid intense m’envahi, alors que je sentais une ombre noire s’introduire en moi. Le temps de me ressaisir, de comprendre, et la tête de la créature volait dans les airs. J’arrachais la dague de mon corps et, de rage, la lançais au loin. J’étais épuisé, totalement affaibli. Mais j’étais un Undead, et je me remit en marche malgré ma faiblesse. J’avais rempli mon devoir.

Qu’est ce que la Mort voudrait de moi à présent ? Cette seule question m’obsédait, pendant que je traversai les montagnes pour rejoindre le monde des vivants. Que faire à présent ? Mourir…. Non, j’étais déjà mort. Etait-ce la Dague qui avait cet effet destructeur sur moi ? La chose que je sentais bouger en moi… M’épuisait, me brûlait de l’intérieur. Ma condition d’Undead aurait dû me rendre insensible à la douleur, infatigable… Mais je savais maintenant qu’il ne s’agissait pas d’une blessure ordinaire. Ni d’une arme ordinaire. Je comprenais qu’il s’agissait de la dague avec laquelle la sorcière tenait le gardien en son pouvoir. Je pouvais a peine marcher. Je trébuchais à chaque pas, me frayant un chemin dans la neige.

Ce qui devait arriver arriva. Je trébuchais une fois de trop, et m’effondrais dans la neige. Insensible au froid extérieur mais horrifié par celui qui m’envahissait, je ne savais que faire. J’étais trop faible pour me relever. Allais-je tomber ici, après tout ce que j’avais traversé ? Je fus bientôt recouvert d’un manteau blanc… Celui, soyeux, de la neige qui continuait à tomber dans mon agonie désespérée. Je n’avais même plus la force d’appeler la Mort. Alors, détachée de mon corps recouvert de neige et de douleur, mon âme sombra dans un puit sans fond…

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Chapitre VII : Seconde Mort

Les années passèrent. Les siècles défilèrent. Je m’étais réveillé. La Mort m’avait retrouvé et m’avait redonné des forces. Peut-être est-ce cela, être Undead. Devenir plus fort à chaque mort. J’étais éveillé, mais toujours coincé sous la neige. J’avais perdu toute notion du temps. Curieusement, aucun magicien n’était venu me chercher, en quête du pouvoir émanant de mon armure et surtout de Frostmourne.

Ce fut au cours d’un été particulièrement chaud que la neige avait fondu jusqu'à révéler une partie de mon corps. Une compagnie de nains, passant dans la montagne, me sortit de mon carcan de neige. Ils croyaient secourir un humain, ou le détrousser. Les fous… Lorsqu’ils s’aperçurent que je n’étais qu’un Undead, ils voulurent m’achever. Ils voulaient récupérer mon équipement. Pas étonnant…

Lorsque mon corps se remit à fonctionner, je compris que j’avais vraiment passé trop de temps sous cette neige. Tous mes membres craquaient… Et des éclairs de pouvoirs jaillissaient de dessous ma cuirasse. Les nains, fidèles à leur habitude, ne prirent pas peur et m’attaquèrent. A vingt contre un… Ils n’avaient aucune chance. Je sorti Frostmourne, que je sentais avide de sang. Elle aussi avait dormi trop longtemps… Deux nains coururent vers moi, la hache levée dans l’intention évidente de m’éventrer. J’esquivais une hache et bloquais l’autre. Un bras vola, puis une tête. Les deux attaquants s’écroulèrent. Les autres nains m’encerclaient. Je pouvais lire la rage dans leur regard. Ils se jetèrent tous sur moi, comme mus par une volonté unique. Esquive, tranche, esquive, tranche, esquive, tranche, tranche, tranche… Je m’amusais comme un fou. Je faisais jouer mes membres, je me dérouillais après tant d’années. Les membres volaient. J’étais une tornade d’acier. Tout ceux qui m’approchaient finissaient au sol, se vidant de leur sang.

En quelques minutes, c’était réglé. Tous les nains étaient morts ou agonisants… Et moi j’étais mort. Je titubais dans la neige, par-dessus les cadavres, cherchant un but à tout cela. Je m’éloignais, me dirigeait vers le sommet de la montagne. Je grimpais, encore et encore, mu par un sentiment indescriptible. Puis mes jambes s’arrêterent. J’étais arrivé au sommet. Le monde s’étendait à mes pieds, tel une offrande faite par Dame Nature.

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Chapitre VIII : Et la Mort fut sur le Monde

Saisi par la beauté de la vision, je tombais à genoux. Mon regard fixé sur l’horizon, mon esprit perdu dans le vague, à la recherche d’un indice. Quelque chose qui m’indiquerais ce que je devais faire… J’avais acquis tant de pouvoir, tant de force, pourquoi ? Pour rester en haut d’une montagne, à massacrer les fous qui viendraient me déranger ?
Non. La Mort devait avoir un autre plan pour moi. Si seulement je savais lequel…

Mes pensées s’évanouirent. Je sentais quelque chose… A l’intérieur de moi. Pourtant, j’étais mort, rien ne bougeait dans cette armure. Rien de naturel…
Un éclair blanc devant mes yeux. Je me repliais sur moi-même, serrant mes mains contre mon torse, éprouvant une douleur telle que je n’en avais jamais senti. Puis, aussi soudainement que c’était venu, cela reparti.

Je me relevais avec précaution, cherchant du regard ce qui pouvait avoir provoqué cette douleur atroce.
Personne dans les parages. Pas âme qui vivent à des kilomètres à la ronde, si ce n’était les minuscules formes de vie grouillant sous la neige, dans l’attente de jours meilleurs. Qu’est ce cela pouvait bien signifier ? Mon attention se détacha du monde extérieur, alors que j’essayais de sentir ce qui se mouvait en moi, et d’en chercher l’origine. Sans succès. Je devais être resté trop longtemps sous la neige…

Une présence. Quelque chose etait là, derrière moi. A la vitesse de l’éclair, je sorti mon arme et tranchait. Dans le vide. Une plume noire vint lentement se poser sur ma lame tendue. Un rire retenti dans le silence de la montagne. Un rire glacial, venant du fond des âges. Non, de plus loin encore. Je cherchais la source du rire. Mais il semblait venir de partout, et de nulle part à la fois. Enfin, mon regard trouva celui qui émettait ce son si inquiétant.

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Thanatos lui-même était venu me rendre visite. C’était le signe que j’attendais. Enfin, une mission à accomplir. Je tentais de m’approcher, mais une force invisible me retint. Nulle parole ne fut prononcée. Et la présence disparu, laissant encore une fois une plume noire. Portée par le vent, elle vint vers moi. Je la laissais voler, la suivant du regard. Elle effleura ma joue, puis me dépassa, se dirigeant vers le précipice. Je la suivi du regard autant que je pus, puis commençait à descendre le flanc de la montagne. J’avais reçu une mission. Et qu’importe le nombre d’ennemis qu’il faudrait tuer, je l’accomplirais. La Mort marchait sur le monde.


Chapitre IX : La Flamme du Chaos

J'arrivais dans la vallée, où coulait une rivière. Pensivement, je regardais s'écouler le flot qui deviendrais quelques dizaines de kilomètres en aval, un grand fleuve.
Et je voyais déjà les eaux se teinter de rouge, et les visages grimaçants emerger de l'onde.
Je fermais les yeux, me préparant à accomplir mon devoir. Depuis si longtemps j'attendais cela... J'étais né pour cet instant. Le calme avant la tempête.

Suivant la rivière, j'entendais bientôt les tambours de guerre et le fracas des armes. Je gravis la coline qui me masquait la vue, et mon regard put se poser sur un immense champ de bataille. Je détaillais les combattants. Des humains combattant des humains... Surement une guerre entre seigneurs pour la domination de cette plaine désolée.
Meritaient-ils encore le nom d'hommes? Ces bêtes sauvages, qui ne vivaient plus que pour le goût du sang. Un rire m'échappa. De qui parlais-je? D'eux, ou de moi?

Aucune importance. Je savais ce que je devais faire. Dégainant Frostmourne, je me jettais dans la mélée, tranchant, découpant, tuant, indisctinctement. Mon arme chantait de joie. Toutes ces âmes versées, qu'elle buvait avec avidité, me donnant encore plus de puissance. Le démon de la lame riait de bonheur. Je me rendis compte que moi aussi, je riais. D'un rire sauvage, maléfique. Rien ne m'atteignait. Invincible, j'étais la tempête de fer dont personne ne ressortait en vie.

Bientôt, le combat cessa. Les deux vagues étaient anéanties. Les armées de renforts, qui se tenaient prêtes à reprendre le combat, me regardaient avec appréhension. Chacun m'avait remarqué. Personne ne comprenait qui j'étais. Personne ne pouvait le concevoir.
J'étais seul, au milieu d'un champ de cadavres. Les corbeaux volaient déjà au dessus de moi. Il était temps de tester autre chose...

Je rangainais Frostmourne. Les deux armées suivaient le moindre de mes gestes, le regard empli de crainte. Je levais les mains, paumes vers le ciel, fermant les yeux. Des flammes rouges commençaient à courir le long de mes doigts. Certains soldats, flairant le danger, tentaient de reculer, de s'éloigner de moi. Mais ils étaient retenus par leurs propres confrères, immobiles, hypnotisés par le feu courant sur mes mains.

J'ouvrit les yeux. Eux aussi brillaient d'une flamme inhumaine. Riant tel un démon, je m'agenouillais et posais les mains sur le sol, insufflant la flamme de fléau dans la terre. Dans un premier temps, rien ne se passa. Puis, lentement, des cadavres se mirent à bouger. Ils se levèrent, empoignant leurs armes et tournant vers leurs anciens compagnons un regard ou ne brillait plus la flamme de la vie, mais celle de la haine.
Peu à peu, tous se levèrent, et la terreur montait, perceptible, dans les rangs humains.

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Avec un rugissement de rage pure, les mort attaquèrent les vivants. Ceux-ci se défendaient comme ils pouvaient, paralysés par la peur. Mais les morts ne pouvaient mourir une seconde fois. Aussi balayèrent-ils les rangs des vivants sans difficulté, puis se rassemblèrent autour de moi, attendant visiblement mes ordres. Mon regard parcouru leurs rangs, croisant leur regard vide. Le Fléau était de retour sur ce monde. Et j'étais son maître, le Seigneur des Damnés.


Chapitre X : Les Légions Damnées

Frostmourne me transmettait son histoire. Tout en me rendant plus puissant, son âme démoniaque me racontait les évenements des temps anciens, ces histoires qui étaient devenues avec le temps des légendes et des contes. Le Fléau avait toujours existé, et tel mon ancêtre Arthas, j'avais pris sa tête. La boucle était bouclée, un nouveau cycle commençait... Une nouvelle ère de terreur allait s'abattre sur ce monde.

Mes lèvres s'étirèrent pour former un sourire inquiétant. Je me mis en marche, vers le sud. Les morts me suivaient, d'instinct. Et de la même manière, je savais déjà ce qu'il allait se passer. Les quelques villages rencontrés sur la route ne firent qu'accroître les rangs de mon armée. Chacune de mes victimes devenait un de mes soldat sans âme. Je marchais toujours en tête, attiré par l'activité des hommes, par l'odeur du sang. Nous n'avions pas besoin de repos, aussi marchions nous nuit et jour, tuant, massacrant, brûlant tout. Et, au milieu des flammes, fier de mes carnages, je riais, goûtant avec délice le sang sur ma lame. Frostmourne chantait. L'héritage du Roi Liche était entre de bonnes mains.

Quelques rares survivants commençèrent à répandre des rumeurs. Une armée de l'ombre, invincible, cruelle, détruisant tout sur son passage, menée par un démon aux cheveux blancs. Evidamment, on les prit pour des fous. Mais lorsque les sources se multiplièrent, et qu'on retrouvait les ruines des villages calcinés, les différents seigneurs commençèrent à y croire. Mais ne voulant pas l'admettre, ils ne firent rien pour stopper mon avancée sanglante. Je laissais derrière moi un sillage de mort et de larmes.

Ce n'est que lorsque j'arrivais devant le fief de l'un de ses seigneurs, que la rumeur devint terreur. Mon armée de morts, toujours plus puissante, se rassembla sous les murs du castel. Les défenseurs se défendirent vaillament, la peur leur donnant des ailes. Mais rien n'y fit, la place forte tomba, et je la rasais pierre par pierre avant de reprendre ma route, pavée de souffrance. Devant le chûte de leur rival, les autres seigneurs de guerre prirent les armes et réunirent des armées pour tenter de se protéger. Un autre seigneur tomba, et les autres se convainquirent de surpasser leurs différents. Pour la première fois depuis la chûte de l'Empire, les hommes s'unirent. Ils joignirent leurs armées et se mirent en garnison dans la place forte vers laquelle je me dirigeais. Contrairement à mes habitudes, je ralentis le rythme de marche, laissant à mes adversaires le temps de se préparer convenablement. La défaite n'en serait que plus cuisante.

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J'arrivais enfin devant les murs de l'arrogante forteresse nommée Dross Delnoch. C'était celle du plus puissant des seigneurs, et donc la plus fortement armée. Plusieurs murs d'enceinte, ponctués de fortes tours, défendaient la cité devenue une gigantesque caserne. Les défenseurs m'attendaient de pied ferme, sûrs de leur victoire, possédant la plus grande armée qu'ils aient vu. Mais quelle que soit leur force, ils ne pouvaient rien faire contre ma magie destructrice et les morts qui me suivaient. Les murs volèrent en morceau, les tours s'effondrèrent, les hommes moururent. Mes troupes franchirent sans difficulté les fortifications réputées imprenables, massacrant toute forme de vie. Le sol prit une couleur rouge qui, plus tard, donna à ce territoire la réputation d'une terre maudite. Et la cité tomba, enterrant sous ses ruines tous les seigneurs de guerre. Les témoins de la bataille s'empressèrent de rapporter les faits. Ma légende grandissait. On me donnait des noms, tous plus effrayant les uns que les autres. Mais un revenait souvent : j'étais devenu le Nécromancien, l'incarnation du Fléau.

Les armées humaines étaient détruites, leurs forteresses en ruines. Il était temps de passer aux autres peuples...


Chapitre XI : Le Retour de l'Empereur

Mais avant de poursuivre mon oeuvre de destruction, j'avais quelque chose à régler. A certifier, aux yeux du peuple des humains. J'avais une légende à construire, en réunissant deux épopées...
Voulant me déplacer plus discrètement, je laissais mes morts camper dans une vallée désertique, où nul ne viendrait les chercher. Et si cela arrivait, il ne repartirait pas...

Je me mit en marche vers la capitale, le joyau de l'ancien Empire, la ville qui abritait le trône du seigneur maudit. D'un sort de camouflage, je me construis une apparence plus commune, semblable aux milliers de pillards qui écumaient les ruines de mon fief. Je m'arrêtais dans quelques tavernes, plus pour écouter les rumeurs que pour m'y reposer. Ma présence semblait déranger les rares qui avaient le don de magie en eux, et ils ne tardaient pas à quitter la salle, se sentant en danger. Les autres ressentaient eux aussi un vague malaise, mais avec moins d'intensité. J'appris donc que personne ne comprennait vraiment qui était le seigneur des morts, ce qu'il venait faire, et quel était la suite de ses plans. Les bruits les plus fous couraient sur son identité. On parlait de Thanatos en personne, on évoquait les légendes des temps anciens. Certains même pensaient au retour du Prince Noir, mais ils étaient peu écouté. J'étais trop récent, trop vivace dans leur mémoire. Je n'étais tombé que depuis quelques années. C'est tellement plus excitant de penser à des vieux démons, plutôt qu'a un Empereur qu'ils avaient connu, craint et respecté.

Quelque peu déçu, je repris mon chemin vers la capitale. Arrivant à ses portes, je repris mon apparence normale. Les gardes des portes, n'en croyant pas leurs yeux, n'eurent aucun mouvement lorsque je franchis le mur d'enceinte, sinon me suivre des yeux, bouche bée. Enfin des réactions intéréssantes. Je n'étais donc malgré tout pas sorti des mémoires...

D'un pas lent, mais cependant déterminé, je marchais dans les rues de la ville, vers le palais qui se trouvait en son centre. J'observais les passants, qui tous se retournaient sur mon passage, croyant voir un fantôme. Ce qui était en fait le cas. La rumeur se répandit comme un traînée de poudre. J'étais dans mes murs. Bientôt, des dizaines, puis des centaines de citadins me suivaient, d'abord craintivement. Ils voulaient savoir si j'étais vraiment celui qui avait marqué leur vie et leur pays. J'arrivais enfin devant les portes du palais, et seuls les plus hardis me suivirent jusqu'a la salle du trône. Un silence de mort régnait alors que j'approchais du trône, d'un pas lent, assuré, mesurant toute l'intensité dramatique de la situation. Les habitants du palais, les nobles qui n'aimaient pas la guerre et aaient donc évité la mort, se réunirent derrière moi alors que je faisais face au trône maudit. Le trône symbole d'un Empire qui dominait le monde... Un trône maudit, siège d'un seigneur maudit régnant sur un pays maudit.

Allez, cessons de les faire attendre. Après être resté plusieurs minutes immobiles, contemplant le massif objet, je me retournais vers les nobles, et, les regardant tour à tour, je m'assis sur le trône.
Rien ne se passa, si ce n'est qu'un léger éclair rouge parcouru le siège, manifestation de la malédiction qui était toujours active mais que seule ma présence n'activais pas. Tous me fixaient d'un air médusé, blancs comme neige, les yeux exorbités, muets. Personne ne croyait à mon retour. Personne ne voulait y croire.

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Et pourtant... J'étais bel et bien de retour sur ce trône, les observant d'un air malicieux. Certains s'empressèrent de sortir, et ils furent accueillis par la foule qui se pressait au dehors, voulant savoir eux aussi. Et ils ne furent pas déçus. Bientôt, toute la ville attendait à mes portes, attendant que j'apparaisse pour confirmer à ceux qui ne m'avaient pas vu qui j'étais réellement. Mais avant, je regardait les nobles, qui, l'un après l'autre, vinrent se prosterner devant leur seigneur maudit. On a toujours peur de l'inconnu... Et ils ne faisaient pas exception à la règle. Ils mourraient de peur, ne sachant pas de quels pouvoirs je pouvait être doté. Ils les sentaient inconsciemment, et mon apparence même, encore moins humaine que de mon vivant, provoquait la terreur dans le coeur des hommes. Lorsque chacun eu fait sa courbette rituelle, je les renvoyait d'un geste de la main. Ils ne demandèrent pas leur reste et disparurent aussi vite que des fantômes. Je lachais un soupir. Il était temps de me présenter à mon peuple.

Je me levais, puis m'approchais du balcon qui servait d'habitude aux discours royaux, et qui donnait directement sur la grande place. Aujourd'hui, elle était bondée, comme jamais je ne l'avais vu au cours de ma vie. Le silence se fit immédiatemment à mon apparition. Le soleil se couchait, baignant toute la ville d'une lumière rouge, se reflètant sur les toits de tuile, encore humides d'une averse. Le balcon dominait tout, et je pouvais embrasser toute la cité du regard. Le paysage était magnifique, rouge sang, d'une beauté sombre.

