La demoiselle Syhl, jeune diplomate fraîchement au service des Chevaliers de la Peste Noire, se redressa lentement, les sens en alerte, les yeux irrémédiablement attirés par une scène qui se déroulait un peu à part du centre de la bataille.
A la suite d'un repos forcé occasionné par la dague acérée d'un assassin Drow, la jeune femme était retournée sur le champ de bataille en dépit des hauts cris du médecin en chef, pour qui une reprise des hostilités dans son état équivalait à un suicide. Mais Syhl n'en avait cure. Bien au contraire, elle se sentit galvanisée par les hurlements de rage, le fracas des armes, les plaintes des mourants, les hénnissements de défi des chevaux chargeant sans pitié leurs adversaires. Et, au milieu de tant de violence, de tant de fureur, dans les flammes et le sang, dominant le carnage comme un démon au milieu de ses enfers, un homme, un seul, avait attiré son regard.
Il bondissait, chargeait, à la tête de ses troupes qui le suivaient et se déversaient sur le champ de bataille tel des trombes d'eau se déversant à la suite de la rupture d'un barrage. Il était là, magnifique et fier, impérial malgré le sang qui lui coulait sur le visage, malgré la boue sur ses vêtements, motivant ses troupes et les exaltant au combat. Syhl n'avait plus d'yeux que pour lui. Son bien aimé. Le vaillant Stouf, puissant commandant en chef des B.I.T.T.
Depuis leur dernier affrontement commun contre les Sylves, la jeune femme en était tombée éperduement amoureuse; et bientôt la vie du jeune chef intrépide lui était devenue plus importante que la sienne. Depuis longtemps leurs deux clans se connaissaient pour s'être mutuellement entraidés aux cours de ces dernières années; mais elle n'avait eu le bonheur de faire la connaissance du jeune homme que dernièrement, lorsque la Grande Matriarche de son clan, la puissante NSA, lui avait offert le poste d'ambassadrice officielle du clan. Et en tant qu'ambassadrice, elle n'avait pu que répondre favorablement à l'appel à l'aide lancé par l'officier en chef des B.I.T.T dans sa lutte contre les Drows.
A la tête de l'assaut, Stouf avait détourné un instant la tête et avait aperçu la jeune femme. Il s'était arrêté un instant, ses guerriers continuant la charge derrière lui, et la fixant de ce regard qui faisait craquer la jeune femme, lui avait fait signe de le rejoindre pour combattre à ses côtés. Syhl s'était sentie galvanisée par cet honneur et ce bonheur, et, se sachant observée, avait mis toute sa fougue et sa vaillance aux combat. Mais, alors qu'un peu en retrait, elle reprenait son souffle un instant, elle avait soudain aperçu une scène qui lui fit momentanément oublier son aimé.
Un peu à l'écart, elle vit deux officiers B.I.T.T en train de résister vaillamment aux troupes Drows qui les harcelaient. Elle reconnut les seigneurs Vayne et Belgarath, dont elle avait fait la connaissance un peu plus avant dans la journée. A ce moment, elle vit aussi un soldat ennemi, adepte du Fléau visiblement, qui tentait une manoeuvre autour des deux officiers. Vayne se retourna alors et lança quelques attaques contre l'ennemi, avant de tomber sur un genoux, épuisé et cherchant son souffle. Son ami Belgarath se portait à son secours lorsqu'il fut pris en chasse par un Drow visiblement très remonté, et dut lui faire face, abandonnant temporairement le Fleau. Syhl s'aperçut que leur adversaire était sérieusement blessé, et que Vayne, toujours à bout de souffle, était dans l'impossibilité de l'achever. Le sang de la jeune femme ne fit qu'un tour. Pas de blessé, pas de prisonnier, telle était sa devise sur un champ de bataille. Elle n'allait pas permettre à une proie de s'enfuir... Assurant son épée dans sa main, elle fit se cabrer sa monture et chargea le Fléau, poussant un cri de rage qui fit un instant se retourner le fier Stouf. Sa jument heurta le fuyard de plein fouet, le faisant rouler sous ses sabots. Mais l'attaque ne lui avait pas été fatale; la juene diplomate, sûre de sa force, descendit de son cheval, et s'avança vers sa proie.
- "Cher seigneur", s'adressa-t-elle à Vayne, "je vous vois vous divertir depuis tout à l'heure avec ces racailles et j'en suis fort jalouse. Daigneriez vous me preter un de vos jouets, que je puisse moi même m'amuser?"
- "Mais, chère amie, j'allais vous en prier", lui répondit Vayne, très amusé par la situation.
La jeune femme fixa alors le Fléau d'un regard lourd de menace et de haine.
- "Relève-toi".
Pas de réponse.
- "Lève toi, je te dis. Si tu veux mourir avec honneur. Si tu ne veux pas qu'on dise des Fléau qu'ils rampent de terreur devant une femme."
Piqué, et grimaçant sous la douleur, le soldat se releva en titubant.
- " Quel est ton nom?"
- " Galdur... et je ne ramperai jamais devant une faible chose comme toi... Je te le dis, retiens bien mon nom, car c'est celui que tu imploreras pour sauver ta misérable vie..."
- " Bien, bien, tu aimes aboyer comme un bon chien que tu es... mais je te garantie que je vais t'empêcher de mordre à tout jamais !"
Elle s'élança vers son ennemi, l'épée haute; lui para son attaque à l'aide d'une dague apparue brusquement dans ses mains. D'une rotation de son épée, elle lui trancha le poignet droit, et enchainant un demi-tour sur elle-même, elle décapita sa victime qui s'effondra sur le sol. Le tout n'avait pas duré plus de 10 secondes
Remontant sur sa jument, elle fit un salut de la tête à Vayne qui, reposé, allait se relancer dans la bataille, et se dirigea elle-même vers le coeur du combat, retrouvant sa place auprès de son aimé. Ils échangèrent un regard silencieux; et l'approbation qu'elle lut dans les yeux du jeune chef fut sa plus belle récompense. * Stouf, mon amour, pour toi, j'irais charger les montagnes elles-mêmes si cela avait le pouvoir de te sauver un jour...*
Et ensemble ils éperonnèrent leurs montures, se jettant à corps perdu dans la meute hurlante.
_________________
|