Petite anecdote sur un pauvre type, oui, mais un vrai pauvre type, pas celui qu'on va insulter de cette manière, mais plutôt celui qu'on va plaindre...
Tableau. Je reviens d'une répétition, assez tard. Je tiens compagnie à ma collègue percu qui attend le dernier tram. Puis je m'apprête à rentrer chez moi, en passant par la place Charles Hernu, noeud de circulation (carrefour tordu, tram, métro, vélov'), et donc haut lieu de rassemblement des trublions et fêtards du vendredi soir en tout genres. C'est souvent animé, donc, et le lieu est familier des estafettes Croix Rouge et des voitures de police.
En passant, je vois 3 bonshommes regroupés autour d'un banc, et en regardant mieux, on dirait bien qu'il y en a un 4e sous le band en question. Je m'approche, je propose mon aide, et j'apprends que les 3 autres aussi viennent d'arriver, le 1er tout juste à temps pour voir l'autre glisser de son banc. Je regarde, il est vautré par terre, la tête rentrée dans sa capuche, sans manteau, et le vent souffle. L'extase, quoi.
Donc, j'appelle le 112. Là, je tombe sur les pompiers, je leur explique le cas.
"Ah mais monsieur, on ne s'occupe pas de ça, c'est le domaine de la police, je vous mets en relation."
Après 5 bonnes minutes d'attente sur leur répondeur, j'ai enfin quelqu'un au bout du fil. Je lui ré-explique le schmilblick, et je lui précise l'endroit, évidemment.
"Pas de problème monsieur, on vous envoie une équipe."
Pendant ce temps-là, les 3 autres essayent de faire parler l'homme qui, bourré comme un coin ou farci comme un dindon, ne leur répond que par onomatopées vaseuses. Impossible donc de savoir qui il est, s'il habite loin, etc... Il essaye de se lever, se rassied, et finit par s'allonger tout en refusant (verbalement) de le faire.
Puis, on guette. D'habitude, à cette heure-là, dans ce quartier-là de Lyon, les voitures de police passent assez régulièrement. Ben pas ce soir, on dirait... C'est comme si toutes les équipes s'étaient donné le mot pour éviter le coin! Au bout de 20 minutes, je rappelle. Je m'inquiète poliment de savoir si notre appel a bien été pris en compte, et s'il n'y a pas eu d'erreur sur le lieu.
"Négatif monsieur, c'est juste que nos équipes parent au plus pressé, mais votre demande à été prise en compte, la mission est toujours en cours."
Et, encore 20 minutes plus tard, une voiture arrive. Bref coup de klaxon, signes de notre part, ils se garent, et arrivent. On leur explique en gros la situation; ils réveillent le bonhomme, plutôt brutalement d'ailleurs, essayent d'obtenir des infos sans plus de succès que nous, le fouillent rapidement à la recherche de papiers sans rien trouver, et finalement l'emmènent voir un médecin.
"On s'en occupe, il va passer la nuit en clinique, merci d'avoir appelé."
Je ne saurai sans doute jamais comment il s'était mis dans cet état-là. Pas l'alcool, ça se serait senti... Il n'avait pas de portefeuille: est-ce qu'il faut en déduire qu'il s'agit de l'énième victime des "drogues de night-club", ces saloperies qu'un truand vous glisse dans le verre? Et que se serait-il passé si personne ne l'avait vu, allongé comme ça? S'il n'y avait pas eu les 3 autres personnes, je serais passé à côté sans le voir, moi aussi...
Pendant toute l'attente, j'ai surveillé 2 choses: l'arrivée des flics, et la respiration du mec allongé. Un (très) vague soulèvement des épaules et du ventre pour me dire qu'il n'était pas en train de nous claquer sous le nez.
Le genre de trucs qui donnent envie de faire gaffe à sa petite santé, quoi.
_________________ Glorfindel, l'Elfe aux Cent-Morts
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