Brusquement, je levais mon épée en signe de défi. Un léger vent fit voler mes cheveux longs comme une bannière, et toute la foule hurla, à en faire trembler les remparts de la ville. Du brouhaha incroyable fini pa naître un nom, clamé à l'unisson par la cité entière. Thanos... Mon nom. Un nom qui signifiait pour eux le retour de la prospérité, le retour d'une ère de richesses.

Mais le destin, encore une fois, en decida autrement...


Chapitre XII : Malédiction

La nuit vint, étendant son voile étoilé sur la ville. Celle-ci répondit en allumant ses étoiles à elles, multitudes de flambeaux éclairant les rues, flammes de vies, de l'espoir retrouvé après les temps sombres des chiens de guerre... Du balcon de la chambre royale, j'observais la gigantesque créature qu'était la capitale, la regardant tendrement s'endormir doucement, ses étoiles s'éteignant une à une, au fur et à mesure que le sommeil s'emparait des âmes. Je n'avais pas besoin de sommeil. Mon organisme était passé à un stade plus évolué, plus parfait que le corps humain. La nuit s'étirait, tous étaient plongés dans un profond sommeil...

Tous sauf un, qui tentait de s'introduire dans ma chambre, dans un but que je ne devinais que trop. Ainsi ils avaient osé... Quel futilité. Je reculais dans un coin sombre de la chambre, devenant quasimment invisible dans la pénombre. L'homme s'approchais adroitement, silencieusement, un véritable fantôme. La lune accrochait des reflets à la lame courte qu'il portait dans son poing droit. Un tueur profesionnel, qui devait faire payer ses services très cher. J'admirais la grâce féline avec laquelle il se déplacait, ne commettant aucun faux pas, s'approchant lentement mais impitoyablement du lit qui devait bientôt accueillir mon cadavre.

Il fini par s'apercevoir que la couche était vide. Il s'immobilisa, l'oreille tendue, essayant de détecter une autre présence dans la chambre, conscient que sa vie ne tenait qu'a un fil. Mais c'était trop tard. Son sort était déja décidé. D'une vitesse surnaturelle, je refermais mon poing sur son cou, pas suffisamment fort pour lui briser les vertèbres, mais suffisamment pour l'empecher de respirer. Il se débatti avec l'énergie du désespoir, mais le manque d'air fini par l'immobiliser. Il n'était pas encore mort... Je le saisi dans mes bras, comme un enfant culpabilisant d'avoir commi une faute. Il respirait faiblement, dans un état proche du coma. Je parcourais son visage, devinant à l'odeur son origine, un léger parfum de la femme qu'il s'était offerte pour sa dernière nuit.

Quelque chose s'éveilla en moi. Une faim subite, une pulsion irresistible. Je mordis profondémment, laissant mes canines déchirer la chair de son coup, découvrant la carotide d'ou le sang s'éachappait par long jets, que je reccueilli dans ma bouche. Je buvais la vie qui s'échappait de ce corps, comme à une fontaine de jouvence. Puis le flot se tari, et il mourrut dans mes bras, coquille vide ne contenant plus ni sang ni âme. Je laissais le corps choir sur le sol, tandis que je sentais le sang se difuser dans mon organisme, feu brûlant qui explorait chaque veine, chaque muscle, mais qui était attiré par quelque chose dans mon torse qui n'étais pas mon coeur.

L'origine de la pulsion... Le démon de la Dague. Cette soif de sang... c'était lui, l'ombre qui jusqu'a présent sommeillait sagement, attendant son heure. Et il sentait qu'elle était venue. Et moi je sentais sa soif, sa rage, sa volonté de puissance qui me déchirait, cette ombre qui s'accrochais à mon âme, l'accrochant de ses griffes ténèbreuses, voulant me l'arracher, me contrôler... A mon tour, je m'effondrais, essayant d'endiguer le flot de pulsions, de rage qui montait en moi, insufflé par le démon qui me possédait. La douleur me rendait fou... J'hurlais.

La douleur cessa. Hébété, je mit un certain temps à reprendre mes esprits. Comment supporter cela... Je n'en avais aucune idée. Laissant le corps pourir ici, je me rendis à la bibliothèque, à cette heure complètement vide. Je cherchais l'origine de ce démon. Il était trop puissant pour avoir été contrôlé par cette damnée sorcière. Elle devait tenir l'objet d'un magicien très puissant, un sorcier noir qui devait fatalement avoir laissé une trace dans l'histoire. Epluchant les anciens tomes noirs, je finis par trouver. Moëbus... Mage des temps chaotiques, le plus grand de tout les mages noirs, avait créé des armes maléfiques, dans lesquels il avait enfermé des démons... Chacune avait sa propriété. Et si j'en croyais les chroniques, il avait atteint le sommet de son art en créant une épée capable de boire les âmes... Frostmourne... Je devais donc sans tarder partir sur ses traces. Cela n'allait pas être simple, étant donné l'ancienneté des faits. Mais je sentais le démon dormir en moi, rêver, s'agiter parfois. Je devais trouver une solution, sinon j'allais devenir fou de douleur à son réveil.

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Ainsi, le matin me trouva au portes de la ville, de laquelle je sorti incognito. Je laissais les hommes se débrouiller. J'avais montré que j'étais toujours là, quelque part, à roder... Cela empècherais les chiens de guerre de renaître. Du moins pendant un certain temps. Beaucoup de questions se poseraient sur ma disparition, et sur le cadavre que j'avais laissé derrière moi. J'avais réveillé le démon en moi, et ma légende continuait de grandir, en même temps que lui...



Chapitre XIII : Autre chose que la Mort

Que faire à présent ? Où chercher un mage noir dont l'histoire s'était déroulée il y a 700 ans ? Tout en me posant ces questions, je marchais dans la campagne. La nouvelle de mon retour avait calmé les conflits, et assagi les pillards qui craignaient le retour de la Police Impériale. Le pays était calme, et je m'enfonçais dans la forêt de loin de tout humain, je sentais le démon s'endormir, de plus en plus profondémment... J'avais donc un peu de temps devant moi. Pour une fois, je pus apprécier la nature. La douleur que j'avais senti, il y a peu, formait un contraste saisissant avec la paix de ces contrées, ces forêts où régnaient les forces de la nature, et dans lesquelles je pénétrais. Je n'entendais plus le fracas des armes, ni les cris des blessés. L'odeur du sang ne flottait pas entre ces arbres. Etrange ... mais si apaisant. Je m'enfonce au coeur de ce monde nouveau pour moi, un monde que la main de l'homme n'a pas encore perverti.

Fermant les yeux, laissant tout mes autres sens s'ouvrir, je laissais la forêt m'envahir. Je pouvais entendre tout les sons de ce monde paisible mais fourmillant de vie. Chaque mouvement, du cliquetis de la fourmi dans l'arbre voisin, au pas feutré du loup à la recherche d'une proie, percevant une curieuse odeur. Je le laisse s'approcher. Il est curieux. Bien que vieux, il n'a jamais vu les hommes, et n'a donc pas de raison de les craindre... Il est là, juché sur une souche, m'observant de ses yeux que je devine couleur d'ambre. Je renifle son odeur musquée, je n'ai toujours pas ouvert les paupières. Il bouge, s'approche encore, jusqu'a me frôler. Je sens sa fourure chaude passer sous ma main, je sens chacun de ses poils carresser le bout de mes doigts. Il se demande ce que je suis. Je me le demande moi même...

Il fini par partir, allant apaiser sa fin avec le lapin que je sens bouger dans son terrier non loin. Je chancèle. Aucune créature avant lui n'avait osé m'approcher ainsi, m'offrir une caresse même infime sans y être obligé. Je pose la main contre un arbre. Je sens la douceur de la mousse, recouvrant l'écorce rèche. Un insecte passe sur ma peau, je sens le contact de sa carapace que je pourrais briser d'un geste. Mais je ne bouge pas, et je sens les vibrations de l'écureuil qui gambade dans les branches, lui aussi attiré par mon inhabituelle présence. Ses yeux noirs me fixent, ses moustaches frémissent. Il sent l'odeur du loup, le prédateur, et s'enfuit, courant de branche en branche. Elles sont sèches, cassantes, en ce début d'hiver. Le froid se fait plus intense. Queulque chose de léger et de froid se dépose sur ma joue. Un flocon. Il commence à neiger. La douceur de leur chûte contraste avec la violence de la pluie et de l'orage. Je sens la sève courir dans le tronc, ralentie par l'hiver, restant à l'écard de l'écorce gelée. Je sens la vie qui coule dans le bois... Je me concentre... Ecoute... Une profonde pulsation, immense, un gigantesque coeur qui bat pour toutes les forêts de cette terre. Je sens la force de l'Arbre-Monde... J'entre en contact avec lui... Et je sens une violente douleur dans la main. Je la retire brusquement, elle est intacte. Que faire, si même Lui ne veut pas de moi...

Je reprends ma marche solitaire, chaque pas rendu difficile par la couche de neige qui s'épaissi de minute en minute. Comme si on voulait me retenir ici. Mais ne le voudrais-je pas moi même ? Connaître la paix, pour l'éternité, faire enfin partie d'un monde différent, sans guerres, ni carnages. Mais ce monde ne veut pas de moi. Un profond sentiment de perte s'empare de moi. Mes larmes gèlent sur mes joues. Je marche, un pied après l'autre, et la forêt semble se fermer derrière moi alors que je me rapproche de la lisière. J'y laisse à n'en pas douter une partie de mon âme. Comment continuer à vivre...

La colère prend le pas sur la tristesse. La rage monte, flot grondant. Et le démon se réveille, réclamant du sang, de la destruction. J'atteinds enfin la lisière, et je débouche sur la plaine enneigée, vide, comme vierge de toute créature vivante. Encore une fois, je suis seul. Le démon, déçu, se rendort. Mais son sommeil est léger... Je m'agenouille sur la couverture immaculée, soulagée. La lassitude s'empare de moi. L'Ombre à l'intérieur de moi boit mon énergie. Je m'effondre, pris d'une immense fatigue...


Chapitre XIV : Voleurs

Je reviens doucement à moi. Le froid... Une fois de plus, je suis recouvert de neige. Quel silence... Mais il est temps de sortir de ma chrysalide, et de revenir au monde. Péniblement, je brise la gangue de glace, et observe mon environnement qui n'a guère changé. La neige recouvre encore le paysage, et mes traces ne sont plus visibles. Combien de temps suis-je resté ici ? Aucun moyen de le savoir. Mais il est temps de reprendre mon voyage. La première chose à faire est de retourner sur les lieux. Les ruines du château de la sorcière, le tombeau de mon ancêtre... Là ou se trouve peut-être encore la dague.

Ma marche reprends, inlassable, infatiguable. Je me remémore la marche conquérante, tous les hommes m'accompagnant pour mourir au pays des nains. L'espace d'un instant, j'ai le sentiment que ma quête va durer des siècles, et que je vais marcher indéfinniment à la recherche d'une chimère. Je chasse cette image décourageante, et me demande quelle attitude adopter face aux villages que je vais inévitablement rencontrer le long de ma route. Les montagnes sont encore loinaines...

Justement, j'aperçois de la fumée au loin. Je me dirige dans cette direction. Je tente le diable, mais que faire d'autre... J'entre dans le village, les enfants jouent autour de moi, se poursuivent à travers les rues, les mères se tenant prêtes à les appeller au moindre geste menaçant de ma part. Mais je n'en fais aucun. Pour eux, je ne suis qu'un aventurier, un autre de ces hommes sans famille ni foyer qui parcourent le monde à la recherche de défi. Mais après tout, n'en suis-je pas un ? Comme n'importe quel étranger, j'accompli le rituel : je me rends à la taverne.

J'ouvre la porte, et l'odeur âcre de l'alcool et de la sueur se fait sentir avec l'intensité d'un coup de poing. Immédiatement, des voix enrhumées m'hurlent de fermer la porte, ce que je fais sans tarder. Mon entrée ne soulève pas d'autre émotion, la salle étant bondée en ce jour glacial. La neige recouvre les champs, et les paysans boivent tout l'argent gagné aux moissons, désoeuvrés. Je demande un verre de vin, que l'on me sert sur dans un choppe de terre, sur un comptoir à l'aspect douteux. J'avise une table dans un coin sombre et m'y installe, seul, écoutant à mon habitude les diverses conversations, m'intégrant au décor.

Rien de vraiment intéréssant ne se dit par ici. On parle de l'enfant que viens d'avoir la fille du meunier, on évoque les recettes de la saison dernière, chacun raconte comment il résiste au froid à grand renfort d'alcool. Je goûte au vin que l'on m'a servi, et confirme mon intuition : il ne s'agit que d'une infâme piquette. Tandis que la neige fond de mon armure, j'intercepte le regard de trois paysans qui m'observent sans en avoir l'air. Ils regardent avec envie ma bourse rebondie, ainsi que mon armure qui doit de toute évidence valoir un prix incroyable. Mon épée ne les rassure pas, mais à trois ils pensent m'avoir facilement. Frostmourne sent l'odeur du combat, et commence à murmurer, communiquant à mon âme sa soif de sang.

Je sors, il fait nuit à présent. Je me dirige vers la sortie nord du bourg, ma silhouette s'enfonçant dans la nuit, mais mes traces sont encore visibles pour les trois compères, qui, à leur tour, sortent de la taverne. Je marche lentement, et eux accélèrent malgré l'épaisse couche de neige. Ils me rattrapent et ne s'embarassent pas de présentations. Comme les brutes qu'ils sont, ils m'attaquent ensemble à l'aide de matraques et massues. Frostmourne chante et du rouge tache l'immaculée couverture. Quelle tristesse d'être obligé d'en arriver là... Les trois bandits se vident de leur sang dans un fossé, et déjà j'entends les loups qui hurlent, affamés, reniflant eux aussi l'odeur du sang. Malheuresement, ils ne sont pas les seuls et je commence à sentir le Démon se réveiller. Je m'éloigne de la scène macabre, marchant en direction du Nord, esperant rendormir le parasite. Il se calme. La scène était trop rapide, mais la douleur se fait déjà même sentir dans ma poitrine. Alors je marche, et évite désormais la compagnie des hommes.

Je retrouve sans peine le chemin à travers la montagne, et arrive sur les ruines du château, recouvertes de neige. Curieusement, j'ai l'impression que quelque chose a changé. Non seulement le temps à agit, mais il règne ici un chaos dont il ne peut être l'origine. Après une rapide investigation, je trouve un cratère, creusé par d'énormes griffes. Les murs autour sont carbonisés, la pierre noircie et fendue par une chaleur infernale. Je me concentre et essaye de ressentir le pouvoir de la Dague qui est le receptacle du Démon. Rien ici... Je comprends la scène. Un dragon a du sentir son pouvoir, et, ce genre de créature adorant les objets précieux, s'en est emparé. Les Dragons... Pourquoi n'y ais-je pas pensé avant ? Ce sont les plus vieilles créatures au monde. Ils sont immortels, infiniment puissants, et extrèmement intelligents. De plus, ils adorent la magie sous toutes ses formes. L'un d'eux doit forcémment avoir connu Moëbus...

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Dernière édition par LePrinceNoir le Lun 06 Mars, 2006 18:53, édité 26 fois au total.

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MessagePublié: Mer 23 Fév, 2005 13:25 
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Chapitre XV : Ascension

Je ferme les yeux quelques instants. Les Dragons ont beau être énormes et très puissants, ils sont la proie favorites des chasseurs de trésors. Ceux-ci ont développés des techniques très efficaces pour surprendre et abattre les Dragons, qui sont non seulement gardiens de trésors incroyables mais aussi sources de nombreux produits rares et précieux : dents, peau, yeux de dragons se vendent très cher. De par cette chasse, les Dragons se rarérifient, se cachent, et ne restent que les plus vieux, les plus dangereux... Et c'est le plus vieux qu'il me faut trouver. Lui saura certainement me renseigner... Si son souffle ne me réduit pas à un tas de cendres. Je n'ai aucun moyen de le trouver par des moyens physiques. Il va faloir, pour cela, utiliser l'esprit.

Je parcours les ruines du regard, et avise une tour qui semble encore assez solide. Je grimpe jusqu'au sommet, me retrouvant à la merci des vents glacés des montagnes. Qu'importe, ce n'est pas un courant d'air qui m'arrettera. Dans cette quête, je crains bien plus qu'un rhume. Je m'assoit, et ferme les yeux, libérant mon esprit de ses attaches corporelles. Un à un, mes sens s'évanouissent, alors qu'une autre perception, magique, prend le dessus. Je sens les courant de mana qui parcourent ce monde. Je ne sens plus la morsure du froid. Je ne vois que ces fleuves d'énergies, de véritables rivières d'étoiles qui traversent ciel, terres, montagnes, plaines, océans, villes et murailles... Mon esprit s'élève. Encore une fois, je suis seul, seul dans une immensité vide de tout être vivant. Les étoiles m'entourent, leur mouvement me carresse, je ne sens plus la coupure du vent mais la caresse des énergies magiques. Je m'élève, à travers les nuages, toujours plus haut, j'ai l'impression de retrouver les portes du Paradis. Je me laisse aller à la caresse de l'énergie pure, qui entre en résonnance avec mon âme. Je sens le flot entrer en moi, la puissance rugir dans mon âme.

Je fais corps avec les énergies. Je suis omniscient, incroyablement receptif, et pourtant tellement seul... Il est temps de trouver ce Dragon. Ils aiment les noeuds d'énergie, là où les courants se croisent, les sources de puissance. Je suis le flot et parvient à l'un de ces noeuds. Au coeur de la montagne, dans une immense caverne dont la seule entrée est une faille béante inaccessible sinon par les airs. Un immense Dragon, le plus grand, le plus puissant, le plus riche. Je ne le vois pas, mais je sens son énergie, son âme incroyablement vieille et forte. Un gigantesque brasier de force, détonnant au milieu de ce monde couvert des petites flammes d'êtres insignifiants.

Je chûte, me laisse aller, et regagne mon corps. J'ai perdu la notion du temps, je peine à ouvrir mes paupières gelées. Une couche de givre a recouvert mon corps entier. Un cocon de glace, qui me rend insensible à tout autre chose que le froid de la mort. Je me lève, brisant la coquille qui retombe en fragments sur le sol recouvert de neige. J'admire le paysage. Une infinité blanche qui recouvre les monts avoisinants, les ruines à mes pieds quir essemblent à la carcasse d'un géant mort... M'arrachant à la contemplation, je descend de mon perchoir pour me remettre en route. J'ai du chemin à faire...

