La foule devant l’édifice était impressionnante. Heureusement que nous étions arrivés tôt. Depuis déjà quatre heures nous campions devant la herse, attendant l’ouverture. Environ une demi-heure après le lever du soleil, une petite humaine menue, mais à l’air peu amène, fit entrouvrir la herse et une trentaine de personnes dont moi et ma famille purent s’engouffrer dans l’enceinte du prestigieux palais.
Sans écouter les cris de protestation provenant de l’assemblée qui patientait encore dehors, elle fit signe aux gardes de rabaisser la grille. Elle leva alors une sorte d’ombrelle rose fuchsia et vert kaki, l’agita quelques secondes dans les airs puis parla suffisamment fort pour être entendue de tout le petit groupe : « Suivez-moi, s’il vous plait… »
Elle commença à avancer dans la cour pavée du palais, puis sa voix monocorde et lancinante débita un texte qu’elle semblait avoir déjà récité des centaines de fois. Nous n’en tînmes pas compte, et écoutâmes avec grands yeux et respect la vieille humaine.
« Nous nous tenons là dans la cour du palais ROI. Telle qu’elle vous apparaît, elle n’a pas changé depuis sa construction, il y a de cela deux ans. Les pavés proviennent de carrières naines réputées, comme celles de Kheled-Zâram, et ont tous été taillés main et positionnés respectant certains angles choisis par des esclaves hordeux sélectionnés avec soin. Vous pouvez voir que les formes géométriques…
Comme je vois que ce que je vous raconte ne vous passionne pas plus que ça, je ne vais pas vous faire perdre votre temps et vous le mien… Nous allons donc directement nous rendre dans les appartements privés de Sire »
Un murmure de contentement traversa l’assemblée et quelques applaudissements se firent même entendre. La guide leva de nouveau son superbe instrument bariolé de protection contre le soleil, et la visite continua donc…
« Nous entrons par l’entrée principale, plus communément appelée entrée Alliance, du nom du célèbre Dieu qui… ». Le brouhaha incessant durant la montée des marches m’empêchait de tout entendre comme je l’aurai souhaité. […] et cet escalier monumental est unique en Lorndor. S’élevant au milieu de la salle des gardes du Château, sa structure est faite de deux hélices, une normale, si je puis m’exprimer ainsi, et une pour les petites gens, telles que les nains ou les gnomes, avec des marches plus petites. Ces deux escaliers en un se superposent, sans jamais se rencontrer, et on dit souvent que lorsque… »
La guide s’était engouffrée par une porte en haut de l’escalier, ne nous permettant pas d’entendre la suite du récit.
« Nous entrons à présent dans la chambre à coucher de Sire. Allez, s’il vous plait… Entrez, entrez, vous bloquez l’accès aux derniers. Bien… Alors, je vous prie par avance de nous excuser pour l’odeur, mais les femmes de chambre viennent juste de passer et d’ouvrir les fenêtres… Et comme Sire couche encore ici…
Bref, comme vous pouvez le constater, cette chambre de style Nalin, est entièrement tapissée de rouge et vert. Cette petite table de travail en marbre et ivoire que vous voyez dans l’angle provient de la collection personnelle de l’ancien Shah des CGT mais n’est guère utilisée que comme ornement, Sire ayant un cabinet de travail. Nous visiterons d’ailleurs tout à l’heure cette pièce là.
La cheminée est une des plus grandes qu’il soit possible de voir en Lorndor. Elle est entièrement de confection naine et sa construction a duré pas moins de six mois… S’il vous plait Madame, ne vous penchez pas. Cette cheminée sert souvent et n’a pas été ramonée depuis des lustres, les esclaves orcs manquant cruellement ces derniers temps.
Enfin, vous pouvez admirez ce lit, style très… siréen, avec ce dais surplombant l’ouvrage et les pieds du lit en forme de pattes de tauren à l’avant, et pattes de troll de l’autre côté.
Si je puis me permettre, on dit que plus d’une femme a couché dans ce lit, Sklerijenn comprise, heureusement. Certaines grandes Dames sont passées par ici, d’ailleurs, pas toujours de sang bleu, mais qu’importe. D’aucuns disent que Argowal, Curwen ou Alea ont passé plus d’une nuit dans ce lit en compagnie de Sire… Mais allez savoir ce qu’il en est réellement. D’ailleurs, pour vous Mesdames et Mesdemoiselles, je tiens à signaler que Sire est célibataire en ce moment. Avis aux intéressées…
S’il vous plait… S’il vous plait Mesdames… Un peu de tenue… On ne s’entend plus là. Sire est célibataire, mais n’a pas l’habitude de prendre pour épouse la première gueuse hystérique, gueularde et pithiatique venue. Oh ! S’il vous plait. Messieurs… Essayez de calmer vos femmes et filles ou la visite va s’arrêter là sans passer par la salle de bain.
