painkilleur a écrit:
Et ce qui me chiffonne le plus c'est ces commentaires sur la devise de la République française. Après tout par qui a-t-elle été écrite ? Par des gens qui quelques années encore auparavant gagnaient peu, se faisaient voler presque tout ce qu'ils avaient par la noblesse et le clergé via une multitude de taxe, pas de droit de vote, pas de liberté d'expression, pas de possibilité de prétendre à un autre rang que celui de sa naissance : le mec qui naît noble même s'il est bon à rien il gagnera de l'argent sans travailler, on le lui prendra sur les pauvres ! Et un mec qui naît pauvre, il le restera on fera tout pour ca et bien sûr il sera illettré !
J’aimerai apporter quelques précisions à ces propos, noble Painkilleur.
La plupart des personnes ayant accéder aux plus hautes fonctions durant la révolution étaient loin d’être des gueux de bas étages, des hommes du peuple sans importance. C’étaient, au contraire, des personnes cultivées, et loin d’être dans la misère.
Le cliché de la noblesse et du clergé qui vole tout, ou presque, est assez, pour ne pas dire totalement faux. Ce qui était surtout reproché à la noblesse à cette époque là (oui, oui, je connais bien cette époque, même si j’étais déjà alors plus trop dans la force de l’âge) était le fait que, malgré qu’ils soient riches, même si tous ne roulaient pas sur l’or, ils ne payaient pas d’impôts. Au clergé, on reprochait sensiblement la même chose, si ce n’est que, en plus, il percevaient encore à l’époque la dîme (tiens… Pourquoi les ROI ne la touchent-ils pas ?), qui représentait le dixième des revenus du gueux de base.
Lors des Etats généraux de 1789, une motion a été présentée pour que la dîme soit supprimée, et que les nobles et le clergé paient des impôts comme tout bon français de l’époque. La proposition fut rejetée, puisque le clergé et la noblesse avaient la majorité des voix.
Il est aussi faux de dire, noble Painkilleur, que le droit de vote n’existait pas. En effet, même si ce n’était pas le droit de vote universel que l’on connaît aujourd’hui, le droit de vote censitaire était de vigueur, et appliqué pour certaines grandes décisions (bon, on n’élisait pas le Roi, ni le gouvernement… Mais pour ce qui était des élus locaux, cela était de vigueur).
Bien entendu, ce droit de vote était assez inégalitaire, car, comme l’indique son nom, seuls pouvaient voter ceux qui payait l’impôt appelé le cens. Autant dire que le gueux de base pouvait toujours courir pour espérer un jour voter.
Pour ce qui est de la liberté d’expression, on peut dire que cela dépend fortement des époques. Avant la révolution, il était hors de question qu’une critique du Roi, de la monarchie ou même de la France puisse paraître dans un journal ou même un livre. La censure était de mise. Avec la révolution, il va d’abord y avoir une période de plus grande liberté d’expression, ou presque tout sera permis, mais cela sera très vite remplacé par une forme de censure bien plus autoritaire que celle qui prévalait durant la monarchie.
La révolution a apporté durant un temps la liberté, que ce soit d’expression ou autres, mais elle a très vite fait place à un gouvernement pire que la monarchie. On ne reviendra à quelque chose de plus censé qu’à la restauration, puis ensuite après les révolutions de juillet et de 1848 avec la proclamation de la seconde république.
D’ailleurs, pour se convaincre du fait que la première révolution française, celle de 1789 n’était pas un modèle de démocratie, il suffit de se demander qui était le président de la république à l’époque. La réponse est vite trouvée… Entre 1792, année de la proclamation de la république et 1799, année de coup d’état de Bonaparte, il n’y a pas eu de président, seulement, des putschistes qui se sont succédés à coups de guillotine et de coups bas.
Bref, pour moi, la liberté d’expression était un mythe durant la révolution.
Pour ce qui est de la possibilité de prétendre ou non à un autre rang que celui de la naissance, il est vrai que la révolution a apporté quelque chose. D’ailleurs, qui ne connaît pas l’article premier de la constitution de 1789 : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune ».
Les rangs, les titres, les avantages sont abolis à la révolution.
Ils seront en partie restaurés durant le règne de Napoléon premier, le seront totalement sous Louis VIII, Charles X et Louis Philippe premier (ah bon ? C’est pas Louis XVI le dernier Roi de France ?) ainsi que Napoléon III (Haussmann ? Un Baron ?)
Il faut quand même dire qu’il était possible d’acheter un titre de noblesse. Cela a d’ailleurs été très en vogue sous Louis XVI, car étant donné le prix exorbitant de la chose, il a permis de renflouer quelque peu les caisses de l’Etat à plusieurs reprises. Car sous Louis XVI, c’était souvent les bourgeois, et non les nobles qui étaient les riches. Et le but de ces derniers était alors de rejoindre la « caste » du dessous.