L'épisode du village m'incite à me tenir à l'écard des habitations, et des groupes de pillards qui se rassemblent en hiver. Alors je marche, seul, encore... Une profonde lassitude me tenaille. La solitude devient une amie, quand on grandit avec elle. Mais sentir la chaleur des foyers, entendre les rires des enfants, me rend étrangement triste. Je ne veux pas m'en approcher. J'ai peur du démon. J'ai peur de moi-même.
Et je continue à marcher dans la neige, à travers les montagnes, suivant les rivières gelées, à travers le froid mordant de cet hiver qui semble éternel. Le vent s'engouffre dans les vallées, faisant voler la poudre blanche, brouillant ma vue, effacant mes traces, m'isolant totalement dans une tornade blanche. Mais je n'ai pas le choix. Je continue, guidé par mes souvenirs, guidé par la force incroyable de la créature que je commence, peu à peu, à sentir.

Enfin, j'arrive à la vallée qui est ma destination. Levant la tête, j'aperçois l'entrée de la grotte, à plusieurs dizaines de mètres du sol, déchirure horizontale sur cette immense falaise aux sommet déchiqueté. Mes pouvoirs ne me permettent pas de grimper la-haut. Je peux détruire, mais pour ce qui est de construire, je suis beaucoup moins entraîné. Il va me faloir grimper... Je vérifie les attaches de mon équipement. Pas question d'abandonner la moindre pièce d'armure, et encore moins Frostmourne. Peut-être ne aurais-je besoin contre le dragon. Je frisonne à cette pensée, je sens d'ici la pulsation sourde de son aura.

J'entame l'escalade perilleuse. Je m'accroche de toutes mes forces à la paroi gelée, progressant petit à petit sur ce mur gigantesque. Il ressemble plus au flan d'un glacier qu'a celui d'une montagne. Mes doigts gèlent litteralement, alors que ma peau se déchire sur les la roche cruelle. Le vent hurlant dans la vallée manque de me faire tomber plusieurs fois. Une chute à cette hauteur, malgrès ma force, me mettrait bien à mal. Difficile de faire de la magie avec tout les membres broyés. Je ne peut plus reculer, je n'ai plus le choix. Alors je monte, encore, sur cette falaise qui paraît ne pas avoir de fin. Mais la roche est traître, et un prise se dérobe sous mes doigts, et déséquilibré, je ne peux m'empecher, cette fois, de chûter. Le vent siffle à mes oreilles à une vitesse folle. Il faut réagir, vite. Je dégaine Frostmourne, et, avec un hurlement de colère, transperce la falaise. Je m'accroche désespéremment à la poignée, et fini par retrouver des un appui stable. Je range mon arme, et reprend ma montée, la rage au ventre. Il faut que j'arrive la-haut. Le démon ne se manifeste pas, il sait que la moindre erreur peut m'être fatale. L'ascension continue, solitaire, mortellement dangereuse.

Je fini par poser la main sur un rebord plat, et je m'y hisse tout entier. Enfin, j'ai atteint mon but. L'espace d'un instant, je reste couché, abasourdi par l'absence de vent, et la chaleur qui règne ici. Brusquement, réalisant le danger, je me relève, et observe l'intérieur de la caverne. Ce n'est que l'entrée, sombre et brûlante comme la bouche d'un monstre. Elle est immense, profondémment creusée dans la montagne.
Je prend Frostmourne dans la main droite, et créé un brasier dans la gauche, flambeau magique pour guider mes pas. Résigné, je m'enfonce dans les ténêbres.





Chapitre XVI : Face à Face

Le terrain est accidenté, la marche dangereuse. Les affleurement rocheux sont coupants comme des rasoirs, et la température même de la roche commence à monter. J'enregistre ces informations sans quitter mon objectif des yeux. Les ténêbres insondables d'où peuvent surgir à tout moment les flammes de l'enfer. La chaleur devient etouffante. J'éteinds mon flambeau magique, me guidant à la lumière que je commence à voir poindre au bout du tunnel. Je marche lentement, avec précaution, le plus silencieusement possible.

J'arrive enfin dans une salle immense brillant de milles feux. Aux murs, des flambeaux éternels, alimentés par la magie du dragon. Leur flamme et leur chaleur se réverbère dans des millions de pièces d'or éparpillées sur le sol. Les stalagmites son formés de monceaux d'or et de pierres précieuses. A perte de vue, la caverne se prolonge, remplie de merveilles, richesses amassées durant des millenaires. Suffisament d'or pour nourrir un Empire pendant des siècles. Mais je ne suis pas la pour ça. Je cherche du regard la créature qui veille sur le trésor. Le souffle chaud de la bête me caresse l'échine. Je sens jusque dans mes os les pulsations gigantesques qui l'animent.

J'avance, mon regard se perdant dans les milliers de miroirs dorés qui m'entourent. Mes sens sont faussés. Peut-être le dragon sera-t-il assez curieux pour me laisser en vie le temps nécessaire pour que je lui expose mon problème. Peut-être même dort-il. Une pièce glisse, ricoche dans un vacarme infernal. Je me transforme en statue, mais c'est inutile. Il sait que je suis là. Sa voix, incroyablement profonde, résonnant de puissance pure, retentit dans la caverne. Précédée, comme il se doit, d'un jet de flamme suffisament imposant pour carboniser une armée entière. Je parvins à m'abriter, juste à temps, derrière un tas d'or. Je lui parle, lui fait comprendre que je ne suis pas un chasseur. Un chasseur ordinaire n'aurait, de toute façon, pas franchi l'épreuve de la falaise. Il me laisse approcher. Ce qui n'est pas sécurisant pour moi, car je suis à présent à portée de ses crocs. Je le vois, enfin. Rouge comme le sang, jûché tel un seigneur sur un tas d'or aussi gros qu'un palais, il est véritablement le roi des dragon. Sa taille elle même est incroyable. J'ai du mal à imaginer comment des mortels peuvent même concevoir l'idée de chasser ce genre de créature. Sa puissance est presque palpable.

Il me laisse parler. Il a l'éternité devant lui. Je lui explique mon problème, ce que je cherche. Il hésite à me répondre, se dit qu'il pourrait m'utiliser avant de me donner le renseignement. Conscient de jouer avec la mort, je lui explique que si je ne récupère pas rapidement la dague, je ne serais plus maître de moi-même. Il me comprends, et m'indique où trouver le dragon que je cherche. Le seul à fouiller encore dans les montagnes. Le seul qui, au mépris des chasseurs, vole encore à basse altitude. De Moëbus, nulle chance de trouver la moindre trace. Satisfait d'avoir eu mon renseignement, je me prépare à partir. Du regard, j'embrasse une dernière fois la caverne aux merveilles. N'y pense même pas. Je sors, tandis que la chaleur du dragon me quitte, peu à peu, et que je retrouve la lumière du jour. Je me retrouve au bord du gouffre, balotté par les vents des montagnes. Problème épineux : comment descendre ?

Une secousse. Le dragon s'agite, me déséquilibre, et je ne peux éviter la chute. Le vent siffle à mes oreilles, de plus en plus fort, alors que le sol se rapproche à une vitesse vertigineuse. Aucun moyen de ralentir ma chute. Ne reste plus qu'a amortir mon aterrissage. Me concentrant pour tenter de maîtriser cet élément que je n'ai pas l'habitude de manier, j'invoque la neige. Beaucoup, de neige. Le sol rocheux, sous moi, se couvre d'un matelas blanc, prêt à me recevoir. Juste à temps, je percute le sol. Légèrement sonné par le choc mais toujours en un seul morceau, je m'extrais du trou percé par mon corps dans la couche neigeuse. Tout en réfléchissant, je retire les flocons égarés sur mon armure. Vers l'ouest. Le Dragon m'a dit d'aller vers l'ouest. Pesamment, je me met en marche vers le soleil couchant.

Les jours sont courts dans ce pays reculé. Les astres se cachent en permanence derrière une épaisse couche nuageuse, qui donne souvent naissance à des pluies diluviennes. Je ne crains pas l'eau. Mon armure, enchantée, non plus. Alors j'avance, véritable zombie à la volontée fixée sur un seul objectif. Je monte les plus hauts cols, traverse les plus profondes forêts. Sans rencontrer d'hommes. Heuresement, cette région est tellement reculée qu'elle est préservée, pour l'instant, de leur folie. Le démon, privé de proies, dort.

Ce dragon est plus facile à approcher que l'autre. Je reconnais les marques de griffes à l'entrée de sa caverne, qui n'est pas, cette fois, au sommet d'une falaise. J'entre, prudamment, mais sans sentir la pulsation sourde qui émanait du grand dragon. A vrai dire, je ne sens même rien. Ruse ? Ou serait-il absent ? Je parviens à la salle principale. Au sol, quelques pièces et objets sans valeur abandonnés. Au centre, entourés des marques d'un combat sauvage, le cadavre du Dragon, privé de ses yeux et de quelques autres organes au vertus magiques. Des pilleurs sont passés avant moi... Le sang s'est echappé de l'immense carcasse, formant une énorme tache sombre sous le cadavre qui me fixe de ses orbites vides. Un certain nombre de dents avaient elles aussi disparu, tranformant la majestueuse créature en un vieillard grotesque. Une douleur maintenant familière monte dans mon ventre. Le démon renifle l'odeur de la mort. Je tombe à genoux, luttant pour garder le contrôle de mon propre corps. Je sens des pulsions qui ne sont pas les miennes. Mordre, tuer, dévorer, déchiqueter. La douleur s'intensifie, au point de me faire hurler, tandis que le démon me fait sentir sa rage sourde. Ma main plonge, agrippant l'un des rats qui commençait à dévorer la carcasse. Ma bouche s'ouvre, dans l'intention évidente de déchiqueter le rongeur. Non ! Je lutte contre mon bras, l'éloigne de mon visage, mais le rat fini broyé entre mes doigts rebelles. Le démon se rendort, satisfait dans sa colère. De rage, je jette ce qu'il reste du corps du rat. Sa dépouille pourira avec celle du Dragon.

Les chasseurs ont pris tout ce qui avait la moindre valeur. Y comprit la dague. Le désespoir lance mon poing à une vitesse folle contre une paroi. La rage me tire des larmes. Quand cela finira-t-il ? Quand serais-je libéré de cette malédiction ? Le démon s'agite, me tue de l'intérieur, dévore mes chairs, lacère mon âme. A chaque fois, le démon devient plus difficile à maîtrisier. Si je ne me libère pas vite... Viendra le temps où je ne pourrais plus du tout l'endiguer. Non, je ne préfère pas imaginer ce qu'il se passerait.



Chapitre XVII : Possession

Je reprend mes esprits, doucement. La rage me quitte, et la colère froide, maléfique, m'envahi. J'extrait mon poing de la paroi. Les éclats de roches m'arrachent la peau, quelques bouts de chair. Je ne sens rien. Je regarde ma peau en lambeau. Aucune douleur. Pas de sang. Des chairs mortes... Normal. Thanatos m'a renvoyé parmi les vivants, mais il ne m'a pas pour autant redonné la vie. Il n'a fait que rattacher mon âme à mon corps. En un éclair, je réalise ce qui m'attends. Une décomposition, lente et complète, de la moindre parcelle de mon être. Pour finir à l'état de squelette qui ne tiendra plus debout que par la force de ma volonté. Bientôt, je ne pourrais plus montrer mon visage. Les morts ne sont pas très appréciés en ce monde. Alors, il me faut me hâter. Avant de tomber en morceaux, retrouver cette dague, pendant que je peux encore passer pour un humain. Je ramasse quelques pièces d'or par terre. Les hommes garderont toujours le goût de l'or. Autant s'en servir. Je me dirige vers la sortie.

A l'air libre, je réfléchi. Quelle est la ville la plus proche de cette montagne perdue ? Une ville où les chasseurs auraient pu dilapider leur butin, buvant, forniquant dans des bouges insalubres. Le lot des malfrats de ce monde, toutes races confondues. Des cartes me reviennent en mémoire... Icarie. Ville aussi noire que le café pour laquelle elle est réputée. J'essaye de ne pas penser à la réaction du démon au milieu de tant de créatures vivantes. Il vaut mieux pour moi que je réussisse à garder le contrôle, le temps de retrouver ces pilleurs de trésor. Je commence ma marche vers la cité.

Plus je me rapproche, plus les signes de civilsation se font nombreux. La concentrations de villages augmente, les forêts sont remplacées par les champs. J'aperçois bientôt les remparts de la ville. Un marchand ambulant peu regardant à ses clients, à l'extérieur, me procure une cape de mauvaise facture et des gants de cuir contre quelques pièces. L'invisibilité, dans la cité, reste ma meilleure arme. Je me joins à la foule qui va et viens aux portes de la ville. Des humains, paysans principalement. Parfois, des nains, ou des gnomes venant des contrées avoisinantes. Les elfes ne sortent plus que rarement de leur forêts. Une fois à l'intérieur, j'évite les beaux quartiers pour m'enfoncer dans les bas-fonds. La nuit tombent, les créatures les plus diverses envahissent les rues. Prostituées tentant d'aguicher les passants, hommes d'arme désoeuvrés, brigands de toutes sortes se croisent à la lueur des quelques flambeaux qui peinent à éclairer les étroites ruelles. La chaleur humaine, la puanteur de la sueur et de la crasse deviennent étouffantes. Les pavés se perdent parfois dans le noir, sombres coupe-gorge où des gredins attendent le premier qui osera s'y aventurer, l'accueillant à coup de poignards. Un homme passe au travers d'une vitre. A demi inconscient, il gît sur le sol, se traîne vers un endroit plus sûr que le milieu de la rue où il se fait littérallement piétiner. Je lève la tête et lis l'enseigne. "Aux couteaux tirés". Bon présage ? Je pousse la porte.

Une choppe de terre cuite me rase la tête et va s'écraser dans la rue. L'ambiance est à la bagarre d'ivrogne, et la nuit vient seulement de tomber. Triste monde. Me camouflant du mieux que je peux dans ma cape, je commande un pichet de vin et va m'assoir à l'une des rares tables libres, dans un coin sombre. Les effluves d'alcool me prennent à la gorge. Toute cette agitation... contraste avec la solitude que j'ai connu dans les montagnes. L'aubergiste m'apporte ma commande. Mes doigts tremblent alors que je tente de retenir ma main de l'étrangler. Les pièces roulent sur la table. Voyant mon trouble, il ne cherche pas à comprendre, ramasse ses pièces et retourne derrière son bar. Je contrôle la pulsion qui anime mon bras. Je sers le poing jusqu'a entendre les os craquer à l'intérieur. Le démon se réveille, a soif de sang. Je tente de faire passer le goût avec le vin, mais sa rage est tellement puissante qu'elle en devient perceptible. Son aura maléfique, couplée à la mienne, fait fuir les rats de la salle. Même les autres clients deviennent nerveux. Du moins, ceux encore en l'état de ressentir quelque chose. Le tremblement de mon bras s'atténue. Le démon se calme, mais il est à l'affut. J'essaye de me concentrer sur les conversations d'ivrognes, de saisir les bribes de paroles qui pourraient me guider aux chasseurs. Rien n'y fait. Il parlent de leurs propres malheurs, se complaisent dans l'alcool et la mélancolie, puis jouent aux cartes, trichent sans même s'en rendre compte, puis se battent. Les planches disjointes laissent passer la bière renversée, qui goutte sur la terre, et va abreuver un chat du quartier. Je ne saurais rien ici. Je sors, ombre parmi les ombres.

L'heure tardive ne diminue pas le flux que charie sans discontinuer la rue, fleuve polué par la décadence humaine. Quelques mains s'aventurent sous ma cape, à la recherche de ma bourse. Araignées de chair qui se retirent vite lorsque je les broie de mes doigts de fer. Le bandit devant moi est moins magnanime. D'un revers de poignard, il tranche net la main du voleur, qui s'effondre sous la douleur, se lamentant sur son membre perdu. L'autre rit, vole les quelques pièces raflées par le malheureux, et lui donne un coup de pied qui l'envoie valser contre un mur. Le sang qui gicle de son bras, par sacade, asperge la pierre, formant de macabres arabesques. Spectateur involontaire, je ne peux cette fois résister à l'éveil subit du démon. J'ai juste le temps de plonger dans une rue adjacente, où je me réfugie dans l'ombre, esperant ne rencontrer personne. Malheuresement, une prostituée, croyant que je cherche un plaisir nocture, m'aborde. Ma main jailli, se plaque sur son visage, casse le fragile nez, continue sa trajectoire et l'achève contre le mur de pierre. La tête s'écrase entre mes doigts, le sang jailli avec force du crâne qui s'ouvre sous l'impact, avec un bruit mat et humide. Je baisse le bras, et le corps encore tressautant de la fille de joie s'affaisse, glisse contre le mur, y imprimant sa trâce sanglante. Dans mes doigts et sur la pierre, des morceaux de crâne, de cerveau, des cheveux rendus poisseux par le sang.

J'ai vécu des horreurs, mais tuer contre ma volonté, en ressentant la joie malsaine du monstre qui se cache dans mes entrailles, dépasse tout. A mon tour, je m'assois sur le sol, dos à la pierre, face au cadavre. Personne ne la cherchera. Le cadavre pourrira là, parmi les ordures, dévoré par les rats et la vermine. Une goutte sur ma joue. Le tonnerre gronde, éclate, et la pluie tombe enfin, recouvrant la ville de mes larmes.




Chapitre XVIII : Recherche

Le jour se lève, et me trouve toujours assis dans la ruelle, façe à la prositutée. Si seulement l'aube pouvait effacer les cauchemards de la nuit...
Mais je ne veux pas pourir là, moi aussi. Je me lève, enjambe le corps de quleques ivrognes qui n'ont pu retrouver leur foyer à temps. Tout bien considéré, c'est cette rue, leur foyer. Ils y vivent, y meurent.
Et cela, personne n'a le pouvoir de le changer à part eux même. Et que font-ils ? Ils dépensent toute leur paie en alcool, se vautrant dans leurs déjections.
La foule parcourant les rues et moins dense. Sa nature à changé. Ceux qui étaient là cette nuit cuvent leur vin. Ceux qui déambulent à présent sont ceux qui vont au marché... L'odeur de viande morte me parvient malgrès la distance. Ce n'est pas l'heure des chasseurs. Ne me reste qu'a attendre la nuit prochaine. Alors, comme un bête, je me cache, espèrant que personne ne sera assez fou pour me découvrir, et réveiller le démon. Une carcasse de maison brûlée me fournit l'abri désiré, et je songe, le temps que le jour passe.

Les odeurs changent. Le soleil décline enfin. Lorsqu'il se couche, le flot putride reprend ses droits. Je sors de ma cachette, à la recherche de quelque chose qui pourrait m'apporter une réponse. Une telle quantité d'or n'a pas pu passer inaperçue, même ici. Et un groupe de chasseurs aussi important doit être connu dans une ville comme celle-ci. Pourtant, personne n'en parle. Je me dirige vers les quartiers plus aisés, echappant à la foule. Elle se fait beaucoup plus rare ici. Plus enfarinée, moins grasse, moins crasseuse. Des nobles, faisant des fêtes de nobles. Je passe devant une villa, ou j'entends des airs de musique, des rires et des chants. Chacun fait la fête à sa manière, mais cela reste la même chose. Ivrognerie, luxure, perdition, que ce soit dans la soie ou la crasse. Je trouve enfin ce que je cherche. Au coin d'une rue, un marchand d'objets rares. Il faut bien qu'il se fournisse quelque part, il doit connaître ceux que je cherche. J'entre, explorant les vitrines du regard, mais la dague n'est pas là. Je pose ma question, avançant quelques pièces d'or sur le comptoir. Après un coup d'oeil expert, il empoche l'or mais ne répond pas. Quelques pièces de plus lui font oublier ses scrupules et ses hésitations.

