Bon, je suis désolé, le mariage est annulé. Laissez-moi vous conter cette triste histoire (et oui c'est toujours triste avec moi).
Comme je vous l'avais dit hier, je devais recevoir la visite d'un ami. Celui-ci devait m'aider pour les préparatifs de la fête, parce que ce n'est pas pour dire, mais, un ours ce n'est pas très bosseur.
Donc voilà mon ami qui cogne à l'entrée de ma caverne et qui dit ces onomatopés:"Toc, toc, toc". Je le regarde étrangement et lui répond:"Ce n'était pas la peine de faire tant de bruit, on t'avait entendu". En regardant derrière lui, je vois une bonne dizaine de personnes tout de blanc vétus. L'air un peu moins reveche, je lui dis tout bas:"Ils sont venus pour m'aider?"
Et lui pas vraiment détendu, me glisse peu discrètement:"Oui, je crois bien qu'ils sont venus pour ça".
Forcement, lorsqu'un ami fait preuve d'aussi peu d'entrain à la veille de votre mariage, vous vous dites qu'il y a quelque chose qui ne va pas, mais sur le moment, c'est le cadet de vos soucis. Et vous vous sentez obliger d'accueillir avec le sourire ces personnes qui viennent vous aider, en criant très haut de façon audible et intelligible: "Bienvenue mes amis, j'ai beaucoup de chance de vous avoir", et cela vous le dites meme si vous ne les connaissez pas et que vous venez d'exploser les oreilles de votre ami car vous en faites beaucoup trop. Mais tout cela n'est pas très important donc vous continuez vos cris qui ont ce contenu:"Mais entrez dans ma modeste caverne, c'est avec plaisir que Rostande et moi vous accueuillons".
Quand vous voyez ces gens prendre un air gené, vous etes intrigué, mais peu importe tout le monde rentre dans la caverne, donc vous ne relevez pas.
Mais quand ce petit homme en blanc qui a l'air d'etre leur chef vous déclare:"ce mariage ne peut avoir lieu", vous etes à la fois perplexe et sur le point d'exploser. Mais calmement, car etant un officier de l'armée des tenebres, vous savez vous maitriser, vous repondez:"Pardon?"
Le plus étrange, c'est qu'il ne se justifie meme pas, il commence à vous poser tout un tas de question sur votre etat de santé, depuis combien de temps vous etes enfermés dans cette grotte, si vous etes déprimés, votre régime alimentaire, s'il vous arrive de voir des formes étranges sur les murs etc... Vous vous surprenez à parler avec cet energumene qui semble en savoir beaucoup sur vous meme si vous ne l'avez jamais vu. Et lorsqu'il vous demande de raconter votre enfance, si vous avez bien vécu votre mort, si vous entretenez une relation père fils avec votre chef de clan, vous commencez à regarder plus en détail ces gens en blanc qui ont avec eux des objets étranges. Donc, vous etes presque soulagez quand il vous redit:"Ce mariage ne peut avoir lieu". Vous rétorquez immédiatement:"Mais pourquoi donc?" Oui, pourquoi, les lettres d'insultes, vous comprenez, mais cet homme là à l'air honnete, pourquoi peut il etre si contre ce mariage. Et lorsqu'il vous répond l'air de rien: "Pour vous marier, il vous faut une future épouse, et ce n'est pas le cas", vous le regardez étonné mais vous n'etes pas vraiment choqué.
Et meme si Rostande grognait, j'ecoutais avec attention ce qu'il avait à me dire, et ca je peux vous certifier qu'il en avait des choses à dire, je vais tacher de resumer cela de façon la plus concise:
"Seigneur de Tenerfas, avant de vous retirez du monde, vous etiez dans un état qui nécessitait comme vous l'avez vous meme juger un certain isolement. Mais un séjour prolongé dans cette caverne ainsi qu'un régime alimentaire à base de champignons douteux et chauve-souris est à l'origine de certains troubles de votre perception et votre psychisme. A vrai dire, certaines choses qui vous ont semblé être vraies ne l'étaient pas. Votre chef Kotalos se préoccupe de votre état depuis longtemps, aussi il nous a envoyé pour voir si l'on pouvait vous soigner avant qu'il ne vous arrive un incident facheux. Préparez-vous, respirez, Rostande, et les autres ours, ils n'ont jamais été autre part que dans votre tete, il n'y a même pas d'ours dans cette région de Lorndor".