Voilà qui est mieux. Je vous remercie…
Si vous voulez bien me suivre, nous allons nous rendre dans la pièce contiguë qui n’est autre que la garde-robe. »
Nous suivîmes à nouveau le guide, et débouchâmes rapidement dans la pièce suivante. « Vous pouvez admirer sur les quatre murs certains des trophées de chasse de Sire : Orcs, taurens, trolls et non-morts en majorité. Tous ont été empaillés et montés dans les célèbres cavernes elfes de Nargothrond.
Cette pièce n’ayant rien d’extraordinaire, puisque c’est celle où se vêt Sire, nous allons continuer notre visite par la salle de bain personnelle de Sire,… et je vous prierai, Madame, de bien vouloir reposer le caleçon qui était sur le fauteuil là où vous l’avez pris avant de quitter la pièce. Oh… ! Et cessez de le humer comme une démente, c’est indécent ! Reposez-le ! Ce caleçon est sale, je vous préviens… Ah !... Vous êtes répugnante Madame. Bien, quand même… »
La plupart des gens avaient regardé la femme faire ses mimiques. Beaucoup semblaient scandalisés, mais dans le regard de nombre d’entres eux on aurait pu voir pointer une once de jalousie…
Nous continuâmes à avancer…
« Voici donc le lieu où Sire fait ses ablutions. Cette grande baignoire de porcelaine blanche a été fabriquée sur commande spéciale pour Sire. Trois personnes peuvent y prendre place en même temps, mais on rapporte que Sire préfère les tête-à-tête. A ce propos, le premier valet de chambre de Sire aurait quelques histoires passionnantes à vous raconter sur l’histoire de ce bain, mais il lui a été intimé l’ordre, ainsi qu’à moi-même, de ne rien dire. »
Une fois un soupir commun de déception passée, l’humaine reprit :
« Une fois sorti du bain, Sire se badigeonne de parfums et fragrances fabriqués par des hommes dévoués, grâce à des alambics gnomes de toute nouvelle génération.
Les petits carreaux bleus aux teintes mouvantes que vous voyez sur les mûrs proviennent d’une carrière de pierres trolle dont je ne puis vous révéler le nom, par souci de discrétion.
Mais que… Monsieur, vous voyez bien que cette femme s’est évanouie, relevez-la voyons ! Allez Madame, on se remet de ses émotions… - Ne faudrait-il pas lui faire sentir quelque parfum pour la remettre sur pieds - Oui, ben, on me l’a déjà fait le coup. Ces parfums coûtent une fortune et la gueuse simule… Vous allez voir qu’une bonne baffe va la remettre sur pieds… Paf… - Aille !
Allez, on continue la visite… Et vous cessez de tripoter tout ce qui vous passe sous la main, merci…
Nous entrons à présent dans le cabinet de travail.
Vous pouvez constater qu’il n’est pas d’une taille négligeable par rapport à ce qu’on a l’habitude de voir.
Les étagères sur les trois murs là, couvertes de livres, ont été fabriquées sur commande spéciale. Vous en trouverez une similaire dans le bureau de Rezyek, le chef du clan ROI.
Oh… Ca va, ne vous exclamez pas comme la paysanne qui découvre la ville pour la première fois, Madame. S’il y a autant de livres, ce n’est pas tant que Sire est un érudit, un sage ou je ne sais quelle autre gueuserie dans le genre, comme qui dirait. C’est simplement que Sire est très frileux, comme vous avez pu le constater dans la chambre à coucher, et qu’il n’est pas très doué pour faire des feux. Donc les livres sont la seule chose qui prenne facilement selon lui. Oui, oui, oui… D’où le nombre de livres dans la pièce.
Sur les plafonds sont peints des scènes de la mythologie lorndorienne. Vous reconnaissez par exemple là-bas la création du monde. Un petit peu plus loin vous pouvez observez la mise en cage d’Irgul, cage récemment retrouvée d’ailleurs. Au centre, vous voyez représenté Alliance.
Bon, voilà Mesdames et Messieurs, la visite est terminée. Si vous avez des questions, je vous serai gré d’être bref. Je tiens aussi à vous rappeler que cette visite fut gratuite, journée du patrimoine en Lorndor oblige. Une petite obole ne serait donc pas de refus.
Allez, suivez-moi jusqu’à la sortie…
Au revoir… »
Je passai devant elle sans rien donner et ne reçu pour au revoir qu’une sorte de ronchonnement légèrement inaudible. Mais qu’importe. Enfin, moi, un petit d’entre les petits de l’Alliance connaissais l’entre de Sire. Un inextinguible sourire s’étalait sur mon visage, et ne devait disparaître que plusieurs jours plus tard.
Récit de boilôt extrait de ses mémoires posthumes.
_________________ Au jeu d'échec, les fous sont les plus près du Roi.
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