Je ressort, à la recherche de l'auberge indiquée, qui est selon lui le repère des chasseurs de la ville. Un peu d'or bien placé accélère ma recherche. Le crâne de jeune dragon qui sert d'enseigne donne le ton. Ici, l'ambiance est plus aux conspirations, ventes clandestines et recrutement d'aventuriers qu'a la beuverie. Quoique... A mon entrée, un homme est debout sur une table, tentant de chanter tout en buvant le contenu de sa choppe, contenu dont la majorité se déverse sur son torse. Sur ses doigts, des bagues d'or. A sa ceinture, sa bourse est si rebondie qu'elle menace de craquer. Les hommes assis autour de "l'estrade" l'acclament et boivent à leur succès. A côté, les autres aventuriers font grise mine, où jouent les hypocrites en esperant se faire payer une tournée. Mon bras tremble, le démon meurt d'envie de les massacrer, lacérant mon âme de ses griffes qu'il voudrait sanglantes. Mais ce n'est pas la bonne méthode. Je le contrôle, pour le moment. Un pichet de vin m'aide à patienter, dans un coin de la salle. J'observe, j'écoute. Ce sont bien eux. Difficile de les manquer. Ils ont déjà revendu le gros de leur stock. Ils fêtent l'évenement. Une chasse aussi fructueuse est rare en ces temps de misère. La bière de mauvaise qualité coule à flots, inondant leur table, engluant leurs esprits dans le brouillard de la dépravation. Bientôt, un chasseur sort par la porte de derrière pour satisfaire un besoin naturel dans une ruelle avoisinante. Immediatement, je me lève et le suis. Grave erreur. Ses compagnons sont restés à l'affut, et j'ai à peine le temps de saisir ma victime que des mains se posent sur mes épaules et qu'une lame se glisse sous mon menton. Voila leur erreur. Le démon se réveille, et, pour une fois, je le laisse aller. Un des malfrats vole s'écraser contre un mur, l'autre se brise plusieurs côtes en tentant d'encaisser mon coup de poing. Un uppercut brise la machoire d'un autre et l'envoie dans un tas d'ordures. Ils sont nombreux, mais ils ont compris qu'ils avaient affaire à forte partie. Alors, les lames sortent, les épées brillent sous la lune. A mon tour, je dégaine Frostmourne, qui à on tour s'éveille après un très long sommeil. Elle aussi à faim.

Leurs épées ricochent contre la pierre derrière moi, tandis que j'esquive leurs coups. Je leur fait l'effet d'un fantôme, presque invisible dans l'ombre de ma cape. Mû autant par la peur que la haine, l'un se précipite sur moi et fini empalé sur ma lame. Frostmourne s'abreuve, absorbe avec un plaisir non dissimulé l'âme de l'homme. Je la dégage du cadavre, et elle chante, véritable déesse d'acier. Je danse avec la mort, possédé par les deux démons que je porte. Mais à cet instant, une intense douleur me perce le thorax. Cette lame n'est pas physique, elle est spirituelle. Je comprends que la dague à fait une autre victime. Mais le combat ne s'est pas arrêté avec moi, et cette fois ce qui me transperce est bien réel. La colère m'aveugle. Le démon a totalement pris le dessus. Il n'a cure de la discrétion, il fait dans le carnage. Avec horreur, je vois mon mana se concentrer sur mon poing, puis jaillir sur les chasseurs sous forme de flammes infernales. Rien n'échappe aux flux destructeur. Bientôt, les hommes sont au sol, carbonisés, dégageant une odeur écoeurante de chair brûlée. Qu'importe. J'ai senti la dague. Je sais où elle est.

Je retraverse la taverne, les flammes s'échappant de ma cape comme si j'étais fait de braises. Bientôt, elles courent sur le sol, dévorant avec avidité le bois sec dont est fait la moitié de la ville. Tant pis pour la discretion. Le démon veut la mort. Tout les clients de la taverne se vident bientôt de leur sang sur le sol, ou le nez sur leur table, broyés par ma poigne ou transpercés par ma lame. Je sors, tandis que derrière moi, s'écroule le bâtiment en feu. Mes pupilles s'éclairent d'une lueur rougeâtre par la possession du démon, la cape et l'épée couvertes de sang, j'apparaît au milieu de l'incendie comme une vision de cauchemard aux passants horrifiés. Les cendres noires me suivent en tourbillonant, cortège funèbre de mes victimes. Les flammes se propagent, gagnent les bâtiments avoisinnants, et les habitants se précipitent pour tenter de les arrêter, avant que le quartier tout entier ne parte en fumée. Aucune pluie ne viendra les aider.




Chapitre XIX : Apocalypse

Je m'éloigne dans les ombres, vers la dague. Vers ma délivrance. Les flammes de la colère continuent de se propager. Elles me suivent, comme si j'étais leur maître, sautant de maison en maison, carbonisant les toits de chaume avec férocité, éclairant mon chemin de leur lueur rougeâtre. Je ne vois plus que du rouge... Le sang qui me couvre, le sang qui coule dans mon sillage, le sang partout, le sang qui gicle à gros bouillon de la gorge de ce qui, mût par le désespoir, s'accrochent à moi, me suppliant d'arrêter l'incendie qui me suit, animal docile. Bientôt, c'est la ville entière qui brûle derrière moi, illuminant mes pas d'une lueur vive, laissant échapper une fumée aussi noire que la mort. Les cendres volent à présent, partout, transportées par le vent qui charrie aussi l'odeur de la chair grillée. L'odeur de la purification, l'odeur de la rédemption pour ces larves putrides qui croupissent dans leur crasse.

Les souvenirs m'envahissent, images de villes brûlantes, de forteresses incendiées, de bûchers funéraires... toujours la même odeur. Toujours la même sensation de chaleur, de puissance et de rage brute. Le feu me sert, car je sers la Mort. Il obéi, sans même que j'ai besoin d'ordonner. Visions cauchemardesques d'une apocalypse dans les flammes. Les cadavres que je laisse derrière moi sont rapidement consumés, ou devrais-je dire consommés, par le démon du feu qui me suit. Inconsciemment, je souris. Le démon a pris possession de moi. Mes yeux gardent une couleur rouge vive. Je suis fier de ces carnages. J'aime cette odeur. Je me sens vivant, parmi tous ces morts anonymes. Un bruit étrange retenti, sinistre. Je me rends compte qu'il vient de moi, que c'est mon rire. Ne laissant derrière moi que destruction, je ris, ou plutôt le démon, à travers moi, rit de mes actes, de ses actes. De cette destruction aveugle, irraisonnée, jouissive.

Un homme se jette sur moi, l'épée levée, prêt à l'abattre, guidé par le désespoir et la colère. Je tends la main, et referme les doigts sur la lame qui se brise net. Mon poing gauche se referme sur le col du malheureux, tandis que j'empoigne sa chevelure. Avec un craquement sinistre, je sépare tête et tronc dans un jet de sang, et lance le reste dans les flammes. Un escadron de gardes arrivant au galop pour tenter d'éteindre l'incendie me repère, et comprend que je suis le responsable. Il me dévisagent avec horreur, et courent à ma rencontre. Frostmourne jailli, et chante encore. La ballet s'engage, décisif, rapide, et mortel. Je suis transformé en bête furieuse. La Mort plane sur la ville.

Poussé par je ne sais quel instinct, je repère une haute tour à laquelle je monte, la vidant de ses occupants dont certains préfèrent sauté par la fenêtre plutôt que de m'affronter. D'en haut, la vue me frappe comme un coup de poing. D'un coup, la fureur s'en va, le démon se retire, et ne reste que moi, seul. Et enfin, je réalise. La nuit n'est plus. Les flammes montent jusqu'aux cieux, embrasant les nuages de leur lueur rougeâtre, voilant la lune de son haleine noire, plus noire que la nuit elle-même. Le bruit des bâtiments qui s'effondrent se mêle aux hurlements de ceux qui brûlent, en bas. Je peux presque voir les âmes s'élever, tourbillonner, perdues dans ce ciel d'apocalypse, se lamentant sur leur corps dont il ne reste déjà plus que des cendres... Mes poings se serrent sur le parapet de pierre, ultime garde-fou au dessus de cette ville qui n'est plus qu'une mer de flammes.

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Pourquoi ? En vain, cette question me taraude, obsédante, entêtante. N'ais-je déjà pas fait assez ? Que dois-je encore prouver à ce Dieu qui, sans m'expliquer, me possède, m'utilise, se joue de moi ?
Une larme. L'orage éclate encore une fois, au dessus de la ville qui ne verra pas le soleil se lever. Je lève la tête, le regard perdu dans les nuages. Des gouttes s'écrasent sur mon visage, creusant des sillons dans le masque de sang séché qui me recouvre. Tristesse et lassitude s'emparent de moi, serres tranchantes de l'oiseau du malheur qui s'accroche brusquement à mon coeur. J'aurais pleuré, mais je n'ai plus de larmes, mort que je suis, voué à souffrir. Le sang qui me recouvre, le sang des vies innombrables que j'ai volé, glisse peu à peu, entraîné par l'eau claire à laquelle il se mêle, puis s'enfuit par un trou du parapet, bondissant dans le vide, abreuvant le sol noirci par les cendres, quelques dizaines de mètres en contrebas.

C'est ce moment que choisi le démon pour me rappeler, sournois, que la puissance a un prix. La douleur me traverse des pieds à la tête, irradie mon corps entier, à chaque fois plus insupportable. A genoux, les doigts enfoncés dans la pierre du parapet, les dents serrées à se briser, gémissant, je redécouvre les affres de ce que peut être la peur. La peur de cette sensation horrible, la peur qu'elle ne me quitte plus, s'accroche à moi, au point de ne plus me lâcher, de s'ancrer dans mon corps comme le parasite qui la provoque. J'hurle, seul, en haut de cette tour dominant l'apocalypse.


Chapitre XX : Destinée

J'aimerais mourir... Retrouver cette sensation de liberté que l'on éprouve lorsque l'âme se détache du corps. Malheureusement, la mort est le privilège des vivants. Je retire mes gants, et observe la peau se détacher lentement des chairs mortes. J'ai été élu, pour une raison mystérieuse, par ce dieu dont je ne sais rien. Et je dois, pour une cause que je ne connais pas, souffrir cette non-vie. Avec lassitude, je remets mon gant, cachant l'horreur qui trahit ma nature. Je me relève. L'incendie s'est calmé, noyé sous le froid déluge. A mes pieds, la ville n'est plus que ruines fumantes. Je monte sur le parapet, et me tiens debout, les pieds joints, face au ciel vide.

Oubli... Comme j'aimerais te trouver. Mon corps bascule, de lui-même, vers l'avant. Vers le vide, vers le néant que j'aimerais trouver, dans cette nuit sans fin. Pendant quelques instant, je sens l'air glisser sur mon visage, douce caresse... Ma cape noire flotte, forme comme des ailes dans mon sillage. Mais je ne peux trouver la paix. Je sens quelque chose qui m'appelle, qui me retient, qui refuse cela. Ce destin n'est pas le mien. J'ai encore des choses à accomplir, ou à détruire, sans savoir quoi. Il me faut avant tout retrouver cette dague, et détruire ce démon qui me ronge. Alors, je pourrai m'acquitter de ma tache, quelle qu'elle soit.

Je pivote rapidement, et atteins brutalement le sol. Mes pieds s'enfoncent de plusieurs centimètres dans la couche de cendres froides, et, dessous, la pierre. Je me redresse, reprends conscience de ce qui m'entoure. Des ruines vides, carcasses tristes, noircies. Le long des rues, d'autres ossement, humains cette fois. Carbonisés. Les chairs sont depuis longtemps parties en cendres. Cendres qui forment un couche humide et épaisse, partout. Recouvrant tout d'un voile noir et gluant. La neige des morts...

Plus rien ne vit, ici... Et plus rien ne vivra. Cette cité est à présent une ville maudite, ravagée par ce qui ne peut apparaître que comme un courroux divin. Les voyageurs repartiront aussitôt, craignant les fantômes, spectres et autres morts. Mais il n'y en a qu'un à craindre. Un seul qui soit responsable. Un seul qui puisse réellement faire du mal... Sans pouvoir s'en empêcher. Sans même le décider. Jai l'impression de n'être qu'une poupée entre les mains d'entités mystérieuses, maléfiques. Le destin me réserve bien des surprises. Mais j'en ai assez, des surprises. Elles sont toujours mauvaises.

Je déteste cette idée. Ne pas être maître de moi-même... Allez, marche. Marche vers ce destin que tu crains. Marche vers ce destin auquel tu ne pourra pas échapper. Un pas devant l'autre. Et cette couche de cendres dans laquelle je m'enfonce inexorablement, comme si les morts m'appelaient à eux, voulaient m'entraîner dans les profondeurs de l'enfer, pour se venger, me noyer sous leurs larmes, m'étouffer de leurs cendres, me frapper de leurs os... Et ce silence... Irréel. Même la pluie a cessé. Le monde entier semble en deuil. Un frisson me parcourt l'échine. Une présence, parmi les morts ? Un survivant ? Quelqu'un qui pourra narrer ce qu'il a vu ? Je lui fais face. Mais je ne vois que des ruines. Un ricanement, derrière moi.

Je sais maintenant qui vient me rendre visite. Lentement, je tourne la tête, et cette fois, j'aperçois celui à qui je dois tout. Un rayon de lumière perce les nuages, et se fixe sur lui, tandis qu'il replie ses ailes noires. Des ailes d'anges. Sa sombre cape ne laisse apercevoir que ses mains, serrant son éternelle faux. Une lame si tranchante qu'elle couperait même la pierre. Une lame suffisamment effilée pour couper n'importe quel fil de vie. Il me fixe, et tel un enfant pris sur le fait, je n'ose bouger, craignant le moindre de ses mouvements. Une force invisible me met à genoux. Un éclair, je vois la même scène, ailleurs, un autre temps, un autre lieu. Passé, futur, tout se mêle, tandis que l'ombre bouge enfin, s'approche d'un squelette carbonisé, adossé à un mur noirci. D'une main, il saisi le crâne, le détache, et le porte à hauteur de son visage. Quelle scène étrange... Le crâne regagne sa place. La capuche se tourne vers moi, tandis qu'une voix de tombeau sort de partout.

"Tu m'étonnes à chaque fois... J'ai beau connaître parfaitement ta valeur, je ne peux que m'émerveiller de la tournure que prend ton destin."
Geste évasif de la main qui ne tient pas la faux
"Cette force, cette puissance que tu ne peux déchaîner que sans le vouloir... Cela rajoute un peu de piment à toute cette histoire, tu ne trouves pas ?"
Rire de ces carnages... Je l'aurais frappé, si j'avais pu bouger ne serait-ce que d'un pas.
"Allons, ne te mets pas dans cet état. Il te reste beaucoup de chemin à parcourir, et tu viens seulement de trouver la bonne direction."
Le ton monte, fervent, en un crescendo théâtral.
"Continue dans cette voie, sois mon chevalier. Sois celui qui fauche les âmes, sois la terreur incarnée. Laisse toi guider, et tu atteindras, au bout, ta lumière."
J'essaye, dans un effort douloureux, d'articuler un "Pourquoi ?"
Brusque changement d'intonation. La voix se fait moins forte, presque douce, caressante. La silhouette s'approche, et sa main prend mon menton, levant mon visage vers les ténèbres de la capuche. Ses doigts à la peau si blanche sont froids, froids comme la mort que j'ai en face de moi, la mort qui me possède et que je vis.
"Ce n'est pas encore le moment de te le dire. Dans un autre temps, un autre lieu, tu sauras."
L'espace d'une seconde, je crois apercevoir deux yeux fins, en amande, à la pupille d'un bleu de glace. Je vois presque son sourire, ses dents blanches parfaitement alignées.

Ses doigts quittent ma peau, tandis qu'il se redresse et recule, dans le rayon de lumière. Deux ailes noires, gigantesques, se déploient en contrejour, et enveloppent la silhouette, comme une seconde cape noire. Les plumes d'ébène se détachent, en même temps que ce qu'elles recouvrent. Et, bientôt, il n'y a plus rien devant moi. Le rayon s'élargi, me recouvre, éclaire toute la cité. Les nuages disparaissent, comme au sortir d'un mauvais rêve. Je me relève, enfin libéré, les yeux vers le ciel qui est à présent d'azur. Une curieuse sensation d'espoir m'envahit, et je sais d'instinct vers où marcher. De la cendre foulée, émerge une fleur, comme si de mes pas, je semais la nouvelle vie.




Chapitre XXI : Trolls

Serait-ce celà, mon destin ? Devenir le rédempteur de ce monde ? Être celui par qui arrive la mort, pour que la vie puisse ensuite reprendre ses droits... Exceptionnel, sans doute, mais loin d'être glorieux pour autant. Mes pas me conduisent en dehors de la ville. A l'extérieur des murs, je n'ai même pas à me demander où aller. Le vent se lève, me pousse, fait s'envoler la cendre froide qui se déploie en un panache au dessus de la cité dévastée, comme un voile pour masquer l'atrocité. Un oiseau chante, fête l'arrivée d'un nouveau jour. Comme si rien, cette nuit, ne s'était passé. Comme si tout cela faisait partie d'un vaste cycle, un cercle immuable guidant la vie de chacun, un destin pour un monde entier...

Mais qu'importe, je me sens léger, je veux, pour une fois, profiter de cette belle matinée. J'en ai assez de vouloir toujours trouver un sens à tout. J'enlève mes gants, et je me surprend à fermer les yeux, tendre les mains pour sentir les herbes hautes caresser ma peau. Les insectes chantent, la nature elle-même semble vouloir être heureuse en ce nouveau jour. Toujours guidé par mon mystérieux instinct, je pénètre dans une forêt, abandonnant derrière moi les champs et les ruines. Les rayons tamisés du soleil forment de curieuses arabesques à travers le feuillage. Au coeur de la voute verdoyante, de nombreux volatiles s'échangent leurs refrains. Je lève la tête, continuant à marcher dans le sous bois, laissant la calme douceur de la forêt m'envahir...