Et moi surpris et désappointé, je reprenais:"Dans ma tête? comment ca, dans ma tete, vous voulez dire que je suis fol? Ne voyez pas Rostande juste à coté de nous? D'ailleurs, elle risque de vous donner un coup de patte si vous parlez ainsi d'elle? Et l'homme édenté que l'on surnomme le vieil ours, il n'existe pas?"
Et voilà que je relancais l'honnete homme dans une discussion sans fin, à vrai dire parler et ecouter les gens avait l'air d'etre sa spécialité:"Oui, les ours, cela se passe dans votre tete, mais vous irez bientot mieux. Nous avons amené tout ce dont nous avons besoin pour vous ramener à la raison. J'ai ici votre traitement, nous avons également des camisoles, des calmants et meme une civiere. Le Seigneur Kotalos a réaménagé votre chambre, elle est à présent beaucoup plus calme, l'ensemble des murs ont été rembourrés pour que vous ne puissiez pas vous faire de mal. Il vous laisse une alternative, soit vous venez avec nous et vous allez restez quelque temps au palais dans votre chambre, soit vous pensez que vous pourrez vous en sortir avec le traitement seul."
Auriez-vous parlé autrement qu'ainsi:"Je remercie vos efforts ainsi que ceux de Kotalos, je me demande depuis des jours où j'avais appris le langage des ours, je crois que ceci m'ouvre les yeux, meme si je vois encore la brave Rostande. Pour ce qui est des camisoles, seul les gens du commun en portent, et pour le traitement, je le prendrai. J'ai nullement l'intention de demeurer dans le palais de l'armée des ténèbres meme si ma chambre a été réaménagée. J'ai toujours passé ma vie (bon d'accord, on ne dira rien) sur les champs de bataille ou dans des auberges (dans ma jeunesse également dans des bordels mais ceci n'est pas le propos). J'irais combattre meme si je suis fol, je crains que la vie (mort) retirée du siècle ne m'apporte rien de bon. De plus mon dernier avatar est sur le point de se desagréger, je vais devoir prendre sa place".
Si notre petit homme en blanc ne comprit pas l'allusion, il me précisa:"Ce petit coffret contient votre traitement, chaque matin et chaque soir, prenez une de ces petites graines roses, il y a également des graines bleues, ne les prenez pas, elles risquent d'avoir un tout autre effet sur votre corps".
Il me laissa quelques instants seuls, tandis que l'un des gros grunts porteurs de camisole me regardait avec un sourire niais. Je vis parler avec mon ami quelques instants, et j'entendis quelques mots:"Porteurs... piqués...". Puis, il revint vers moi et prononca ces paroles qui eurent l'effet de me ramener à la réalité:"Votre serviteur ici présent à quelques mots à vous dire".
Voilà, c'était cela, ce n'était pas mon ami, c'était ma fidèle estafette que Kotalos avait mis à mon service, et sur son ton servile habituel, il m'aborda:"Nous attendons vos ordres pour partir Seigneur, il y a dehors tout le nécessaire pour votre voyage, pour rejoindre le chef qui vous attend là bas, bien que j'espere que vous aurez la sagesse d'aller au palais séjourner dans votre chambre. Quittez vos chimères et amours imaginaires, votre compagne désespère de vous revoir..."
Je l'interrompais d'un coup:"Ma compagne, vous voulez dire que je l'aurais oublié pendant mon séjour dans cette caverne..."
C'etait à mon tour d'être interrompu, car il placa rapidement:"Avez-vous oublié votre louve?"
En pleine reflexion, je répétais ces mots:"Ma louve? Ma louve? Ma louve!" Avant de rajouter:"Et oui ma compagne, ma louve, aaaouuuhhhhhhhh aaaouuuhhhhhhhh..."
Avant de perdre connaissance, j'entendis le petit homme en blanc s'exclamer:"Il fait une rechute, vite, la camisole, vite les calmants!!!"