Mais bon… De là à parler de « rang de naissance » noble Painkilleur, nous ne sommes pas en Inde. Des gens s’élevaient, et d’autres s’abaissaient. Montesquieu n’était-il pas un hommes des lumières ? (Charles Louis de Secondat, Baron de la Brède et de Montesquieu… Ca en jette)
« le mec qui naît noble même s'il est bon à rien il gagnera de l'argent sans travailler ». A l’époque, les choses sont quand même plus compliquées. Je ne suis pas chez moi, donc je n’ai pas mes petits documents sous la main, mais il me semble que c’est sous Louis XV qu’une petite « révolte » des nobles de campagne a eu lieu. Pourquoi ? Simplement parce que la loi stipulait que les nobles, de par leur rang, étaient dans l’obligation de ne pas travailler. Alors bien entendu, il y a les nobles que l’on voit à Versailles, ceux qui sont rutilants de diamants et bijoux, mais il y a aussi les nobles de campagne, ceux qui ont pour seule propriété un petit lopin de terre et qui ne peuvent vivre sans travailler.
Il y avait eu de longues disputes et discordes à l’époque. Et finalement un assouplissement de la loi avait été trouvé. Il n’était pas rare à l’époque, en province, de trouver des nobles avec, de noble, que le titre.
Mais vous avez raison aussi sur le fait que les nobles, du moins ceux de province, pouvaient prélever des impôts sur les gens travaillant sur leurs terres. Mais là aussi, encore fallait-il être un Seigneur assez puissant, pour posséder assez de terres pour percevoir quelque revenu de celles-ci.
Le fait de dire, noble Painkilleur, qu’un homme pauvre le restera forcément est un peu exagéré. C’est comme dans notre société moderne. Celui qui conçoit une invention révolutionnaire arrive à sortir du lot. Ils sont peu aujourd’hui ? Ben… Ils étaient peu aussi à l’époque mais ça existait. La bourgeoisie s’est « développée » au XVII et XVIII ème siècle, alors que c’était la Royauté qui prédominait. On pouvait sortir du lot.
Pour ce qui est de l’illettrisme, je suis d’accord avec vous noble Painkilleur, je me dois de le reconnaître. A l’époque, seuls ceux faisant partie de la noble, du clergé, ou ayant de forts revenus pouvaient éduquer leurs enfants. L’école n’avait rien d’obligatoire.
Bon, c’est sans doute légèrement mieux aujourd’hui… Mais si je ne m’abuse, une étude INSEE a montré récemment (il y a deux mois je crois) que 40% des moins de 25 ans ne connaissaient pas plus de 400 mots de vocabulaire. Ca fait peur… (je ne suis plus certain des chiffres, avec ma mémoire défaillante)
painkilleur a écrit:
Alors forcément avec la mise en place de la République et la dissolution de cette société avec 2 classes vivant grâce au travail de la dernière laissée pour compte, le droit de vote et la liberté d'expression etc... cette devise était parfaitement adaptée pour des gens qui commencent enfin a vivre !
Comme dit précédemment, bien que ce soit quand même un cliché, c’était un peu le cas…
Mais pour moi la devise à quand même une faille, même pendant la révolution. « Liberté, égalité, fraternité ». Si on ne prend que les deux premiers termes, ne sont-ils pas antinomiques. En effet, s’il y a liberté, cela signifie que chacun est libre de faire ce qu’il désire, d’entreprendre, de construire, d’investir, de vivre comme il le souhaite.
Mais alors comment allier à ce concept celui d’égalité. Si celui qui réussi ses investissements, sa vie en général, parvient à une classe aisée, pour ne pas dire qu’il devient riche, cela veut-il dire que, par principe d’égalité il doit donner une partie de sa fortune aux plus démunis afin de rétablir la balance ? Pour moi, liberté et égalité sont contradictoires dans ce cas.
C’est sans doute la raison pour laquelle l’Etat a créé l’impôt sur le revenu. Qu’est donc que cet impôt sinon un moyen de redistribuer les richesses et donc de faire preuve d’égalité entre les citoyens ? L’impôt sur le revenu est, à mon sens, le meilleur impôt « égalitaire » qui soit, dans le sens où il fonctionne par pallier, et non proportionnellement, comme le TVA (je sens que je m’écarte du sujet et que ça n’intéresse personne, je vais m’arrêter tout de suite je crois).
painkilleur a écrit:
Mais a-t-elle été respectée scrupuleusement ? Le droit de vote des femmes était impensable jusqu'au siècle dernier, égalité ? Les partisans du royalisme étaient traqués et exécutés dans des bains de sang pendant très longtemps, fraternité ? La justice pendant bien longtemps après la révolution a été des plus répressives, sous la République comme sous l'Empire d'ailleurs, la presse muselée dès qu'elle sortait une information trop risquée, liberté ?