Un pas de trop. Le sol s'effondre, laisse passer mon pied, ma jambe, mon corps entier, et c'est impuissant que je me vois chûter à la rencontre d'un pieu vertical, aiguisé, menaçant. Le choc est rude, mes mains glissent, s'accrochent, par réflexe, à la chose qui s'enfonce dans mon ventre. Aucune douleur... Mais je suis piégé, impuissant, tandis que des trolls sortent des bois et se rassemblent autour du trou, me détaillant avec curiosité. Je ne suis pas le genre de proie qu'ils attendent. Quel drôle d'humain je dois faire, les cheveux blancs, ne perdant pas de sang. Dans ces régions reculées, que le Fléau n'a jamais atteint, les morts-vivants sont très rares. Tant mieux, cela me laisse l'avantage de la surprise. Alors je reste immobile, simulant la mort, attendant qu'ils me sortent de là.

Et, en effet, intrigués et voulant libérer le piège pour une nouvelle proie, c'est ce qu'ils font. A l'aide de cordes grossières, ils me hissent hors du trou, puis m'attachent, tel un gibier, à une perche qu'ils portent, horizontale, sur plusieurs épaules. Poussé par la curiosité, je me laisse faire. Ballotés au rythme de leur pas souple et rapide, je devine aisémment notre destination : leur village. Comptent-ils me faire rotir comme un vulgaire gnoll ? Qu'importe, nous verrons.
Les bruits de la forêt s'atténue, tandis que je reconnais l'odeur caractéristique d'un village indigène. Mélange de feu, de viande grillée, de déjections... Les premices de la civilisation. On me dépose au sol. J'intrigue les trolls, qui n'ont pas vu de morts-vivants depuis des siècles. Ils me reniflent, me tâtent, échangent des grognements interrogateurs. Je comprends qu'ils appellent leur chaman, qui est aussi leur sage, leur chef, et leur doyen. Leur structure sociale est bien plus évoluée que l'on ne pourrait s'y attendre...

Tout à mes réflexions, je m'aperçois à peine qu'on me retire mon armure, alors que je feins toujours la mort. Le sorcier arrive enfin. Il m'ausculte, fouille la blessure qui me perce le ventre. Il apose ses mains sur mon front, puis s'écarte brusquement, effrayé. Dans un état d'excitation extrème, il s'empresse d'allumer des brûlots qu'il disperse à intervalles réguliers autour de ma dépouille, tout en creusant dans la terre humide de curieuses runes à l'aide d'un long poignard que je devine être un objet de cérémonie. Tout cela en incantant d'une voix grave, sous le regard de ses congénères, emplis de crainte mystique, curieux mais aussi un peu effrayés par l'inconnu.

Les tambours se mettent à battre... Non pour la guerre, mais pour accompagner le prêtre, qui s'est dressé, les bras écartés, bien campés sur ses jambes, et qui continue à incanter, appelant à lui des forces dont l'origine s'est perdu dans les âges primitifs.

Le sorcier se tait, s'agenouille au-dessus de moi, rassemble ses mains griffues sur la garde du poignard ouvragé. Les tambours battent désormais à un rythme effréné, faisant songer à un coeur qui s'affole. Les bras du troll s'abaissent, et la lame sacrificielle s'enfonce dans mon propre coeur, qui, lui, ne bat plus depuis longtemps. J'ai à peine conscience de ce qu'il se passe. Je sens que des forces magiques dont je ne connais pas la nature se transmettent le long des bras de mon bourreau, pénètrent en moi par la lame du poignard, se répandent dans mon corps... Les ténèbres m'envahissent... Je perds conscience.




Chapitre XXII : Âme


Un trou noir, s’ouvre sous mon corps meurtri, et je plonge, plonge, sans pouvoir me raccrocher, immobile, anéanti, je plonge, dans ce noir qui m’englouti…

Pour l’éternité, ou quelques secondes ? L’obscurité semble prendre vie autour de moi, se meut, s’affole, me touche, me caresse de sa froideur infinie, essaye de deviner qui je suis.

Je vois des lumières qui tourbillonnent, loin au dessus de moi… Des étoiles ? Des étoiles qui tournent ? Où suis-je ?

La lumière est rouge, glauque, menaçante. La couleur du sang. La couleur que je finis par craindre. Cette couleur maudite… Un couloir au mur peint de sang. Des pierres qui suintent du sang. Un plafond infini, perdu dans l’obscurité, qui pleure du sang. Il pleut du sang… J’avance dans le couloir, alors que le niveau monte, vite, vite, de plus en plus vite. Le couloir ne fini pas… Et m’englouti.

Encore une fois, je tombe, mais cette fois, tout est rouge, tout tombe autour de moi… Je vois des os qui tombent, des cadavres, la tête en bas, qui me sourient, d’autres qui me maudissent, tous devenus des abominations au rictus effrayant. Ils me saluent. Me détestent. Se réjouissent de ma chute sans fin, sans commencement, sans pesanteur, sans repères…

Un immense battement. Une pulsation qui fait vibrer le moindre mes os. Une pulsation qui rythme la pluie de sang qui m’entoure, m’accompagne dans ma chute, recouvrant les têtes grimaçantes qui m’offrent leur ultime regard, après m’avoir donné leur vie. Innombrables…
Un cœur ? Un cœur immense qui bat ?

Non. La pulsation s’arrête. S’éteint. Se meurent. Atour de moi, tout devient gris. Une tristesse infinie se peint partout. La lumière faibli. Les étoiles tombent en sifflant, minuscules, brillantes comme des soleils, hurlantes autour de moi, m’accompagnent à leur tour dans ma chute. Des âmes… Des âmes que j’ai soufflées, des âmes qui se sont envolées par ma faute.

Un mot vient se plaquer sur mon esprit impuissant. Mort. La mort par dizaines, par centaines, par milliers, par millions. Les âmes pleuvent. Les âmes pleurent. Le gris devient noir. Je suis allongé sur un sol dur. Mes yeux s’ouvrent, et je vois un ciel noir, noir et rouge, du noir de la nuit, sans étoiles, rouge de la flamme. Cette flamme qui danse au dessus de moi, cette flamme qui consume les hommes, cette flamme qui brûle les villes, cette flamme qui éclipse les étoiles, cette flamme gigantesque qui jamais ne s’éteint.

Une ombre se penche sur moi. Un crâne, encore un. Non… Un visage d’homme. Un visage d’ange triste. Un visage fin, blanc, aux yeux de glace, exprimant une froideur infinie. La froideur de la Mort. De longs cheveux blancs qui s’échappent de sa capuche d’ombre… Des cheveux qui s’étirent, s’étendent, deviennent monstrueux, m’entourent, me serrent, me portent, tandis que le visage grandit, lui aussi, rempli ma vue, devient le ciel, devient le monde. Les cheveux me recouvrent d’un linceul blanc, m’immobilisent, me recouvrent entièrement. Des cheveux qui se transforment en deux bras fins et blancs, deux bras de femme, une femme dont j’entrevois le visage, une femme qui m’apparaît immense. Une femme au visage digne, royal. Une femme qui pleure. Une femme à la douceur infinie. Une femme triste, une femme qui me berce… Une femme qui se transforme brusquement. Ses épaules s’élargissent, se recouvrent d’acier. Son visage lisse est remplacé par le visage brut d’un guerrier aux yeux de feu. Les bras qui me tenaient se transforment en une lame, une épée dont je tiens la garde, une épée le long de laquelle coule un liquide épais et rouge, une épée couverte de sang, du sang provenant du ventre de l’homme en face de moi, de l‘homme que je reconnaît comme mon père. De l’homme qui ne m’a pas élevé. De l’homme qui s‘est avéré mon premier ennemi, et ce depuis ma naissance. De l’homme que j‘ai tué. Son regard est furieux, brûlant, vaniteux. Comme s’il ne voulait croire à sa propre défaite… Comme s’il n’acceptait pas d’être dépassé par cette chose sortie du ventre de sa femme. Brusquement, son regard change. Devient infiniment triste. D’un geste d’une lenteur inconcevable, il lève ses bras vers moi. Ses mains couvertes de son propre sang. Ses mains qu’il tend, comme pour m’attraper. Son sang bouillonne, s’échappe à flot de la blessure. Il bouge, s’avance vers moi, s’enfonce un peu plus sur la lame. Le sang sort à présent par sa bouche, ses yeux gardant leur expression triste. Implorante. Aimante, presque. Une expression que je ne lui ai jamais connue. J’essaye de me libérer, de me démener. Je ne veux pas qu’il me touche. J’essaye d’échapper au fantôme de ma jeunesse. Le fantôme de ma haine. Mais rien ni fait, mes mains restent désespérément agrippée à la garde de l’épée, garde bientôt rejointe par le ventre du guerrier. Son sang me ruisselle à présent sur els mains, tandis que les siennes se posent avec lourdeur sur mes épaules, toujours dans ce même mouvement tellement lent qu’il semble ne jamais se finir. Sa bouche remplie de sang, ses dents rouges de ce même sang, s’ouvre, se découvre, pour lâcher dans un dernier souffle des paroles que jamais il n’avait pu prononcer.

« Tu m’as déçu, fils… »

Tout à mon horreur, je fixe ce visage qui, encore, se transforme, se déforme, prend de nouveaux traits. Les traits de l’homme aux cheveux blancs et aux yeux froids. Lui, me fixe avec une autre expression. Son regard transperce mon âme comme s’il était fait d’acier. Je baisse le regard, t c’est désormais lui qui me transperce. Lui qui tient une épée, que je reconnais comme Frostmourne, et qui me perce, me transperce, le poitrail, faisant fi de mon armure, fracassée par le pouvoir de la lame démoniaque. Par elle, un grand froid m’envahi… J’observe ce visage, qui, je le remarque maintenant, ressemble tant au mien. Lui aussi ouvre la bouche pour prononcer des paroles que je n’ai jamais entendue, que je n’entendrais jamais.

« Toujours mieux, fils… »

Que veut-il dire ? Moi, son fils ? Mes questions se perdent dans les méandres de mon esprit torturé par la lame qui fouille mon âme, par ce regard qui déchiquette mes entrailles. De sa bouche sans fond, entre ses dents parfaitement blanches, d’entre ses lèvres fines et marbrées, les mots vivent, se transforment en une fumée noire. Fumée qui m’enveloppe, me dévore, me recouvre encore…

Et la chute reprend, infinie, encore, toujours… Je vois des images que je ne connais pas. Des images que je n’ai jamais vues. Des images de ce qui sera. De ce que je serai. De ce que je ferai. Des images de mon futur, de mes futurs… Je vois, je tombe, je vois des hommes, je vois des taurens, je vois un elfe à l’unique main, je vois un ange de lumière, je vois des dragons, je vois des ombres, beaucoup d’ombres… Je vois des batailles, je vois des morts, toujours la mort, encore et toujours des morts, des cadavres, du sang, toujours du sang…
Une goutte de sang, qui coule sur une peau parfaite et satinée. Une goutte vermeille qui paraît une insulte à la perfection de cette jambe qu’elle marque d’une cicatrice brûlante. La peau d’une elfe, la peau d’un ange, la peau d’un être hybride, la peau d’une créature unique, aux cheveux de lumière…

La goutte ralentit, grossit, puis repart, rapide, coule, coule sur cette jambe qui n‘en finit pas. Cette goutte qui chute, reflétant la lumière d’un visage marqué par la douleur. Cette goutte qui atterrit sur un lit de plumes, des plumes d’un or chatoyant, des plumes d’un noir de ténèbres, des plumes d’une douceur sans pareille, des plumes d’un amour fou et interdit. La goutte grossit, explose, forme un corps, une tête, des bras, une chose mouvante, hurlante, pleurante.
Sous l’impacte, les plumes s’envolent, comme autant de volatiles affolés. Volent, tourbillonnent, les plumes… Elles tombent vers le haut de cet univers fou. Les plumes noires s’organisent, deviennent une aile, deux ailes, un homme, toujours le même homme au regard de glace, cet homme qui n’en est pas un, cet être de noirceur, cet être de glace, qui tend une main blanche et fine vers l’enfant qui se forme, toujours changeant, masse sans contour défini, bouillon de vie à l’état brut. Les plumes dorées s’organisent elles aussi, deviennent une femme à la beauté particulière, lumineuse, plus encore que la précédente. Une expression de sagesse et de douceur peinte sur son visage, elle aussi tend la main vers la chose. Les deux mains l’atteignent au même moment, l’une répandant le froid de la mort, l’autre la chaleur de l’amour. Et de cette formidable alchimie, impossible, fait naître les contours de la chose qui s’illumine d’un feu intérieur, devient une flamme, un bûcher immense qui fait disparaître les deux êtres, une flamme qui m’engloutit, me brûle, me détruit encore une fois.

Et, une fois de plus, je tombe, tombe… cela n’aura-t-il jamais de fin ? Ha, du nouveau. Une formidable lumière m’environne, me porte. La lumière blanche, pure... Qu’on ne peut rapporter qu’à la vie, la justice. La pureté des âmes, enfouie loin derrière les meurtres, les regrets, les fantasmes, le passé… Je suis debout sur un sol invisible. Porté par un rayon de lumière… L’univers est d’un blanc parfait… J’y suis seul, désespérément seul. Enfin maître de mes mouvements, je me tourne pour observer le reste de cet espace sans limites. Blanc, partout… Sauf une chose. Une chose qui s’étale sur le sol, nulle part et partout à la fois. Mon ombre, fidèle, intangible… Qui, cette fois, se rebelle. Elle bouge, sans que je n’aie esquissé un geste. Elle se détache, et mon regard la suit avec horreur. Elle s’affirme, devient créature, matérielle, noire, faisant tache dans cet univers immaculé. Et la forme qu’elle prend…

C’est moi-même. Je reconnais l’armure. Je remarque la dague plantée dans mon cœur. Dans son cœur. Son regard de braise… Mon regard de feu. Qui ? N’importe. Il tire son épée. Mon épée. Frostmourne et sa sœur jumelle. Inconcevable… Les deux lames se heurtent avec un gémissement strident. Des visions passent, s’affolent, devant mon regard qui ne sait plus où porter. Je me vois sous une pluie battante, sur une immense stèle de pierre, ma battant contre un autre adversaire, un démon aux yeux de feu, aux cornes noires, à l’épée gigantesque…
Tout cela me perturbe. Par automatisme, je riposte, esquive, me fend, recule, me bats avec une énergie qui semble inépuisable. Parallèlement, je me bats contre cet autre ennemi, sombre lui aussi. Les deux lames s’enfoncent en moi au même moment… encore. Mais à quoi sert donc cette armure ? Les deux adversaires, sur des plans différents, me fixent d’un regard narquois. Je chasse la vision du démon, me concentre sur mon ombre. Je ne sens rien. Je suis mort. Ma lame se lève, s’enfonce à son tour dans le ventre de l’autre moi. Douleur. Pourquoi ? L’autre sourit. Moi aussi. Que fait-on, à présent ?

La rage. La folie. Qu’est ce qui fait la différence ? Dans un éclair, je comprends ce qui se trouve en face de moi. Le démon de la dague… Moi ? Mon être ? Non. La colère m’envahit. Je suis autre. Je ne suis pas cela. La haine se propage, feu éternel, dans la lame qui transperce l’ombre. Mais cela ne la tue pas… Au contraire, elle semble se renforcer, sourit un peu plus devant mon désarroi. Elle retire sa lame de mon corps, et je fais de même. Chacun se prépare à assener un autre coup à son double, levant haut les lames jumelles.

Non. Je réalise un peu plus. Tout ceci n’a pas de sens. L’issue elle-même ne doit pas être si simple. Je détourne sa lame, recule. Non. Je perce sa garde, m’approche dangereusement. Lui aussi me perce, encore. Ma main agrippe la dague plantée dans son cœur. Dans nos cœurs. Il cesse de sourire, je commence seulement. Violemment, je retire l’arme. La blessure béante laisse échapper un flot de noirceur, un nuage sombre de sang démoniaque qui asperge le sol blanc. Son corps redevient intangible, change, se transforme… J’ai devant moi un véritable démon. Indescriptible, sa gueule bardée de crocs s’ouvre comme pour me happer. Je recule, mes doigts serrés autour de la cause de tout ceci. L’ombre redevient l’ombre, se fond, disparaît, ne fait plus qu’un avec le sol… Il n’est pas mort. Mais je suis tranquille, au moins pour un temps…

Mes jambes ne me tiennent plus. Le sol s’évanouit sous moi, et je reprend ma chute interminable, dans le noir, le noir le plus profond… Mais dénué d’ombre.



Chapitre XXIII : Eveil

La nuit… S’éclaire enfin. Au bout du tunnel, la lumière m’apparaît, prometteuse, salvatrice, blanche, pure à en pleurer… Je monte, remonte vers cet astre qui m’attire, m’appelle, comme si je ne pouvais aller ailleurs, comme s’il ne pouvait en être autrement. Elle envahi mon être…

J’ouvre les yeux. Au dessus de moi, un plafond fait de branches attend sagement mon réveil, me protégeant des cruels rayons du soleil. Ceux-ci passent tout de même, isolés, jouent avec la poussière en suspension dans cet air confiné… Les particules dorées s’agitent, frémissent, tandis que le moindre de mes mouvements les fait s’affoler, comme autant de petits insectes affolés.

Aux murs, des masques aux motifs complexes et colorés me fixent de leurs yeux vides, me jugent de leurs bouches muettes et de leurs regards menaçants. Le rêve me revient, confus, aussi fou que ce que l’âme humaine peut imaginer de pire. Les rares détails qui subsistent dans mon esprit embrumé sont suffisamment horribles pour ne pas me donner l’envie de me remémorer le reste. Il y a des pensées qu’il faut parfois occulter… Par réflexe, je pose ma main sur mon front. Froid… Evidemment. Je suis mort.

Avec cette constatation reviennent tous le souvenirs des jours précédents. Cruel tourment d’une âme éternelle, condamnée à se souvenir de tout. Tout les crimes, tout les meurtres, toutes les batailles… toutes ces âmes éternellement maudites par ma folie…

Je ferme les yeux. Ma main descend, passe sur mon torse. La Dague, le poignard du sage… Chacun à laissé sa marque indélébile dans mon corps inerte. Plus bas… Un vide angoissant. Le pieu, lui aussi, m’a marqué d’une cicatrice… Un trou dans lequel passe aisément ma main, pour aller toucher la couche sur laquelle je suis allongé… Il a manqué ma colonne vertébrale, ainsi que els cotes. Seuls les vestiges de mes organes abdominaux ont été atteints… Coup de chance. J’ai beau être mort, avec quelques vertèbres en moins, j’aurais nettement plus de mal à me déplacer… Enfin, l’essentiel est encore là.

Aussi silencieusement qu’un courant d’air, le vieux sage entre dans la hutte, et s’aperçoit que j‘ai émergé des brumes du sommeil. Un instant, une question me vient. Comme puis-je dormir, alors que je suis mort ? Il m’a sans doute plongé dans un coma magique… Ce qui impliquerait que le rêve aussi était de nature magique… Et donc que ça avait sûrement plus d’importance qu’un simple songe ? Les implications de tout ceci me tétanisent. Je préfère ne pas y penser, et me concentrer sur le troll qui m’approche. Aussi doucement, calmement qu’il le peut, il se penche sur moi, espérant ne pas attiser ma colère.