Lorsque je repris conscience, j'étais dans un lit, à l'intérieur d'une tente, l'air était beaucoup plus frais, nous étions dans le nord. je dis bien nous étions, car à mon chevet se tenait le grand Kotalos, l'estafette et d'autres soldats de l'armée des ténèbres. Je leur racontais le présent récit, et voilà qu'un soldat s'adressait à moi:"Nous sommes heureux de votre retour, nous n'avons appris que très récemment que notre officier n'était pas parmi nous mais qu'un avatar à son effigie le remplaçait. Ces ordres étaient étranges et il agissait comme un de ces paysans que l'on croise dans les terres de l'est, c'est à dire rustre et à l'allure grotesque. Hier soir, il s'est transformé en bouillie devant nous. De nombreux soldats de notre clan mais également des clans alliés étaient fort peinés, mais vous voilà de retour." Après s'être tu comme s'il avait compris qu'il s'était exprimé en sortant de son rang, Kotalos dit ces quelques mots:"Nous avons besoin de toi, mais sache que si tu fais preuve de folie autrement qu'en laissant aller ta démence contre tes ennemis, je te renverrais dans ta chaise à porteur direction la Crypte pour que tu séjournes un siècle dans ta chambre, ne jette pas l'opprobre sur ton clan." Ma réponse fut:"J'ai une chaise à porteur?" Aussitot, Kotalos amusé dit avec Superbe:"Oui, c'est elle qui t'a amené jusqu'ici, je te l'offre pour ton retour. A présent, je dois y aller, nous sommes au milieu de la bataille. Je te laisse en compagnie de tes soldats."
A peine le chef parti, l'estafette, dont la livrée rappelait son état de serviteur parla ainsi:"Seigneur de Tenerfas, une dame vous a mandé plusieurs reprises, il s'agit de votre compagne si je ne me trompe point..."
Je l'interrompais pour dire sur un ton très sérieux aux soldats présents:"J'ai entendu parlé d'un grotte ou séjourne une araignée, pensez-vous qu'elle veuille se marier?" L'estaffette, dont la colère avait peine à rester dissimulée, cracha:"M'ecoutez-vous, votre compagne..."
Sortis de mon esprit halluciné, j'hurlais ces mots:"Ma compagne, ma louve, aaaouuuuhhhh, aaaouuuuhhhh". Comme sorti de l'ombre, Haqnor, chef en second du clan avec un regard sévère et une voix emplie de colère, s'écria:"Attrapez-le, et piquez-le!!!". Ne supportant pas ce spectacle (à vrai dire je ne m'en souviens pas mais l'estafette m'a fait un résumé de ce qui s'est passé), Haqnor sortant de la tente lacha:"Pathétique!"
Je ne sais que penser à vrai dire de tout cela si ce n'est que lorsque je me suis réveillé, j'étais juché sur ma guillotine que l'on avait modifié en char de guerre. Je portais encore cette camisole à lanière qui limitait mes mouvements, que l'on détacha lorsque Kotalos eut dit:"Vous pouvez le lacher". On me donna mes armes, et la guillotine s'ébranla. Autour de mon char, se tenait des tambours de guerre qui commencèrent à jouer lorsque nous arrivames en vue de l'ennemie. Des hurleurs postés à l'avant du char entamèrent leur étrange chant, mélange de cris stridents et de voix gutturales dont les paroles sont encore dans mon esprit:
"Voici venir le Seigneur Dément
Juché sur sa guillotine infernale.
Craignez ce héros dans le mal
Et l'horreur de son jugement."
Un soldat actionnait régulièrement la guillotine qui semblait être une énorme bête ouvrant et fermant sa gueule, dévorant à l'occasion ceux qui ne prenait pas garde à son trajet. Quand à moi, je jouais mon rôle à la perfection en faisant voler au dessus du chant de bataille mon sceptre qui écrasait ici et là quelques cranes. Lorsque c'était le cas, je criais comme un fou furieux:"Le Seigneur dément" en arborant des grimaces malsaines et roulant des yeux. Je crois que je ne me suis pas trop forcé, mais qu'importe, en réalité, je ne pensais plus qu'à ma compagne et à son avis sur toute cette affaire.
Ah, oui je me souviens d'une chose que m'a dit le petit homme blanc, que l'homme édenté nommé le vieil ours était bien réel, qu'il se nommait Pain quelque chose, je ne sais plus quoi. Il m'a précisé de garder mon sceptre de rapidité si je devais le rencontrer, et que je saurais où le mettre le cas échéant.
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