C’était une autre époque noble Painkilleur. En France, on a longtemps pensé que les femmes n’avaient pas à participer aux prises de décisions d’un pays. Elles ne pouvaient être des élues, et, contrairement au Royaume Uni par exemple ou à l’Espagne, il fallait forcément que ce soit un héritier mâle qui monte sur le trône. Disons que c’était un autre mode de pensée, totalement différent de celui que nous avons aujourd’hui.
Le concept d’égalité n’existait pas sous la monarchie, il ne fait aucun doute, et longtemps après il en sera de même.
Je ne suis pas d’accord sur le fait que les monarchistes fussent traqués et exécutés dans des « bains de sang » durant longtemps. Etaient traqués ceux qui fomentaient contre la république. Il est certain que ceux qui participèrent à la révolte chouan ne pouvaient que mal terminer. Mais de nombreux nobles ou membres du clergé se sont ralliés aux révolutionnaires. D’autres ont continué à lutter, plus ou moins dans l’ombre, ce qui fait que la Monarchie ait été restaurée en 1815, pour ne plus disparaître qu’en 1848.
Et encore… Lors de la proclamation de la troisième république, en 1870, Mac-Mahon a été nommé président de la république par les monarchistes, car ils avaient la majorité à l’assemblée nationale. Et c’est seulement à cause de querelles internes aux partis royalistes (ils n’étaient pas d’accord que le fait de savoir qui devait monter sur le trône, quel descendant de quelle branche) que la république perdura avec les ascensions de partis pro-républicains. C’était quand même cent ans après la révolution française.
La justice répressive ? pas plus qu’avant ou après… Le concept de prévention plutôt que de répression est assez récent, il faut dire. Quant à la liberté de la presse, nous en avons déjà parlé.
painkilleur a écrit:
Mais bon c'est vrai que comparé au contexte de mise en place de cette devise on est sacrément mal lotis ! Vous imaginez ? La liberté de presse même si elle déforme les faits ? Le droit de vote pour tous sans exceptions ? Le droit de grève ? La liberté d'expression dont on use et abuse parfois sans risque aucun pour soi même ? La laïcité qui n'impose de religion à personne ? L'abolition récente de la peine de mort ? Quelle horreur ! Comment peut-on encore vivre avec des institutions pareilles ?! Si seulement je pouvais remonter le temps... je partirais vivre pour l'époque de la Révolution moi !
Le français aime à se plaindre et critiquer noble Painkilleur…
[quote=painkilleur]Entre dire qu'il y a des problèmes de société et sortir des propos pseudo-révolutionnaires comme ca faut réfléchir quand même ! [/quote]
A ben… J’ai pas du lire ce qui avait été écrit avant alors je ne peux pas dire…
painkilleur a écrit:
Enfin pour ceux que ca fait rigoler doucement de voir Sarkozy parler de la société depuis son train de vie aisé je leur signalerais juste un moment que leur candidate vient du même milieu... Si c'est honteux d'entendre le premier faire des commentaires sur la société, ca en deviendrait carrément hypocrite d'entendre la seconde tenir des discours passionnés sur les malheurs des pauvres dans ses tailleurs hors de prix et une expression de compassion peinte sur son visage si bien conservé par les produits de beauté ou la chirurgie esthétique vous ne trouvez pas ? Je ne pense pas qu'elle ait donné tout son argent aux pauvres elle non plus... Je vais peut être un peu loin sur ce dernier commentaire mais faudrait peut être arrêter le délire quand même...
Personnellement, je pense que tous les politiques, à de très rares exceptions près, sont tous sortis du même moule. Ils ont tous fait les mêmes écoles, ils étaient camarades de classe…
Nous, à la sortie de notre école, on nous demande si on veut être ingénieur ou architecte, comptable ou banquier, vendeur ou magasinier. Eux, ont leur demande s’ils veulent être à droite, ou à gauche.
Les politiques ont toujours été hypocrites et continueront à l’être.
Je me souviens encore de Strauss-Kahn qui critiquait durant la présidentielle le fait que Sarkozy ne connaît rien la vie des français puisqu’il était maire de Neuilly… A la rigueur, on se dit, pourquoi pas. Mais quand on apprend que celui qui critique habite lui-même à Neuilly, on se dit que c’est du foutage de gueule.
Et il en va de même pour la droite (désolé, pas d’exemple en tête mais j’y penserai).
Bref, pour conclure sur ce menu pavé, je tiens à dire que ma première partie n’était là que pour nuancer les propos de Painkilleur, mais que je suis en grande partie en accord avec ses propos.
Sire