Sans fioritures, je lui demande ce qu’il m’a fait. Dans un langage approximatif aux accents gutturaux, il essayer de m’expliquer qu’il a senti le démon en moi, et qu’il a fait ce qu’il a u pour m’aider. Je lui demande de quelle manière, ce à quoi il me répond qu’il m’a donné la force de le vaincre… Je comprends alors la dernière scène de mon rêve. Vaincu, le démon ? Non, seulement emprisonné, affaibli, m’apprend-t-il. Jusqu'à la destruction de son support, la Dague qui ‘ma transpercé, il me hantera, provoquant les crises de folies qui me déchirent l’âme… Avec plus ou moins de force et de fréquence, selon l’état dans lequel il sera. Grâce à l’aide du sorcier, je suis à l’abri de ces crises pour plusieurs siècles, selon lui… Je n’ai rien à perdre a le croire.

C’est alors que je vois la lueur d’espoir dans le regard du vieux sage. Y a-t-il un prix à payer ? Oui, une mission à remplir… Comprenant que j’ai besoin d’explication, il s’assoit à même le sol, et, de son langage haché par le manque de vocabulaire et l’absence de pratique, il me narre une incroyable histoire : il y a plusieurs siècles de cela, alors qu’il n’était encore qu’un enfant, un ange apparut dans son village et se présenta comme le messager de la victoire. Il fit alors une série de prédictions sur le futur de la tribu, qui s’avérèrent toutes exactes, dans leurs moindres détails… Des catastrophes naturelles, jusqu'à l’anéantissement de la Horde dans la grande guerre… Conflit dont évidemment, j’étais l’instigateur. Il parle de cette période avec une sainte colère, et j’évite donc de mentionner ce fait. Au contraire, je lui demande ce que tout cela a comme rapport avec moi-même. Mais, déjà, je devine l’identité de cet ange annonciateur de Mort…

C’est donc sans grande surprise que le troll m’apprend que ma venue faisait partie des prédictions… Thanatos avait donc tout prévu, depuis des siècles… Son plan marchait à merveille, et, comme un bon rouage bien huilé, je suivais le mouvement sans poser de problème… Mais la prédiction ne s’arrête pas là. Ma venue, pour la tribu, est ce qui doit lui arriver de mieux. Je dois prendre les commandes des guerriers trolls, réunifier la Horde, et la mener vers la victoire dans une croisade vengeresse contre l’Alliance se reposant sur ses lauriers. Joli programme… L’ampleur de ma tache ne me fait pas vraiment peur. Après tout, j’ai toute l’éternité pour ça…

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Dernière édition par LePrinceNoir le Jeu 07 Sep, 2006 19:06, édité 13 fois au total.

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MessagePublié: Jeu 24 Fév, 2005 11:36 
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Inscrit le: Jeu 13 Jan, 2005 13:24
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Chapitre XXIV: Ralliement

Je m'écrase sur le sol, soulevant un nuage de poussière qui filtre un instant les cruels rayons du soleil. Dois-je me relever ? Il serait si facile de rester là, allongé sur ce sol sec, à regarder la valse des rares nuages au-dessus de ma tête. Ma vision s'obscurcit, mais ce n'est pas un nuage, mais un pied qui s'abat vers mon visage à une vitesse destinée à faire le plus de ravages possible. Je roule vers la droite, esquivant le pied mais pas les jurons de mon adversaire, qui se bat tant par la parole que par ses poings. Il ferait mieux d'économiser son souffle. Je me relève, juste à temps pour que l'un des poing en question ne me cueille à la pointe du menton avec une force appréciable, m'envoyant de nouveau dans les airs.

J'ai perdu la notion du temps. Dans un rêve, je vois mon adversaire qui m'empoigne, me serre de toutes ses forces, dans la seule fin de me briser, de m'anéantir... Entouré de ses muscles puissants, je tente de reprendre conscience de la situation. Mon adversaire est fort comme un taureau, plus rapide que n'importe quel lutteur, dispose d'une masse de muscle qui suffirait à étouffer un ogre. D'ailleurs, il se rapproche plus de l'ogre que des orcs, dont il est le champion. J'ai pu éviter le bain de sang, dans mon propre intérêt. Pas la peine de perdre des troupes pour en obtenir de nouvelles, alors qu'il suffit de terrasser leur champion pour leur commander. C'est un des avantages du code de l'honneur tribal adopté par la majorité de la Horde.

Mais cette fois, je suis tombé sur du coriace... Une des dernières tribus libres, encore indépendante de l'armée que je forme afin de satisfaire... quoi ? La prophétie ? Thanatos ? Les Trolls ? Ou mon propre orgueil ? Mes os craquent sous la pression. Je ne sens pas la douleur, puisque je suis mort... Mais le combat risque de s'achever si je ne suis plus capable de mouvoir mes membres. Ce qui arrivera certainement s'ils sont brisés, d moins pendant un certain temps. Il me faut donc réagir, si je veux gagner ce combat. J'essaye de retrouver le contrôle de mon corps. Chose rendue malaisée par l'impossibilité totale de bouger. Je m'emploie à briser l'étreinte de fer. Ma force n'est plus limitée par mes muscles, mais seulement par ma volonté... Pour peu que j'arrive à me détacher des considérations concernant les capacités humaines. Alors je bande ma volonté, ne pense plus à ce que devrait être la douleur, et écarte les bras de mon adversaire.

Surpris par ce brusque regain de vigueur, il me rugit dessus, espérant me déstabiliser. Mais non, cela suffit. Ce combat n'a que trop duré. A mon tour, je saisi ses poignets, et tourne vers l'extérieur. Cette fois, ce sont ses os qui craquent. Il ne peux rien faire pour se débarrasser de mes mains, devenues des serres d'acier plantées dans ses bras. Son rugissement se transforme en cri de douleur, tandis que les craquements se font très sonores et cessent brusquement. Je le relache et m'écarte, prenant la mesure de mon oeuvre. L'orc est toujours debout, mais ses deux bras pendent, inutilisables. Ses deux épaules sont brisées, et il n'en retrouvera l'usage qu'après une longue convalescence, ou une intervention magique.

Mais la magie, comme les armes, sont bannis de ces combats. L'honneur tribal est étroitement lié à la force brute, surtout chez les orcs. Je suis déclaré vainqueur. Les spectateurs, imperturbables tout du long de l'affrontement, me lorgnent avec une expression de respect. Ceux qui ont entendu parler de la prophétie, assez nombreux, rêvent déjà de gloire et de victoire.

J'autorise de nouveau la magie à parcourir mon corps, réparant les dommages gênants infligés à certains os. Mon adversaire vaincu tombe à genoux sous la douleur, ses bras toujours ballants. Malgré tout, il ne me hait pas. Je vois dans son regard le respect envers le grand combattant. Pas la haine envers le rival. Ce n'est pas un mauvais bougre, après tout... C'est juste -c'était- le champion, le gagnant incontesté des tournois orcs. Il aurait pu devenir le chef, s'il avait été ambitieux, et s'il n'avait pas été si fidèle à son propre chef de tribu. Je me rapproche, sans que sa posture ne change. En revanche, son expression devient résignée. Alors que je m'arrête à un pas de lui, il me regarde dans les yeux et dit que lui, Mortock, rejoindra son dieu avec fierté, car il fut vaincu par un adversaire puissant. Puis il baisse la tête, offrant sa nuque à mon regard. Un orc m'apporte Frostmourne, soigneusement rangé dans son fourreau. Les spectateurs, toujours silencieux, semblent s'attendre à ce que j'achève mon adversaire vaincu...

Je dégaine l'épée maudite, lève la lame, laissant le soleil se refléter dessus, le démon de l'arme se reveiller, murmurer... Puis l'abat dans un sifflement, chacun retenant son souffle, suivant du regard l'arc mortel.
Mais pour une fois le sang ne gicle pas. La lame se plante dans le sol, les murmures cessent, le démon se rendort, frustré. Je lève les mains et les pose sur les épaules meurtries. Je ne me suis jamais essayé au soin, mais il faut un début à tout. Je ferme les yeux, ordonne mentalement aux os de se replacer, les ressoude par la pensée... Autour de nous se répend une lumière rouge, et le champion hurle de nouveau. Puis tout cesse.

Je retire mes mains des épaules fumantes de l'orc. Il me fixe, étonné, et remue doucement ses bras, n'osant croire à sa chance. L'opération est réussie, même si ce fut loin d'être sans douleur pour lui. Encore un talent qu'il me faudra perfectionner... Plus tard. Je tends la main au dénommé Mortock, qui la saisi avec hésitation, toujours abasourdi par mon geste. D'une traction, je l'aide à se relever, puis lui sourit.

Il me répond de la même façon, puis s'agenouille, le regard tourné vers le sol. Toute l'assemblée, incluant le chef de la tribu, l'imitent dans un geste de soumission totale. Mon sourire s'élargi. De nouveau, j'ai une armée à mes ordres...




Chapitre XXV : Tambours de Guerre


L'honneur des tribus n'est pas une chose à prendre à la légère. Je les ais conquis par la force, et il me serviront pas la force... Cette immense puissance brute, sauvage, inimitable, de la horde en marche. Mon camp s'élève à la lisière de la forêt abritant la plus grosse population trolle du pays. Du haut d'une colline, je contemple les feux de camp, étendue de points lumineux répandu à mes pieds comme une offrande versée. Au loin, les tambours battent, et bientôt l'on aperçoit un cortège de flambeaux, annonciateur de l'arrivée d'une nouvelle tribu. En réponse, les tambours du camp se mettent eux aussi à battre, au même rythme, simple, mais tellement porteur de force... Le véritable coeur de l'armée qui bat, et qui réclame la bataille...

Enfin, le fleuve de lumière atteint la mer, et une grande clameur s'élève tandis que les tambours redoublent d'ardeur. Ce soir, les troupes fêteront cette arrivée, comme ils fêtent d'autres arrivées, soir après soir. Rien de tel pour souder les effectifs. Quand à moi... Moins ils me voient, mieux il se portent. J'ai beau être leur chef, ils ne me respectent que parce que cela fait partie des lois tribales. J'ai encore trop l'air d'un humain... Je passe ma main sur mon visage. Un lambeau de chair y reste accroché, nécrosé, à moitié décomposé. Bon, d'accord, de près, je ne dois plus trop ressembler à un humain en bonne santé.

Je me lève et rentre dans la tente qui me sers de quartier général. Un peu partout, des gardes veillent à ce que personne ne m'atteigne. J'ai beau affirmer ne pas avoir besoin de protection, il refusent de me laisser seul... A croire que ma peau vaut encore quelque chose. Ils me prennent pour une sorte de prophète... Un seigneur de guerre qui les mènera.

Alors je m'y prépare. Je n'ai plus le sommeil, et j'en profite. Le jour, j'entraîne les troupes, forme les officiers. La nuit, j'étudie. Plans et cartes sont passées et repassées au peigne fin, tandis que je cherche des stratégies, des failles dans les défenses, des plans pour anéantir l'ennemi avec des pertes minimales. Difficile lorsqu'on ne connaît pas exactement les effectifs ennemis. Mais j'en connais suffisamment, pour avoir moi-même commandé ces armées, il y a quelques années... Ou était-ce il y a un siècle ? Je n'ai plus la notion du temps. Je ne compte plus les jours au rythme de ma décomposition. J'ai l'impression que je rassemble des troupes depuis des années... Il y en a tellement. Où étaient-elles, lorsque j'étais dans l'autre camp ? Mystère. Mais mon travail est à présent de tacher qu'il n'y aura plus ni surprise ni mystère. Alors j'établis stratégie sur stratégie, nuit après nuit, sous l'oeil sévère mais respectueux des anciens chefs de tribus.

Face à l'entrée de la tente, je suis assis sur ce que les trolls appellent mon « trône » mais qui n'est pas grand chose d'autre qu'un fauteuil de bois et d'os. Penché sur les cartes étalées sur la large table devant moi, j'entends la tenture bouger. Je lève les yeux et me retrouve face à une montagne de muscles recouverts d'une peau vertes couturée de cicatrice. Un sourire éclaire ce qui reste de mon visage lorsque je reconnaît Mortock, mon plus coriace adversaire... C'est sa tribu qui vient d'arriver cette nuit, et il en est le porte parole. Très bien... Peut-être qu'il se révélera autre chose qu'un bon combattant. Je le renvoies, lui et ses hommes ont eu une longue route et ont besoin de repos.

La nuit passe sans bruit, et c'est avec douceur que le soleil se lève et vient remplacer la lueur de ma torche. Un rayon égaré passe sur l'un de mes cartes, s'arrête quelques instants sur la position d'une des plus grosses villes humaines... Je préfère ignorer le phénomène, qu'il soit hasard, présage ou illumination, et je sors enfin. Un regard ordonne à l'un des gardes de sonner le réveil. Et le coeur se remet à battre, résonnant dans la terre et dans le crâne des pauvres soldats un peu trop festifs. Une heure plus tard, tous sont sur le pied de guerre, et l'entraînement commence, gueule de bois ou pas. Les tribus sont divisées en formations classiques : armées, bataillons, régiments, escouades... Les guerriers réputés pour leur sauvagerie sont rassemblés en équipes de choc, tandis que les trolls les plus discrets deviennent des guerriers de l'ombre, invisibles et mortels.

Les manoeuvres s'enchaînent, et l'incroyable sens de la guerre tribal montre là son meilleur aspect : les officiers sont des commandeurs nés, et tous respectent les ordres donnés à la seconde. Sans rechigner, ils obéissent aux commandes les plus farfelues, faisant confiance à leur chef qui ont une meilleure vue d'ensemble du champ de bataille. Ils appliquent des stratégies que j'ai élaboré pendant des nuits, se préparent à les exécuter sur les champs de batailles, au son des tambours de guerre. Entre les manoeuvres, les armes sont affûtées, les armures huilées, vérifiées encore et encore. Le camp fourmille d'activité diverses, tandis que la forêt et les collines alentours résonnent des hurlements des officiers. Je passe dans les rangs, surveille, observe, le visage caché par mon casque, ceux qui se battront sous mes ordres. Ceux dont j'aurais la vie entre les mains... Ceux qui sont, ici, autant d'insectes dans une gigantesque fourmilière...

Puis viens la nuit, et tout recommence.

Mais voilà qu'un jour nouveau se lève, où je contemple l'armée désormais complète. La dernière des tribus nous à rejoint il y a un mois, et tout ce que compte le monde d'orcs, de trolls et de taurens a été rassemblé et entraîné, apprêté à combattre. Et je souris de nouveau, car en ce jour maudit, nous levons le camp. Les tentes disparaissent, se plient, les montures sont harnachées, les armées se préparent au départ.
Enfin, tous sont debout, prêts, le regard levé vers ma silhouette qui les domine, du sommet de la colline. Un instant, je savoure ce frisson qui me parcoure, à la vue des premiers rayons de l'aube qui jouent sur les lames, les armures, tout cet acier poli habité de la folie la plus meurtrière, trépignant dans l'attente du signal qui annoncera la libération de leur rage meurtrière.

Je ferme les yeux, tout mon corps parcouru lui aussi de l'impatience de la bataille. Mes paumes tournées vers le ciel accueillent le feu de l'astre naissant, et la mana se concentre dans mes mains qui se nimbent des flammes de la colère. Lentement, je lève les bras vers le ciel, concentrant toujours plus de folie entre mes doigts, défiant la sérénité de l'azur. De ma gorge, naît un hurlement qui s'échappe de ma bouche sans lèvres, et j'écoute, jouissant, ce son rauque que personne ne saurait arracher d'un humain, et qui se répercute, porté par les milliers de voix qui réclament la guerre. De colline en colline, de forêt en forêt, la violence arrive, la Mort s'annonce, et tous, cette fois, tremblent devant ce qui arrive.

Le hurlement des milles voix s'éteint, et les flammes dans mes mains explosent, teintent le ciel d'un rouge sanglant qui baignera bientôt la terre. Les tambours prennent la relèvent, plus nombreux que jamais, et cette fois c'est le sol qui tremble sous le déferlement de fureur. Ce rythme, cette pulsion, cette furie, reprise dans le pas d'innombrables pieds martelant la terre avec détermination, qui secouera les fondations du monde...





Chapitre XXVI : Renforts

Cela fait maintenant plusieurs mois que nous sommes en campagne. Les premiers temps ne furent que massacre irraisonnés : tout village rencontré était pillé et rasé. Derrière nous ne restaitt plus aucun mur debout, aucune vie épargnée. Nous avons saigné à blanc les terres des humains, jusqu'à ce qu'il ne reste plus rien à détruire que la terre elle même. Mais voilà, aveuglés par la soif de carnage, et après avoir défait une grande partie des forces rassemblées contre nous... Nous nous sommes laissés encercler dans la dernière des villes humaines.

Et, depuis des semaines, la ville assiégée souffre, gémit, agonise comme un animal frappé à mort. La nourriture n'est plus qu'un rêve qui dévore les esprits. Les gorges asséchées grognent devant les puits vides. Des soldats disparaissent régulièrement. Pas de désertion... Mais les plus faibles nourrissent les plus forts. La loi de la nature, qui revient toujours dans les situations telles que celle-ci, où le désespoir est devenu si profond que l'on préfère se raccrocher à son instinct animal, primaire, plutôt que de réfléchir à la réalité des choses.

Sur les remparts, pas de combats. Je marche tel un spectre sur les murs de la ville fortifiée. Quelques soldats s'accrochent encore à leur sens du devoir et veillent à ce qu'il n'y ai pas d'infiltration ennemie. Mon regard las parcoure le camp adverse... Des milliers de tentes, la plupart de facture elfique. Les voilà plus nombreux que nous. La maladie, la faim, l'isolement font bien plus de victimes que l'ennemi lui-même.

L'odeur de la mort plane sur la ville, accompagnée du croassement des corbeaux qui planent en nuages au dessus de ce qui est devenu un charnier. Les centaines de cadavres qui se décomposent lentement au pied des murs... Partie intégrante de la stratégie de siège. Tout est mis en oeuvre pour faire craquer les assiégés, pour les pousser à tenter une sortie et se faire massacrer à l'extérieur des murs...

Moi aussi, j'ai appris la tactique auprès de maîtres. Je ne suis pas un banal chef de guerre qui a pris le pouvoir par pure ambition. Tout cela fait partie de mon destin. Grâce à ce cher Dieu qui doit se régaler à l'heure qu'il est. Je me fige : une idée germe, prend forme, et un sourire vient éclairer la bouche qui ne possède plus de lèvres. Les Morts... Ils ont attendu trop longtemps.

Soudainement fébrile, je rejoint mon quartier général, fouillant en tremblant les cartes étalées sur la grande table. Il faut que je sorte de cette ville. Par pour la fuir, non, mais pour sauver l'armée emprisonnée dans ces murs. Ces milliers de soldats qui m'ont suivi, et qui sont en train de mourir à petit feu dans une guerre que je leur fait perdre. Enfin, je trouve une carte des terres humaines. Guidés par de vagues souvenirs, mon doigt parcoure les lignes d'encre, frontières, villes, monts, rivières... jusqu'à une vallée, oui, cette vallée. Là où, longtemps auparavant, j'ai abandonné ce qui était à l'époque mon armée. Là où j'ai laissé mes soldats éternels, pour pouvoir revenir, seul, dans la ville qui était mienne, et y faire naître la légende. De toute cette réflexion, le sourire malsain ne quitte pas les ruines de mon visages. Les yeux illuminés d'une lueur mauvaise, je réfléchi à une diversion qui me permettrait de sortir... Oui... Le mana, impatient, parcoure déjà mes mains tremblantes d'excitation.

Rapidement, je rassemble ce qui reste de mes officiers. Je les mets au courant de ce qui va se passer... Et, immédiatement, ils reprennent de la vigueur et courent donner des ordres à leurs soldats. La flamme du combat se rallume dans les yeux éteints...
Une heure plus tard, me voilà de retour sur les remparts, incantant, tissant les sortilèges les plus complexes et les plus destructeurs que je puisse imaginer. Et, une fois fini, je me repose quelques instants... La nuit est calme, douce, un léger vent fait chanter les arbres, frissonner leurs feuilles. Une belle nuit d'été... Dire que je vais devoir la gâcher.

Déterminé, je lance la première boule de feu au dessus de la ville, qui illumine les remparts bondés puis s'éteint avant de toucher le sol. A peine sa lueur a-t-elle décliné que d'innombrables traits de feu partent des murs, traçant leur sillon de flamme dans la nuit étoilée. Quand à moi... Je déclenche mes sortilèges, et les exposions secouent la terre. D'étranges créatures naissent sous mes doigts, composée de mana, et partent en hurlant vers les tentes qu'elles déchiquettent, piétinent avec leurs occupants. Sous la pluie de feu, l'ennemi panique, s'alerte, tente de se reprendre en main. Sans succès. C'est le chaos total dans le camp adverse. L'océan de tente est soulevé par les vagues de flammes, secoués par les monstres qui chargent au travers, agrémenté des hurlements d'horreur de leurs victimes.

C'est l'heure. Les panaches de fumée voilent la lune. Je saute des remparts, atterri dans un tas de cadavres gonflés qui éclatent avec un bruit mou sous l'impact. Puis je cours vers le campement ennemi, le traverse, sans prendre garde au scènes d'horreur éclairées par a lueur rougeâtre des incendies. Les faciès hurlants, les visages grimaçants de douleur ne m'évoquent aucune pitié. J'ai trop vu d'horreur dans cette ville assiégée par ces prétendus soldats du bien.

Au coeur du chaos, personne ne prend garde à moi. Je traverse le camp sans rencontrer la moindre opposition, tel un démon parcourant l'enfer sur lequel il règne. Un peu plus loin, j'atteins le parc à chevaux, et choisi une monture puissante et rapide que j'enfourche immédiatement. Ici, on reprend déjà ses esprits, alors je lance quelques nouveaux sortilèges qui rehaussent un peu le niveau de panique. Et c'est au galop que je sors du campement et me retrouve dans la plaine inhabitée, libre... Une fois loin, je laisse ma monture se reposer un peu, profitant de l'air qui n'est plus ici vicié par la mort et la proximité. La liberté, enfin, de ne plus être entouré des cadavres de ses soldats, de ne plus voir ses hommes mourir dans l'impuissance. Mais je n'oublie pas que c'est pour les sauver que je suis sorti. Par pour m'échapper... Alors je reprends la route, guidé par mes souvenirs.

Toute la nuit, toute la journée, je chevauche, volant des montures ici ou là, et lorsque je franchi l'étroit col qui mène à la fameuse vallée, la lune se lève de nouveau, éclairant de sa lueur fantomatique les pierres grises des montagnes environnantes. Plus un végétal ne pousse, plus aucune vie ne subsiste ici... Les arbres morts ont pris des formes torturées, corrompus par le mal environnant, barrant le ciel de leurs branches tordues et noircies.

Effrayée, ma monture rue, se cabre, et je descends avant qu'elle ne me jette sur le sol. Aussitôt libérée, elle part au galop de l'autre côté du col en hennissant de terreur.
Fasciné par l'étrange énergie dégagée par le lieu, je descends à pied vers le fond de la vallée, où stagne une brume épaisse, qui s'écarte sur mon passage, reflue puis vient caresser mes flancs... Des mains de brume se lève vers le ciel, vers moi, et des gémissements se font entendre, chuchotements pressant, menaçants puis cajoleurs, tentateurs...

Arrivé au plus profond de la vallée, la brume se concentre autour de moi, prend de plus en plus la forme de bras qui tentent de me saisir... Je m'accroupis, pose mes paumes sur le sol humide et noirci. Une pulsation, une rage qui sommeille sous cette terre... Oui, vous êtes là, mes enfants... Il est temps de vous réveiller... Il est temps de faire renaître les morts.






Chapitre XXVII : Devastation

Ouiii... Cette puissance qui dors, cachée sous la fange qu'est devenue cette terre maudite... Je sens mon mana parcourir mon corps entier, se réunir, se concentrer, fouiller ma chair, se lover autour de mes bras comme un serpent, puis mordre mes doigts parcourus de picotements, qui deviennent des étincelles rouges crépitant dans le silence mortel. Le silence des morts... De toute ma volonté, je projette ma puissance dans le sol. Le dégagement de mana détache la chair de mes bras, forme une onde concentrique qui se propage, soulevant le sol en une vague noire dans toute les directions. Le bois mort des arbres éclate sous la pression, leurs craquements sinistres rappellent le bruit des os qui se fracturent.

L'onde s'éteint aux contreforts des montagnes encerclant la vallée. Le silence retombe aussitôt, comme victorieux. Je me redresse, fermant les yeux. J'entends... et je sens. Quelques secondes, et c'est le sol qui se fissure, éclate, se brise, est projeté en l'air sous la pression d'une colère implacable. Un immense grondement monte des entrailles de la terre, s'échappe des fissures, hurle la mort de milliers d'âmes.

J'ouvre les yeux... La brume s'est évanouie. La terre déchirée bouge encore. Des membres apparaissent, mains, têtes, armés, bardés de métal, souillés par leur long séjour souterrain. Le cliquetis des os se fait entendre de toutes les directions, empli l'air de son inquiétante présence, chasse le silence qui ne semble jamais pouvoir revenir sous l'avalanche qui ressemble de plus en plus au rire gigantesque, incontrôlable, d'un géant atteint de folie.

Je tourne sur moi-même, parcourant les milliers de visages crispés sur un sourire macabre, les innombrables orbites vides mais animées d'une lueur mauvaise, les mains serrées sur les armes rouillées tachées de vieux sang...
Des milliers de soldats se lèvent, répondent à mon appel, ressortent de leur gangue noire, m'offre leur mort après m'avoir offert leur vie.

Mon sourire revient enfin... Mes mains se lèvent de nouveau, et cette fois, ce sont les morts qui me répondent, hurlent leur rage conservée précieusement depuis des siècles, entretenu comme une bête sauvage, tourmentée, prête à être lâchée sur le monde.

Je me dirige vers le col, fend la foule des soldats qui me suivent de leur regard vide. Et, lorsque je sors de la vallée, c'est une nouvelle armée qui me suit. Alors j'avance, menant l'infatigable horde vers un carnage qui ne saurait être des moins sanglants.

Bientôt, j'aperçois une immense colonne de fumée, au dessus de la ville assiégée et de ses alentours. Il ne me faut pas longtemps pour deviner qu'il ne s'agit pas seulement du campement : la ville entière est la proie des flammes... Serait-elle tombée sans moi ? Je redouble l'allure.

Enfin nous arrivons, fondons sur le camp ennemi qui, les yeux emplis de terreur, voit une armée invincible s'abattre sur ses arrières. Les morts tranchent, taillent avec aveuglement, anéantissent toute vie sans laisser d'espoir, dans une maestria de chaos et de folie furieuse. Les portes de la ville, défoncées, pendent sur les énormes gonds. Les caniveaux charrient sans discontinuer des flots de sang noirs au milieu des rues pavées de cadavres, elles-mêmes bordées par des bâtiments immolés, à l'agonie, dont les fenêtres aveugles semblent prier vers le ciel flamboyant.

Empli de fureur, je m'enfonce vers le coeur de la ville, où le murmure des combats est encore présent. Des cadavres, partout, de toutes races... Ennemis dans la vie mais liés dans la mort, les elfes côtoient les orcs dans les allées de cet immense charnier.

Ha, enfin, des vivants ! Lame au clair, je me précipite sur les survivants, elfes justement, qui bien vite me reconnaissent comme ennemi et me font face, défiant les morts qui me suivent. Tel un démon, j'attaque, tranchant, taillant têtes et membres qui roulent sur le sol, recouverts d'une pluie de leur propre sang. A peine ais-je le temps de m'y retrouver que les hurlements attirent d'autres groupes, qui viennent prêter main forte à leur collègues déjà trépassés, submergés par le nombre toujours grandissant de mes soldats déchaînés, libérés, qui donnent libre cours à leur folie trop longtemps enfermée dévorent sans fin les vies et les âmes de leurs victimes.

Au plus fort de la bataille, je vois dans un brouillard de sang les cadavres s'amonceler autour de moi, alors j'avance, tuant, déchiquetant toujours plus loin dans les lignes ennemies, sans répit, sans repos, sans pitié aucune. Mais les voilà qui refluent, fuient ! Auraient-ils peur de la mort ? Un grondement de tonnerre secoue le sol. Je me fige, reconnaissant immédiatement le fracas de centaines de sabots sur le pavé humide. Des chevaliers ! Les voilà qui débouchent de la rue principale, lumineux, en ordre parfait, synchronisés comme s'ils n'étaient qu'un. Pendant quelques secondes, je reste immobile, les observant, blancs, immaculés de la tête au pied, très entraînés, avec cet air invincible des grandes armées qui semble figer l'instant lors de la charge.

Le temps me ra trappe, et c'est le choc, monstrueux, de l'acier dans la masse grouillante de mon armée ressuscitée. Dans une folle danse, j'évite les lances, tranche monture et cavaliers comme s'ils n'étaient qu'illusions, laissant une trouée sanglante dans les rangs immaculés. En transe, je ne contrôle même plus mon corps. Inondé par la masse de métal, je ne me bats plus que par instinct, tuant sans en prendre conscience, fauchant les vies et les têtes par dizaines.

Enfin, mon corps s'arrête. Ils se replient, en bon ordre, s'écarte de ce qui est devenu une machine à tuer irraisonnée. Ma vue s'éclaircit de nouveau, et je reprends conscience de mon environnement. Un regard par dessus mon épaule m'apprends que je suis de nouveau seul. Une armée invincible, détruire, annihilée par une autre armée créée pour anéantir les morts qui ne le sont pas. Car ce sont sans conteste des paladins, des soldats de la lumière, qui se dressent devant moi, formant une rangée impeccable, semblant attendre que je me soucie d'eux.

Bon, très bien. Je me secoue, achève de reprendre le contrôle. Toute ma lucidité revient, et c'est ce qu'ils voulaient. Leur ligne se fend, laisse passer un ange... Non, un homme. Un humain à la démarche souple mais déterminée, de haute stature, à l'armure décorée de quelques dorures, rayonnant de force et d'assurance. Seul, debout à quelques mètres de moi, il dégaine son épée dans un mouvement qui ne semble pas vouloir finir. La lame immense, polie comme un miroir, semble rayonner comme la lune. Décorée de runes dorées, elle dégage une puissance magique impressionnante, se posant comme l'égale de Frostmourne. Ou plutôt la rivale... Les deux épées réagissent, scintillent, frémissent dans nos mains. L'homme présente son arme, Rayon-de-Lune, avant de se nommer. Chânt, à la tête des Fils de la Lumière... Je ne prononce pas un mot. J'ai l'intime conviction qu'il sait beaucoup de choses sur moi, peut-être même plus que moi-même. Inutile donc de lui adresser la parole. Coupant court aux présentations, je me met en garde, aussitôt imité par ce qui semble être mon adversaire attitré.

Dans un élan de rage, j'attaque, feinte, tente de pénétrer sa défense qui s'avère infaillible. Comme un forcené, je frappe, enchaîne les bottes, l'obligeant à parer sans cesse, espérant le fatiguer à défaut de le briser. Car je ne crains pas la fatigue... Mais autre chose se produit. De nouveau, je me retrouve observateur de ma propre histoire. Je me vois déployant des trésors de technique pour vaincre un adversaire qui ne peut l'être. Mais, moi, puis-je l'être ? Le doute, si longtemps absent, reviens s'insinuer sournoisement. Ma volonté s'affaiblit, mes coups ralentissent, manquent de conviction, glissent sans entailler la défense d'acier... Que se passe-t-il ? L'homme sourit derrière son casque. Il sait que je ne peux rien contre lui. Il pare un énième coup et esquisse une contre-attaque que je vois pénétrer ma défense, se rapprocher inexorablement de mon corps... Non, je le refuse !
A la vitesse d'un éclair, le mana afflue, tel un torrent ans mon corps, puis rejaillit sous forme d'un énorme geyser de flammes qui frappe mon adversaire, le masquant à ma vue.

Le feu s'évanouit, mais Chânt est toujours là, souriant, environné d'une aura de pureté, de force, une aura lumineuse... Bien involontairement, je lâche un gémissement. Serait-il immortel ? Qu'est il de plus qu'un humain ? Et surtout, qu'est-il de plus que moi-même ?
Impuissant, ce qui reste de mes bras retombent le long de mon corps, mes paupières se ferment, ma tête se penche en arrière... Un bruit d'acier, une secousse. Une douleur, immense, m'emplit, m'empoigne, me broie de l'intérieur. L'épée lumineuse du paladin vient de percer ma peau, s'enfonce dans ma chair morte. Mais ce sont ces runes, cette magie, ce pouvoir lumineux qui me frappe, me pénètre, me détruit, cette immense douleur...

La lame se retire, les paladins s'éloignent. Repartent. Leur travail est terminé, ici... Seul au milieu de la ville qui n'est plus que ruines fumantes, je tombe en arrière, les bras en croix, tel une offrande au ciel qui s'éclaircit déjà. La fumée se dissipe, le soleil apparaît, réchauffant les cadavres gelés de ces vies révolues, réconfortant l'échec de cette folie inachevée. Loin au dessus, les corbeaux planent déjà, croassant de rire au dessus de cet immense festin qui fut une volonté, un espoir, une rage, une douleur, immense plaie à la face du monde...



Chapitre XXVIII : Archimage

Les nuages passent, indolents, nonchalants témoins de ma peine. La douleur, toujours présente, fais hurler chaque parcelle de mon corps impuissant. Immobile, je n'arrive même plus à penser à autre chose qu'à cette souffrance innommable... Quand, soudain, ma vision change. Les ruine sur mes côtés défilent et mon corps, soulevé à quelques pieds du sol par une force mystérieuse, semble dériver vers un but bien précis.

Des yeux. Deux yeux dorés qui me fixent, observent ce qui reste de mon visage, curieux, inquisiteurs, étonnés, interrogateurs. Autour de ces deux opales vivantes, un visage à la peau lumineuse, tant et si bien qu'elle m'éblouit presque. Un visage encadré par une cascade de cheveux aile-de-corbeau... Si ce n'est deux mèches blondes naissant au dessus de son front, venant caresser son visage de deux filets de platine. Sur son corps aux formes gracieuses, une armure légère, élégante, d'une facture semblable à celles portées par Chânt et ses Chevaliers. Elle ne porte pas d'arme, si ce n'est sa beauté. Elle n'en a pas besoin. A travers les brumes de la douleur, je sens sa puissance, son impressionnante énergie lumineuse, entièrement dévouée au bien. Avec horreur, je réalise que sa présence, même de côté, blesse l'être de noirceur que je suis devenu. Qui suis-je, à présent ? Et elle ? Sa voix brise le silence de mort qui règne sur la ville déchiquetée :

« Nous sommes venus de loin pour te trouver... et, surtout, découvrir qui tu es. Ou, plutôt, ce que tu es. Tu as tant fait parler de toi que tu as éveillé notre attention, nous qui pensions avoir débarrassé ce monde des démons. Je croyais me retrouver face à un mal démoniaque, ancien... Mais tu ne semble pas être de cette engeance... »

Ses doigts papillonnent et la douleur disparaît sans laisser de traces, me laissant désorienté et toujours paralysé. A peine ai-je le temps d'être soulagé que je sombre, perdant conscience...

Ce qui reste de mes paupières se soulève, dévoilant un plafond nacré, émettant une douce lueur. Les paumes de mes mains sentent sous moi la pierre lisse et froide. Je suis nu. Bandant ma volonté, j'arrive à me redresser, puis à m'asseoir. Rien n'entrave mes mouvements, si ce n'est une immense lassitude qui rend mes membres lourds et mes gestes maladroits. Titubant, je parviens à me lever, à me diriger vers ce qui semble être une porte. Le sol tangue, l'air bourdonne, mais à travers le brouillard de mes sens altérés, j'arrive à pousser la porte qui s'ouvre sur une scène que mes yeux mettent quelques secondes à saisir.

La femme de lumière, enlacée par ce qui m'apparaît d'abord comme un homme, mais dont l'aura me frappe avec une puissance phénoménale, comparable à celle de Thanatos. Les deux êtres tournent leurs visages lumineux vers moi. Chancelant, je trouve l'appui réconfortant d'un mur dans mon dos. L'homme qui n'en est pas un, sans cesser de me fixer de ses yeux d'or, affiche un sourire plein de mystère, puis glisse un murmure dans l'oreille de la femme, qui sourit à son tour. Enfin, l'homme disparaît, se fond en un rayon lumineux qui disparaît à son tour. La femme prend la parole, de sa voix douce et chaude, chargée d'amour :

« Tu es enfin éveillé... Voilà bien longtemps que tu dors. Je parie que ce n'est pas la première fois que tu rencontres un dieu, hmm ? Tu viens de voir Helmör. Il m'a mise en garde contre toi... Mais pour l'heure, tu es aussi inoffensif que peut l'être un enfant. Je suis Valeyra, l'Archimage et Chânt est mon lieutenant. Mais assez parlé, il est temps d'en savoir un peu plus sur toi... »

Sur ces mots, elle s'approche de moi et saisit mon bras avec douceur, sans laisser paraître de dégoût au contact de ma peau depuis longtemps morte et dont la présence est devenue anecdotique sur mon corps en décomposition. Délicatement, elle me conduit à l'autel où je me suis réveillé et me fait m'y allonger. Méfiant mais impuissant, je l'observe desiner de nombreuses runes lumineuses dans l'air surchargé de magie.

« Vois-tu, pour effectuer ce petit tour, je devais attendre que tu te réveilles, mais je devais aussi supprimer la douleur infligée par Chânt. Sans quoi je l'aurais partagée... »
Regard interrogateur de ma part. Elle ferme les yeux, appose ses paumes sur mes tempes et murmure :
« Ferme les yeux.. Je vais regarder en toi. »

Silence. Obscurité. Très vite troublée par une vague d'énergie provenant des mains de Valeyra. Des images affluent, défilent, des sensations s'imposent, fuient, apparaissent et disparaissent. Hébété, je revois toute ma vie défiler sous mes paupières closes, de mon premier souvenir en passant par toutes les batailles, toutes les morts, toutes les douleurs, tout... jusqu'à l'instant présent. La magicienne retire ses mains et j'ouvre les yeux pour observer sa réaction. Le regard absent, la bouche entrouverte, la respiration saccadée, elle est sous le choc. Au bout de quelques minutes, elle parvient à s'arracher à son hébétude et bafouille quelques mots:

« Je ne m'attendais pas à cela... »
Puis elle reprend contrôle d'elle même et sa voix redevient assurée.
« Tu es un être d'exception, Prince, et tu le sais... Je ne me trompais pas en disant que tu avais déjà rencontré des divinités. Thanatos en personne est venu te visiter plusieurs fois... Les efforts qu'il fait pour te contrôler et t'embrouiller tout à la fois sont impressionnants. Mais la question que tu te poses certainement depuis plus longtemps que moi, c'est pourquoi ? Qui es-tu pour lui ? Quelle est ta place dans ses plans ? Autant de mystères dont lui seul possède la clef... »



Chapitre XXIX : Légendes

Le temps, ici, semble s'écouler à son propre rythme. L'immortalité des habitants de ce palais, l'ignorance du reste du monde, donne l'impression de s'être réfugié sur une île à l'écart de tout. Valeyra m'a libéré. Plus ou moins. Je suis libre de mes mouvements, sans pour autant pouvoir me servir de ma force magique. Elle m'étudie, sans chercher à s'e cacher. Jour après jour, elle m'observe, note, essaye de me comprendre. Et, surtout, tente de me changer. Tente ce qu'aucun n'a jamais osé espérer : me donner des émotions.

Je la laisse faire. Me prends au jeu, même, parfois. M'amuse de ses tentatives, sans pou autant chercher à les faire échouer. Je me sens serein, ici. Comme si rien ne pouvait m'atteindre. Comme si j'étais enfin protégé.

Une mélodie perce les brumes de ma réflexion, me tirant de mes songes. Des notes claires, parfois lentes, parfois rapides, incessante course des nuages sous la bise, maelström dans la tempête. Je me laisse guider, je me laisse porter par le son qui m'empoigne, traverse les pièces vides du palais. Enfin, je débouche dans une vaste pièce richement décorée. Des tentures dorées garnissent les murs, des chandeliers illuminent les dorures de leurs milliers de flammes vives. Au milieu, un grand piano, d'un blanc pur, d'où s'échappe la mélodie. La musicienne... N'est autre que Valeyra. L'archimage dont les doigts courent sur les touches d'ivoire, vivantes araignées blanches qui sautent, font la course, jouent sur le clavier, donnant naissance à ces notes à la folie indescriptibles.

Sans pouvoir l'expliquer, je sais qu'elle a conscience de ma présence. Elle choisi de ne pas réagir, continue à jouer, les yeux fermés. Après quelques minutes, je m'arrache à la contemplation de ses mains, puis m'approche du piano, m'assoit à ses côté sur le banc. Avec douceur, mais surtout appréhension, je pose le bout de mes doigts sur les touches. Autour, le bois du piano se met à changer, devient noir, un noir profond, mais qui vient se marier avec le blanc, s'y mêler, sans créer de frontière définie. Je ferme les yeux, appuie sur les touches. Commence à jouer, sans y penser, en laissant mon instinct guider mes mains. La mélodie, comme la couleur du piano, devient plus sombre, plus grave, se joint, se mélange à la première, s'en dissocie, puis revient, s'y mêle, joue, vivante. Ne forme plus qu'une. La mélodie monte, nous enivre, franchi les limites de notre conscience, transporte nos âmes plus haut, toujours plus haut, vers l'infini.


Je m'éveille sur ce qui me sers de lit. Encore sonné par la puissance de la mélodie, je peine à reprendre mes esprit. Brusquement, je comprends que j'ai perdu conscience. D'un pas mal assuré, je me lève, retourne à la salle du piano. Elle n'y est pas cette fois. Et l'instrument porte désormais de fabuleuses arabesques, des fleurs d'encre aux formes complexes sur le bois lisse. Hésitant, je m'assoit de nouveau sur le banc, mais au centre, cette fois. D'une caresse aussi légère que possible, j'effleure l'ivoire des touches, me demandant quelle magie elles recèlent. Un décharge de mana, née de l'instrument, parcoure mon bras, l'écartant du piano. Le bois de celui-ci, sur le dessus, se met à rougir, puis à bouillonner, jusqu'à se transformer, s'élever pour former une tête, puis un torse entier qui émerge. Le visage rougeâtre, dominé par une paire de cornes agressives, tourne ses yeux dorés vers moi, et me lance un sourire aux dents innombrables. La main droite de la créature vient frotter son menton, alors que le bras gauche reste nonchalamment posé sur le bois. Une voix se fait entendre, dans ma tête, une voix qui est le hurlement de milliers d'âmes torturées. Malgr me propose un marché. Le retour de mes pouvoirs... Ma puissance totale, pleine et entière, ainsi que ma liberté retrouvée. Mais si je veux les garder, une seule chose à faire : détruire l'Archimage...

Aussi simple que ça. J'ai à peine le temps de ma demander à quel point peut-on faire confiance à un dieu du Chaos que la créature disparaît, laissant le bois lisse reprendre sa forme et sa couleur originelle. La vague de pouvoir qui a parcouru mon bras me dit que la chose n'a pas menti. Je n'ai qu'a appeler pour retrouver ma force. Elle sommeille encore, mais ma volonté l'éveillera à la première sollicitation. La malédiction de Valeyra est levée. Sans qu'elle puisse le détecter avant le moment que je choisirais.

Pensivement, je contemple ma main droite, dont ne subsiste guère plus que des os. Ais-je vraiment envie de la détruire ? Non, certainement pas. Mais le démon a touché une corde sensible. Malgré toutes les illusions, je suis un prisonnier. Enfermé, en ces murs, soumis à la Dame blanche, pour l'éternité... L'étincelle de lucidité qui me chuchote que, malgré toutes mes convictions, je ne serais jamais plus libre que je ne le suis à ce moment précis, je la fais taire, niant farouchement le fait que je puisse me sentir heureux ici. En ces murs aussi immortels que ces habitants...

Fermant les yeux, j'étends ma conscience à la forteresse entière, sans pouvoir dissimuler une joie mauvaise en sentant mes pouvoirs répondre à ma sollicitation. Les Fils de la Lumière, ainsi que leur chef... Ne sont pas présents. Envoyés détruire un résurgence démoniaque particulièrement coriace... Coïncidence ? J'ai du mal à le croire. Malgr veut que cela soit fait maintenant. Je sens Valeyra. Elle approche de la pièce d'un pas pressé, me cherchant après e m'avoir pas trouvé ans ma chambre. Elle sait que je suis là. Sa main se pose sur la porte, la pousse, la révélant à mon regard. Je me lève, me campe fermement face à elle. Ses yeux trahissent sa compréhension. Elle sait que quelque chose ne va pas.

Un appel mental. Avec un frisson, je sens la mana affluer, se concentrer dans mes doigts, dans mes mains, dans mes bras tout entier qui s'environnent de flammes d'un rouge éclatant. Mes dents, dans un rictus macabre, reflètent la lumière malsaine, tandis que la tempête de pouvoir se concentre sur moi, m'envahit, nourrit mon corps trop longtemps coupé du mana. La surprise dans les yeux de la Dame s'efface, chassée par un éclair de compréhension, puis par une lueur de colère. Sa peau s'illumine, ses mains deviennent deux étoiles, appelant par delà les plans toute la force qu'elle peut contrôler.

Dans un hurlement de rage, je projette ma fureur sur elle, noyant son image sous un déluge de flammes. Sans effet sur son bouclier de lumière. Elle lève la main, fait un geste compliqué. Un rayon naît de sa paume, vient frapper ma poitrine, me projette sur le mur derrière moi. Mais la douleur, je la connaît trop bien, maintenant. Tout la souffrance accumulée depuis des siècles se transforme en une vague grondante de flammes qui se déverse dans la pièce, brûlant toutes les tentures. Elle maintient son bouclier... Mais elle faiblit. Mes efforts redoublent d'intensité, et je projette toute ma peur, toute ma colère, toute ma folie sur la forme lumineuse qui est l'incarnation de mon contraire.

La folie me gagne. Elle me lance un dernier regard. Pas suppliant. Pas apeuré. Juste empli de pitié. Un regard qui me transperce le coeur, mieux que ne l'aurait fait n'importe quelle flèche. Mais il est trop tard. Son bouclier disparaît dans un éclair lumineux, et la boule de feu née de ma fureur la frappe de plein fouet, la projetant à travers portes et murs, traçant un mortel sillon à travers toute la forteresse, carbonisant tout sur son passage, donnant naissance à des incendies dans chaque pièce traversée.

La silhouette du Chaos apparaît dans les flammes, me lance un rire satisfait, puis se volatilise. Mes jambes ne me portent plus. Le banc et le piano m'accueillent, seuls meubles encore intactes dans la salle, miraculeusement épargnés. Mes mains sans vie, que je peine à bouger, se posent sur les touches, et commencent à jouer. Une mélodie sombre, triste, poignante, un hymne au désespoir, un éloge à la folie destructrice au milieu du chaos de la forteresse en feu. Et dire que je n'ai plus d'yeux pour pleurer...



Chapitre XXX : Chute

Obscurité. Ombre. Douleur. Autour de moi, la nuit insondable, percée seulement du bruit régulier et rapide de mes pas. Je cours plus que je ne marche. Droit devant moi, tout droit, comme si je fuyais quelque chose. Je ne me retourne pas. Je ne vois même pas ce qu'il y a devant moi. Mais je cours, je cours comme si je me fuyais moi-même. Un choc et je me retrouve projeté à terre. J'atterris lourdement dans ce qui semble être un tapis de brindilles et de feuilles mortes. Ma course effrénée s'arrête enfin et je reprends plus ou moins possession de mon corps. J'ai du mal à me focaliser sur l'instant présent. Mon esprit vagabonde, parcouru d'images, de sons, de feu, de sensations parfois diffuses, parfois si précises qu'elles en sont douloureuses.

Du mieux que cela m'est possible, je me concentre. Je force mon esprit vagabondant à se calmer, à repartir du dernier souvenir conscient. Dans un demi-rêve, je revois le piano, Valeyra, la folie, les flammes... Je revis la joie indicible, mêlée à une douleur profonde, qui assaillirent mes sens à cet instant. De nouveau, je vois le corps de l'Archimage projeté au travers des parois du palais immortel. Mon coeur, mort depuis longtemps, se serre. Qu'ai-je donc fait ? Sur le moment, je ne voulais pas y penser. Tout était allé trop vite. Malgr... m'a fait une promesse. L'a-t-il tenu ? Il m'a permis de me libérer. Dans un recoin, une pensée sarcastique se moque de ma nouvelle liberté.

Je m'en soucierai plus tard. Je laisse mon esprit reprendre le fil des souvenirs. Les images défilent de nouveau, mais dans l'ordre cette fois. Je me revois jouant du piano au milieu de la forteresse en train de prendre feu. Je me revois, comme fou, les yeux clos, pris dans la tourmente de la mélodie maudite qui m'habitait. Bercé par la folie de l'instant, le grandiose de la scène, je perdis totalement conscience. Des souvenirs reviennent, sans que j'aie eu l'impression d'avoir vécu ces choses. Malgr qui apparaît une seconde fois, qui m'ordonne de partir, vite et loin si je ne voulais subir le courroux de l'amant de Valeyra, Helmör lui-même... Je revis ma fuite du palais en train de partir en cendres, ma sortie en trombe des lieux, ma course dans le noir, tout droit, pendant peut-être des heures. De la plaine rase entourant l'édifice, je suis entré dans une large forêt, dans laquelle j'ai couru un temps indéterminé jusqu'à être arrêté par... un arbre. Quoi de plus logique dans une forêt?

Je me redresse, tentant de percer l'obscurité. Sans succès... Je réussis tout de même à trouver, à l'aveuglette, le tronc qui m'a stoppé. Je n'ai pas choisi le plus fragile, non, mais un beau chêne vieux de quelques siècles si j'en crois l'épaisseur de l'écorce et la largeur du tronc. J'ai dû y laisser une nouvelle partie de mon visage... Au diable l'esthétique. Me voilà de nouveau paria, et cette fois j'ai aussi un dieu à mes trousses. Voilà qui promet d'être fort réjouissant. Toujours à l'aveuglette, je m'assois sur une puissante racine émergeant de terre. Cette obscurité totale me dérange. Les flammes, le déferlement de mana, ou même le choc -violent, si j'en crois la distance à laquelle j'ai été projeté- m'auraient-ils enlevé mes yeux ? Aurais-je perdu définitivement la vue ? Cette idée me plonge quelques secondes dans un abîme de frayeur.

Puis, je me dis que rien n'est définitif dans un monde de magie. J'arriverai bien à me créer de nouveaux yeux. Ou, au pire, j'en volerai... Il faut bien que mon état de mort-vivant ait certains avantages. Ayant retrouvé possession de la majorité de mes moyens, je me concentre pour attirer les flux de mana... Rien. Pas la moindre parcelle de pouvoir. Désespérément, j'appelle à moi tout le pouvoir que je possède... Sans le moindre succès. J'étouffe rageusement la bouffée de panique qui essaye de me submerger. Tout d'abord, chercher le pourquoi. Épuisement de mes forces pour vaincre Valeyra ? Fourberie de Malgr ? Réminiscence du sortilège de l'Archimage ? Impossible à savoir. Et les seules personnes capables de remédier à cet état, je peux les compter sur les doigts d'une main. Ce sont tous des dieux. J'abandonne l'idée avant qu'elle ne fleurisse pour m'attirer de nouveaux ennuis. Tout ce qu'il me reste à faire, c'est tenter, le plus souvent possible, d'appeler mes forces, en espérant qu'elles répondent...

De toute façon, je ne suis pas totalement impuissant. J'ai toujours mon armure, mon épée... Je me fige dans l'obscurité. Je ne porte rien de tout cela sur moi. Mon seul vêtement est un pantalon taillé dans une étoffe ressemblant, au toucher, à de la soie. Tout le reste est resté dans le palais en flamme. Trop près d'Helmör. Trop près de Chânt, qui devrait rentrer bientôt. Et ni l'un ni l'autre ne sera particulièrement ravi de découvrir le fruit de ma colère.

Ni pouvoir, ni armes. Je n'ai plus rien. Plus rien que mes os, et mon âme...

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Dernière édition par LePrinceNoir le Ven 20 Avr, 2007 15:57, édité 8 fois au total.

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MessagePublié: Lun 28 Fév, 2005 9:56 
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La suite intéresse quelqu'un ou je fais un bide total?

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MessagePublié: Lun 28 Fév, 2005 10:12 
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vazy continue c'est sympa moi je trouve ;)

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MessagePublié: Jeu 28 Avr, 2005 17:04 
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J'avais manqué quelque chose, vive les up :)
J'ai bien aimé, c'est plaisant à lire et j'attend la suite !

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MessagePublié: Ven 29 Avr, 2005 10:33 
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Ca a un petit coté classieux qui n'est pas déplaisant!
en plus, le style d'ecriture et bien foutu!


Mais une petite question dans le role-play du jeu: pourquoi y a plein de gens qui sont super célébre dans leur historique?

Au fait tcherno, si tu lis cette missive a tant, ne poste plus un seul message: t'a attends le chiffre parfait, 666!!!!

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De retour parmi les aDL, et près à en découdre avec les ennemis de la crypte (et accesoirement ceux de la CHC, y a pas de jaloux lol).


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MessagePublié: Ven 29 Avr, 2005 11:11 
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netull a écrit:
Mais une petite question dans le role-play du jeu: pourquoi y a plein de gens qui sont super célébre dans leur historique?


Pardon? Tu me demande pourquoi je suis un gars super important dans mon RP? Héhé, justement parce que c'est mon RP et que j'y écris ce que je veux, na :P

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MessagePublié: Sam 24 Sep, 2005 21:20 
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Up, modifications mineures des premiers chapitres

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MessagePublié: Sam 24 Sep, 2005 21:41 
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j'ai trouvé ce texte plutot sympathique.

On sent une influence évidente de W3, mais aussi des CLN non ?

Le style est trés direct, presque résumé, mais les adjectifs et descriptions, bien choisis transportent imédiatement le lecteur, bien que pour cela quelques images et clichés soient necessaires.

Quelques fautes (qui n'en fait pas!) et quelques horreurs (mes au lieu de mais par exemple) , la mise en page n'est pas trés poussée, mais le bon découpage des phrases fait que la lecture est agréable.

Voila mon avis, j'espere qu'il te seras utile pour la suite, malgré la faible qualité de mon sens littéraire

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MessagePublié: Sam 24 Sep, 2005 21:54 
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Hum, c'est rare d'avoir une critique qui ne se résume pas qu'a un "joli texte" ou a un "bravo". ça fait plaisir d'avoir des critiques argumentées et constructives ^^

Pour le style "résumé", a vrai dire, ej suis parti du fait que mon personnage avait une vie/mort extrèmement longue. Donc seuls les faits importants devaient être détaillés. Bien sur, je peux, comme je viens de le faire ce soir, etoffer légèrement des parties qui sont sous-exploitées. Si je m'y met réellement, chaque chapitre peux potentiellement faire plusieurs pages.

Quand au découpage des phrases, ça doit être grâce a mon expérience de lecteur. Bien que jeune, je li beaucoup (souvent énormément comparé à mes camarades), et ce depuis mon plus jeune age.

Donc heu vola, si vous avez d'autres critiques/idées, ça aidera ;)

edit : correction du lien de la dernière image
PS : c'est quoi CLN?

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MessagePublié: Dim 25 Sep, 2005 12:16 
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Pour ma part,aucunes critiques,
c'est vraiment bien écrit,
une fois le texte commencé,on veut le finir :)
Sincèrement,c'est du bon travail.
Euh au pif,CLN ce serait pas "Contes de la Lune Noire" ?


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MessagePublié: Dim 25 Sep, 2005 12:25 
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presque : c'est les Chroniques de la Lune Noire

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MessagePublié: Dim 25 Sep, 2005 12:38 
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Inscrit le: Jeu 13 Jan, 2005 13:24
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Heu, il y a peu être une influence inconsciente, à vrai, dire, je ne m'en suis pas directement servi, mais maintenant que tu le dit, Tom, il y a une ressemblance certaine...

Merci chipie ^^

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MessagePublié: Dim 25 Sep, 2005 17:47 
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tres mauvais :D


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